vendredi 28 décembre 2012

Les godelureaux des lettres


 
C’est le mot qui passe : à l’heure où Bernard Pivot twitte, Nicolas Bedos et Nicolas Rey ne seraient pas sérieux. Le genre à affoler les étudiantes, passer des soirées frivoles, célébrer les amours dilettantes et le temps des copains. Ne pas en parler, donc, dans les colonnes sévèrement tenues par les « professionnels de la profession » littéraire.
Pour exciter encore plus les jaloux, Bedos et Rey s’affichent sur les plateaux télé, chroniqueur ou invité vedette, parfois même sur grand écran. Ils pourraient d’ailleurs sortir des Godelureaux, un Chabrol millésime 61, où des gandins troussent leur vie avec légèreté et provocation.
Aggravant leur cas, ils écrivent aussi dans les journaux des papiers forcément superficiels. Longtemps, Nicolas Rey en a profité pour signer de beaux portraits d’actrices de Brisseau ou de traductrices de Dorothy Parker. Nicolas Bedos, lui, tient dans Marianne son Journal d’un mythomane où il castagne Copé, suit Jean Dujardin à Hollywood, envoie des fleurs à Anne Sinclair et Laure Sainclair. Dernièrement, il a salué L’Amour est déclaré, « le formidable roman de la gueule de bois » de Nicolas Rey : « Françoise Sagan n’est donc pas morte, puisque Nicolas Rey revit. »
Bedos a raison : L’Amour est déclaré est un joli texte à l’imparfait, feuilles arrachées au temps. Rey, après avoir énuméré ses défaites de l’alcool dans Un léger passage à vide, nous raconte sa vie de Patachon grisonnant et fragile. Une Maud sensuelle, fille d’un acteur célèbre, apparaît. Un psychanalyste et un agent déjanté sont de la partie. Michel Platini et John McEnroe, aussi. Un père parle à son fils. Ca hésite entre la passion et la retenue, trouvant son parfait déséquilibre.
Bedos a raison, encore, quand il vante, d’une parenthèse, les mérites du premier volume de son propre Journal, paru en 2011 : « Lis-le, ça peut changer ta vie. » Dans Marianne, d’ailleurs, Bedos est désormais le seul à avoir raison, c’est-à-dire à avoir du style. Une année particulière, deuxième tome de son Journal, en apporte la preuve, par-delà les figures imposées de l’actualité- ce gros mot – et quelques facilités. D’une zébrure de plume, Bedos offense une blonde diaphane et blessée : « Euthanasie ta mère et termine ton bouquin. » Il saisit, sur le vif et par la grâce de dialogues au couteau, les affres d’une campagne présidentielle. Il défend Patrick Besson, coupable d’avoir mis l’accent sur Eva Joly. Il peut surtout suivre les méandres de sa ligne de cœur, l’appeler Pom, et offrir des phrases qui, quelle que soit la saison, touche pleine cible mélancolique : « Je me balade, seul, dans cette maison bondée de fantômes de mes amours ratées […] Je revois chacune d’entre elles, à quelques années d’intervalle, débarquant début juillet par la même baie vitrée, sur la même terrasse, une valise d’enthousiasme à la main […] Je revois C. me quitter dans le jardin, N. m’engueuler près des rochers, E. s’endormir sur le hamac et ma Pom adorée planter du basilic à deux heures du matin. Pour vous, c’est quelques lettres dans une chronique bavarde, pour moi, c’est un carambolage de vies, un mille-feuilles de gonzesses remariées qui font de ce paradis un cimetière sentimental […] Demain, elles me poursuivront sans doute jusque sur la plage (E. qui dit « fuck » au soleil sous son large chapeau de paille, C. qui se calcine à coups de monoï et Pom, seins nus dans l’eau glacée). J’aurais beau nager, nager vers le large, elles m’accompagneront. Au fond, je suis resté fidèle à toutes les femmes que j’ai trompées. »
C’est le problème avec les têtes à claques : ils écrivent mieux qu’un Goncourt de l’année ou qu’une recalée du prix Décembre. Nouveau mot à faire passer : littérature pas morte, talent non plus, les godelureaux Bedos et Rey cisèlent la langue française.
Nicolas Bedos, Une année particulière, Robert Laffont, 2012
Nicolas Rey, L’amour est déclaré, Au Diable Vauvert, 2012
Papier paru dans Causeur magazine, décembre 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff, c'est (presque) fini ...


Avant de prendre le large, plein ouest et au coeur des montagnes de Savoie, on se dit que, décidément, notre Gégauff, Une âme damnée, a eu pendant plus de trois mois le plus beau des accueils. L'excellent Paul Vacca - lire sa Société du Hold-up (Mille et une nuits) - nous apprend que ce n'est pas fini : quelques mots devraient encore être consacrés à notre flânerie, en janvier, dans La Revue des Deux Mondes. On n'oublie pas, non plus, et on aime bien réécouter la chronique de Lisa Vignoli, la plus talentueuse journaliste de Marianne, sur Le Mouv' : http://www.lemouv.fr/diffusion-desir-sur-l-ecran
On va pouvoir maintenant laisser infuser les mots de demain, continuer à boire des bouteilles d'exception avec miss K, au Cornichon et au Jeu de quilles, avec notre ami Leroy aussi, on va lire Simon Liberati - 113 études de littérature romantique (Flammarion)- et Thibault de Montaigu - Zanzibar (Fayard) - et puis on est très heureux, surtout, d'éditer, chez Ecriture, le nouveau roman de Franck Maubert : Ville Close. Franck, qui a reçu le prix Renaudot Essai 2012 pour son Dernier modèle, est un dandy, un homme délicat, un exquis compagnon de bonnes tables et un grand écrivain à la plume mélancolique. Ville Close, dont la couverture est illustrée par Pierre Le Tan, sort le 8 janvier :

mercredi 12 décembre 2012

Quand Naulleau parle d'Une âme damnée et de Paul Gégauff, c'est dans Paris-Match

On avait aimé les mots de Beigbeder dans le FigMag, saluant Gégauff et notre Ame damnée, on aime ceux de Naulleau dans Paris-Match. Son papier est titré : "Diable d'homme". On l'illustre, ici, d'un cliché oldscoule, et par le trou de la serrure, de Bernadette Lafont.

Scénariste pour René Clément (« Plein soleil ») ou Claude Chabrol (« Que la bête meure »), modèle du tueur en cavale interprété par ­Belmondo dans « A bout de souffle », auteur d’une poignée de romans salués par Nimier, poète à découvrir, dandy milieu de siècle, anar de droite et de gauche, intime de Maurice Ronet et copain de Johnny (qui a dit de lui : « C’est l’homme qui m’a fait le plus rire et le plus pleurer de ma vie »), il se nommait Paul Gégauff. Sa trajectoire de feu follet s’interrompit quelque part en Norvège, durant la nuit de Noël 1983, lorsqu’il fut poignardé par sa ­compagne et quitta la rubrique cinéma pour celle des hommages posthumes : «
C’est ainsi que je le vois, mi-poète, mi-fou, égoïste et vulnérable à la façon des enfants, avide d’aventures et de plaisirs, curieux, atteint de tous les dons mais, finalement, d’une grande rigueur intellectuelle dans les ­désordres de la vie. » Oraison signée Roger Vadim dans les pages de Paris Match. Cerner pareil personnage, qualifié de « Brian Jones de la profession » par Bernadette Lafont et de « libertin du XVIIe siècle » par Jérôme Lindon, relevait en soi de l’exploit littéraire. Avec « Une âme damnée », Arnaud Le Guern, décidément inspiré par les irréguliers (on lui doit des textes sur Jean-Edern Hallier et Richard Virenque), fait mieux encore.
A l’évocation d’une carrière où la désinvolture le disputait à l’efficacité – plus d’une quarantaine de films au compteur en qualité de dialoguiste, scénariste, adaptateur, interprète ou réalisateur, au portrait d’un homme tissé de contradictions assumées, libre en un mot, à la résurrection d’une époque dont la nostalgie touche même, et peut-être surtout, ceux qui ne l’ont pas connue, l’auteur mêle le récit de ses propres amours, une célébration du cour-cheverny de chez Villemade et des nuits passées à guetter l’aurore sur un tabouret de bar.
Bref, notre biographe (lequel réfute ce mot) se laisse envahir, mais jamais submerger, par son sujet : « J’écris sur Gégauff comme il écrivait ses scénarios, ses dialogues. Je commence par ne rien faire, pendant longtemps. […] Je déstructure les journées, matinées légères et non grasses, heures suspendues. D’un baiser, je sors de la nuit, je goûte l’aube sur les lèvres de miss K. Je la regarde choisir des étoffes que j’aime, tracer dans la ville endormie. Je sniffe l’air encore froid par la fenêtre. » Une fois la dernière page tournée, le critique se prend à hésiter. Aller dénicher sur les quais un exemplaire des « Mauvais plaisants », paru aux Editions de Minuit en 1951 ? Se procurer la filmographie intégrale de notre homme, chefs-d’œuvre et nanars confondus ? Plutôt relire « Une âme damnée », l’affaire d’une heure ou deux, le temps d’une parenthèse enchantée où « la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff ».

samedi 17 novembre 2012

Quand Frédéric Beigbeder parle d'Une âme damnée : Gégauff est le Hussard de minuit


Notre plaisir de cette fin de semaine : les mots de Frédéric Beigbeder, dans sa chronique du Figaro Magazine, sur Une âme damnée et Paul Gégauff. Sur la photo ci-dessus, Frédéric est accompagné d'un autre dandy de la Cote Basque : le "philosophe sans qualités" et surfeur stylé, Frédéric Schiffter. La photo provient d'ailleurs du blogue dilettante, balnéaire et sexy de Schiffter : http://lephilosophesansqualits.blogspot.fr/. Les mots de Beigbeder, c'est ici :
"Arnaud Le Guern s'est pris de passion pour Paul Gégauff, après Jean-Edern Hallier (Stèle pour Edem, 2001). Il l'admire pour de mauvaises raisons, mais lit-on pour de bonnes ? Une génération perdue succède à l'autre... et la nouvelle se cherche des modèles parmi les morts qui la précèdent. Paul Gégauff (1922-1983) : scénariste inégal, romancier méconnu, fêtard extravagant et séducteur assassine. Sa vie semble fasciner Le Guem davantage que son œuvre. Cet esprit impertinent fut tué par sa petite amie de trois coups de couteau, en Norvège, le soir de Noël 1983. Il faut dire qu'il l'avait bien cherché : « Tue-moi si tu veux, disait-il, mais arrête de rn 'emmerder. » Certaines phrases ne se prononcent pas à la légère.
Arnaud Le Guern a retrouvé la meurtrière, aujourd'hui quinquagénaire et nostalgique... C'est un des moments les plus émouvants de son portrait. Burroughs et Althusser ont tué leur femme, mais je ne connais pas d'autres écrivains assassinés par leur épouse (à part Pasolini) (non je déconne). Gégauff savait qu'il finirait mal. Il se déguisait en nazi dans les surprise-parties bien avant Sid Vicious et le prince Harry d'Angleterre. Il était un Pascal Jardin en plus alcoolique, drogué et misogyne. Son caractère flamboyant et excentrique manque à notre époque. Il publia quatre romans saganiens aux Editions de Minuit dans les années 50, rata son unique long-métrage (Le Reflux),mais donna des dialogues géniaux à seize films de Claude Chabrol, deux d'Eric Rohmer et à Plein soleil de René Clément. Ses facéties, sa liberté de ton, sa folie inspirèrent le Michel Poiccard d'A bout de souffle de Godard (interprété par son ami Belmondo). Il joua des petits rôles chez Vadim, quand Vadim était au sommet de sa gloire. Il fut un feu follet, comme son ami Maurice Ronet. Il troussait des phrases cyniques de libertin désespéré à la Vailland : « Toutes les femmes sont laides dès qu'on n'en a plus envie, et le monde est rempti de jolies filles devenues laides pour un homme qui a cessé de les aimer. »
Arnaud Le Guern aussi a du style : « il organise des fêtes où la débauche est une muse », « les quais de Seine sont le territoire des délaissés de l'aube ». Son livre est allègre comme celui de Frédéric Martinez sur Paul-Jean Toulet. Il donne envie de revoir ces films insolents : Les Bonnes Femmes, Les Godelureaux, Les Biches... et de lire Les Mauvais Plaisants ou Une partie de plaisir, les romans d'un homme qui se disait de droite par provocation. Une manie qui pourrait bien revenir à la mode."
Figaro Magazine, le 16/11/2012

dimanche 11 novembre 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff : ne pas oublier Bertrand de Saint-Vincent

On a évoqué les derniers papiers parus sur Une âme damnée et Paul Gégauff. On avait oublié de citer un petit bijou signé Bertrand de Saint-Vincent qui, dans son texte, mêle notre flânerie et Patrick Modiano. C'est dans Le Spectacle du Monde d'octobre et c'est ici :

"Par coïncidence, paraît au même moment (que L'Herbe des nuits) le récit de la vie d'Une âme damnée, Paul Gégauff, personnage sombre dont les fêlures font songer à l'univers de Modiano. Cet irrégulier, "terriblement doué, mais socialement peu compatible", confia Claude Chabrol dans ses Mémoires posthumes, fut poignardé le 25 décembre 1983 par sa jeune compagne. Egoïste, paresseux, provocateur, cet ami de Maurice Ronet, scénariste de Chabrol, Rohmer, René Clément cultiva jusqu'à l'excès une mauvaise réputation d'alcoolique mysogine et de salaud facho : "C'était un homme de l'amer, des paysages, un buveur, un amant des Lolitas et des femmes fatales", écrit Arnaud Le Guern. D'une plume légère et dansante, semblable à la fumée de la cigarette que son modèle arbore en couverture, ce vagabond littéraire a "braconné autour de sa silhouette et de ses mots" : "Gégauff est ma Dora Bruder", clame-t-il. Une herbe folle dont il dédie cette élégante et nonchalante peinture à la femme de sa vie, Miss K, qui, dans sa chambre de l'Hotel Flaubert, à Trouville, lit Claire, de Jacques Chardonne."

samedi 10 novembre 2012

En novembre, Une âme damnée et Paul Gégauff bougent encore ...

On était un peu ailleurs ces derniers temps. Il y avait l'océan, la campagne, le vent violent, la pluie et ce soleil pâle qui, toujours, nous touche au plus près. Le jour des morts, c'est au Conquet, extrême fin de la terre, que nous avons acheté Libération. Dans les pages "Livres", le très talentueux Antonin Iommi-Amunategui qui, quand il écrit, parle de nos amis Leroy et Lapaque, et qui aime la bonne chère et les bons vins, signe un papier classieux sur Une âme damnée :

"Arnaud Le Guern, 36 ans, a composé ce livre nyctalope, entre balade biographique, autour d’un homme disparu en 1983, délicieusement méconnu, Paul Gégauff, et digressions personnelles. Lui-même, Le Guern, buveur exigeant de livres et de films «oldscoule», écrivain presque jeune, demi-dandy paumé en 2012, soupèse sa vie en regard de celle de Gégauff. Pas évident, quand Paul Gégauff a été le scénariste de Chabrol, de Rohmer, de Schroeder, l’ennemi goguenard de Truffaut (à qui il aurait directement inspiré le personnage principal d’A bout de souffle, écrit par Truffaut avant d’être tourné par Godard, autre bon copain de Gégauff). Que la bête meure et Plein soleil, c’est encore Gégauff ; cet homme pour qui Sagan ou Vadim avaient beaucoup d’estime, des amitiés particulières. Et que même un Johnny Hallyday appelait son «maître à penser». Gégauff qui jouait du piano pour Mick Jagger ou Marlon Brando. La liste est longue comme les jambes de Caroline Grimaldi, l’autre princesse de Monaco, que Gégauff refusera de draguer un soir, parmi d’autres.
Gégauff a ainsi frayé avec deux ou trois cliques fameuses, qu’il semblait dominer pourtant, et écrit des livres, des films ; il les écrivait très vite, pour pouvoir se consacrer à la vie, aux mille instants. Sans cesse «défaire l’immonde sur un coin de table». Pratiquant «un dandysme de fin du monde», il était surtout de ces rares nostalgiques du présent, «le bel aujourd’hui qui raye de sa mémoire les flamboyants et les insoumis». Ce présent sans éclat, que Gégauff s’échinait à bousculer, à électriser au moindre mot. A la manière d’un clown imprévisible, grossier avec talent, trop intelligent pour être triste. Quitte à passer parfois pour fou, fasciste, ou tout ce qu’on voudra. Quand 1968 bat le pavé, Gégauff écrit plutôt des scénarios de «révolution dans les chambres à coucher». Jamais dans le rang, quel qu’il soit, il préfère le plaisir au bonheur, fût-il collectif. Il est de cette «race de desperados n’ayant que mépris et coups tordus à jeter en pâture à [son] époque». Dernier anarchiste, dernier Mohican ? Homme libre, en fait, irrespectueux par principe. «Il est comme le ver dans le fruit de cette société délicieusement pourrie : à l’aise mais pas dupe.» Et surtout vivant, au point de se faire, enfin, à 61 ans, poignarder trois fois par son épouse de 25 ans, à qui il venait de donner un enfant. Bien sûr, il en meurt : il fallait ce finale, à hauteur de comète, comme le bonhomme.
D’ailleurs, une société moins lisse donnerait peut-être son nom à quelque ruelle. Voire à tout un boulevard. Pour l’emmerder un peu, Gégauff, le charrier à son tour, tendrement. Et parce que «la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff». Pas pour tout le monde, certes. Il n’empêche, «l’important, c’est la parole vivante, c’est le style». Et la vie de Gégauff, généreusement servie par Le Guern, déborde le livre, rappelle toutes nos monotonies à l’ordre, les éclabousse de puissantes couleurs. On risque d’être touché."
 
On a lu et relu Amunategui et puis on n'a pas oublié que, avant, il y avait eu un sourire très chic d'Elisabeth Quin dans son Agenda du Figaro Madame, un long texte de Laurence Biava sur La cause littéraire (http://www.lacauselitteraire.fr/una-ame-damnee-paul-guegauff-d-arnaud-le-guern.html), la langue précise de Bernard Morlino faisant, sur son blogue http://www.blogmorlino.com/, d'Une âme damnée "Un presque chef d'oeuvre", notre camarade Philippe Lacoche dans Le Courrier picard (http://blog-picard.fr/dessous-chics/non-classe/le-dandy-surdoue-du-cinema/), un Choix de Valeurs Actuelles (http://www.valeursactuelles.com/culture/guide-livres/une-%C3%A2me-damn%C3%A9e-d%E2%80%99arnaud-guern20121011.html) par Alfred Eibel ou encore des recensions très sympathiques sur Sens Critiques (http://www.senscritique.com/livre/Une_ame_damnee_Paul_Gegauff/8193708/critiques), Fury Magazine (http://www.furymagazine.fr/article-odd-111357710.html) et Senior Evasion (http://www.seniorevasion.fr/coups-coeur-coups-gueule/2012/11/01/une-%C3%A2me-damn%C3%A9e).
On les remercie tous, infiniment, pour leur salut à Gégauff et à notre flânerie. Et on remercie aussi un(e) certain(e) Agathe de Lastyns qui, sur Le Con Littéraire, nous fait la leçon pour une coquille et pour n'avoir pas écrit le livre que, elle ou lui, souhaitait lire : http://www.lelitteraire.com/?p=3471 Au boulot, donc, Agathe : troquez votre bic de plomb de critique pour rédiger la biographie gégauvienne de vos rêves sévères et tristes.
 

dimanche 7 octobre 2012

François Simon marivaude

Un des plaisirs de l’automne naissant, avec les chaudes nuits érotiques et les dernières terrasses : les livres buissonniers, loin de la course aux prix. Ca peut être la très belle « remise au point » de Patrick Besson, Contre les calomniateurs de la Serbie (Fayard), les lettres électroniques envoyées par Alain Bonnand à notre ami Roland Jaccard, Le testament syrien (Ecriture), ou le roman de François Simon : Dans ma bouche.
On doit beaucoup d’enchantements à François Simon, grand reporter et chroniqueur gastronomique, masqué comme Zorro. Sans lui, par exemple, nous serions passé à côté de la meilleure table de Paris, « donc de France » comme le dit Michel Duchaussoy dans Que a bête meure : Le Jeu de quilles, rue Boulard, dans la quatorzième arrondissement, où Benoît Reix cuisine comme personne le carpaccio de veau sous la mère au parmesan et le boeuf du voisin Hugo Desnoyer – avec lequel Simon a signé Un boucher tendre et saignant (Assouline) - et où Guillaume, en salle, sert des vins blancs exquis - le Milouise de Jean-Philippe Padié - qui permettent aux demoiselles de passer des soirées adorablement grisées.
Le Jeu de quilles aurait pu être une des tables, au coeur de Dans ma bouche, où François Simon promène son élégance libertine. Elle n’y est pas : ce sera pour un prochain texte, au gré de l’inspiration de l’écrivain. Dans ce livre qui n’est ni une Angoterie ni un pavé Wikipedia, Simon n’en fait qu’à sa fête. Le charme est là, qui se joue des codes du genre. L’éditeur veut un roman ? Simon l’agrémente à son art, suivant le fil de ses jours et de ses nuits. On devine qu’il a paressé, en dandy, sur son ouvrage. Ecrire, oui, mais la vie allume ailleurs quelques incendies remarquables. Il y a ce déjeuner chez Thoumieux, un voyage au Japon ou à Hambourg, des rendez-vous avec Jeanne Moreau et Catherine Deneuve, une causerie de Jean d’Ormesson, les dîners de « bad boys » au Café Cartouche ou chez Yves Camdeborde, entre Avant-Comptoir et Comptoir du Relais. Il y a aussi le charme si discret de la province, célébré d’une langue précise : « J’ai toujours eu un faible pour Dijon, superbe Facel-Vega remisée sous une bâche. Je m’y retrouve une nouvelle fois seul, à l’hôtel de la Cloche. Je m’arrange pour arriver tôt dans la journée, déambuler, flâner. J’y cherche des fantômes. Les cueille à chaque coin de rue, car les piétons de ce jour ne souhaitent pas outre mesure incarner le moment. » Il y a enfin ces héroïnes pour lesquelles on file à travers la ville, on réserve des chambres d’hôtel, on réinvente avec diablerie la séduction : « Dans une côte rôtie renversante de chez Gaillard, je glisse une petite dose de MDMA d’une remarquable qualité. » Elles ont parfois l’anonymat des escortes ou s’appellent Manuela, Flore, Grazia, Fang, Pascale, Kasumi. Elles sont à se damner, à croquer et à boire, là où leur désir bat, rendent heureux puis triste, la mutine Soo plus que toute autre. C’est ainsi que, avec Dans ma bouche, François Simon nous offre, au rythme des baisers volés et des baisers perdus, un beau roman d’amour, de sexe et de mélancolie des choses de la vie.
François Simon, Dans ma bouche, Flammarion 2012
Texte paru sur Causeur.fr, le 7/10/2012

lundi 1 octobre 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff, ça continue ...

Dans un message laissé du côté de nos braconnages foutraques, l'excellent Patrick Mandon écrit : "Il se fait autour de vous et de votre livre une belle camaraderie d'insolence et de talent." Evidemment ça nous enchante, autant les mots de Jérôme Besnard dans Causeur magazine de septembre (http://www.causeur.fr/gegauff-l%e2%80%99ecrivain-masque,19293) que ceux d'Alfred Eibel, qui connaissait bien Gégauff, dans Service littéraire de François Cérésa (à rapter dans les kosques : http://www.servicelitteraire.fr/PBEvents.asp) ou à paraître dans Valeurs Actuelles - et déjà ici : http://memoirememoires.wordpress.com/2012/09/23/une-ame-damnee-paul-gegauff-darnaud-le-guern/. On a été très heureux, également, de parler pendant une heure, mercredi, d'Une âme damnée, de Paul Gégauff, de miss K, de la Nouvelle vague avec Florent Coirier dans l'émission Sexy Mother Fucker sur Aligre FM : http://aligrefm.org/programmes/les-emissions/sexy-mother-fucker/ Florent est un passionné : de musique - Joe Tex, les Stones, Roxy Music ... - et des flamboyants comme Gégauff. Sa lecture de notre flânerie était parfaite, ses questions au plus près du sujet. Et puis il y a eu Jean-Luc Bitton et Gérard Guégan : Bitton sur son blogue consacré, entre autres, à Jacques Rigaut (http://rigaut.blogspot.fr/) et Guégan dans Sud Ouest (http://www.sudouest.fr/2012/09/30/le-dernier-des-hussards-835796-4692.php). Le texte de Bitton est titré "Un autre feu follet", celui de Guégan "Le dernier des Hussards". On lit et relit ces papiers, le dandysme chic de Bitton et les romans et autres flâneries au "coeur rouge" de Gérard Guégan : Sur le sentier de la guerre, Fontenoy ne reviendra plus, Markus Wolf avait une soeur, je l'ai aimée, Les cannibales n'ont pas de cimetières, ses souvenirs du Sagittaire et de Champ libre, Inflammables, Game over, on en oublie. Tout est dit, en attendant la suite.

samedi 22 septembre 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff, une semaine après ...

On ne savait pas trop à quoi s'attendre pour Une âme damnée. Tout le monde ne s'intéressait qu'à Richard Millet et Christine Angot et personne ne connaissait Paul Gégauff. On a donc été très heureux d'entendre Eric Naulleau parler à merveille de notre flânerie, de miss K et des nuits parisiennes dans Ca balance à Paris. Il paraîtrait par ailleurs qu'un article, signé Naulleau, est dans les tuyaux de Paris-Match. Nous verrons. L'Express, sous la plume de Jérôme Dupuis, a été le premier des niouses magazines à dégainer : un long papier, une belle photo, quelques erreurs - le scénariste Raoul-Duval s'appelle Roland Duval - et une réserve ("une ferveur un peu excessive par endroits"). c'est à (re)lire ici : http://www.lexpress.fr/culture/livre/une-ame-damnee-paul-gegauff_1162001.html. Autres réserves, sur le blogue de L'Editeur singulier : la couverture et, surtout, le fait que le livre n'a pas été publié chez lui. On se souvient d'un excellent déjeuner au Comptoir du relais avec L'Editeur singulier, JCN, arrosé de Cheverny blanc de chez Villemande. C'était charmant et plein d'esprit. JCN avait très bien lu ce Gégauff et fait part de son envie d'en être l'éditeur. On lui avait répondu que nous étions sur le point de signer avec une autre maison et que nous lui donnerions notre réponse une semaine plus tard. Ce qui a été fait : Une âme damnée paraîtrait chez l'excellent Pierre-Guillaume de Roux. On peut comprendre une certaine déception de JCN. Il est par contre faux de dire que le livre lui a "curieusement filé sous le nez" : http://lediteursingulier.blogspot.fr/#!/2012/09/une-ame-damnee-paul-gegauff-arnaud-le.html. Alors que nous déjeunions avec Franck Maubert à l'Ami Chemin, Paris 14e, nous apprenions que, contrairement à Franck pour son mélancolique Dernier modèle (Mille et une nuits), une sélection au Renaudot essai nous échappait d'un rien. Peu importe puisque, grâce à Roland Jaccard, Une âme damnée obtient le prix Chabrol 2012. Pour en savoir plus sur les âpres délibérations, c'est ici (http://www.causeur.fr/rentree-litteraire-les-prix-que-jattribuerais,19135#)  et là : http://www.rolandjaccard.com/blog/?p=3189. On signale toutefois une petite erreur à Roland : Alain Bonnand ne peut pas avoir obtenu le prix Albert Londres pour Le Testament syrien (Ecriture). A la rigueur, le prix Gainsbourg : le petit homme à la tête de chou, c'est lui. L'homme élégant, en effet, ne s'appelle pas Bonnand, mais Frédéric Schiffter - philosophe sans qualités, surfeur et dandy de l'HP - qui nous envoie une carte postale sentimentale et stylée, "A la recherche du cinéma d'avant" : http://lephilosophesansqualits.blogspot.fr/2012/09/a-la-recherche-du-cinema-davant.html. L'élégance est aussi la parure de notre ami Jérôme Leroy : qu'il tienne avec nous le comptoir du Jeu de quilles, meilleur table de la rue Boulard et de Paris, invité sur le vif par les tauliers Benoït Reix et Guillaume Clauss, trinquant avec des vignerons et des vivants hors-normes jusque tard dans la nuit ; qu'il lise, sur une terrasse matinale, la chronique de Patrick Besson dans Le Point ; que nous le prenions en photo, lors d'un coquetèle tristounet, à côté de Reinette, héroïne de Rohmer (http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/2012/09/reinette-et-jerome-mais-sans-mirabelle.html) ; ou qu'il salue, une nouvelle fois, notre flânerie gégauvienne : http://feusurlequartiergeneral.blogspot.fr/2012/09/piqure-de-rappel-une-ame-damnee-darnaud.html. De la même manière, on est aux anges et aux diables quand on lit les mots de Christian Authier dans L'Opinion indépendante. C'est un régal de délicatesse et de précision - ce qui n'étonnera aucun des lecteurs des romans de Christian, notamment son dernier : Une certaine fatigue (Stock) - que l'on peut retrouver sur le site de Pierre-Guillaume de Roux, dans la revue de presse d'Une âme damnée : http://www.pgderoux.fr/fr/Livres/Une-ame-damnee-Paul-Gegauff/51.htm. On a apprécié également, cette semaine, la chronique d'Alexandre Le Dinh, sur le magazine onlaïne De Nécessité Vertu, qui commence par "C'est le livre le plus chic du moment" : http://www.denecessitevertu.fr/2012/09/19/une-ame-damnee-paul-gegauff-darnaud-le-guern-2/. On nous a dit, enfin, que Frédéric Beigbeder a parfaitement présenté Une âme damnée et Paul Gégauff à la fin du Cercle Cinéma, sur Canal Plus Cinéma, ce vendredi 21. On n'a pas pu voir l'émission mais on ne doute pas de la qualité de l'évocation : Frédéric est un homme de goût et le marquis de Verdiani était de la partie.

vendredi 21 septembre 2012

De quoi les "Hussards" sont-ils le nom ?

Dans Causeur Magazine de septembre, notre texte autour de Nimier et des "Hussards" a été quelque peu charcuté, une grossière erreur s'ajoutant par ailleurs : Le Grand d'Espagne de Nimier n'étant en rien, évidemment, un roman. On publie ici la version originale de notre papier :

Le drame appartient à la légende des années 60, époque où il était recommandé de cramer sa vie en roulant trop vite dans des bolides toujours plus rapides. Nous sommes le 28 septembre 1962. Roger Nimier meurt dans un accident de voiture. A ses côtés, la blonde romancière Sunsiaré de Larcône. Ils se rendaient dans la maison de campagne de la famille Gallimard, éditeur pour lequel Nimier oeuvrait. Roger et Sunsiaré n’arriveront jamais à destination. Ils se retrouveront dans les pages de Paris-Match, cadavres extirpés de la tôle froissée de l’Aston Martin DB4. Nimier, ailleurs, a droit à quelques nécrologies fielleuses : il a eu ce qu’il méritait, il se suicidait à grand feu, en « Hussard » qu’il était.
Des écrivains dégagés
Les « Hussards », justement, quelle affaire. Pour certains, ils existent ; pour d’autres, ce n’est qu’une invention de Bernard Frank. En 1952, Frank est un des factotums de Jean-Paul Sartre. Dans Les Temps modernes, il sonne la charge contre une poignée d’écrivains que, « par commodité », il nomme « fascistes » : Roger Nimier, Jacques Laurent et Antoine Blondin – Michel Déon venant s’ajouter plus tard à la fine équipe. Leurs torts sont multiples : ils aiment la vitesse, l’alcool et les jeunes filles ; ils n’écrivent que pour divertir ; ils ont un certain succès ; ils sont de droite. Si Frank se moque, en dilettante, de cet art de vivre qui est d’ailleurs le sien, Sartre a des comptes à régler. Jacques Laurent l’a épinglé dans Paul et Jean-Paul, un pamphlet qui a fait rire et fait mouche. Assimiler le penseur révolutionnaire à Paul Bourget, incarnation XIXe de la bien-pensance bourgeoise : une horreur. Nimier, Laurent et Blondin seront donc infréquentables : des « Hussards » - Nimier a publié Le Hussard bleu – et des fascistes, puisqu’ils lisent des écrivains honnis tels que Morand, Montherlant et Chardonne et que leurs romans mettent en scène des miliciens, des femmes légères, des gandins à l’idéologie floue.
Une certaine idée du style
Les ouvrages qui paraissent, à l’occasion du cinquantenaire de la mort de Nimier, apportent la plus belle des réponses à Sartre. La littérature n’est ni de droite ni de gauche : elle est le style, autre nom de la pensée qui braconne sur le fil des mots. Le style : Nimier, Laurent, Blondin, Déon en ont, chacun selon son art ; Sartre n’en a pas. Il faut lire, dans le Cahier de l’Herne consacré à Nimier, le texte de Gérard Guégan, homme qui n’a jamais oublié la rage à son cœur « rouge ». Il raconte sa découverte de Nimier – Le Grand d’Espagne - à l’ombre des bastons l’opposant à l’extrême-droite des sixties : par-delà les coups de barre de fer, la littérature considérée comme un mot de passe entre ennemis. Alain Dugrand, qui signa longtemps les meilleurs papiers de Libération, ne dit pas autre chose dans sa contribution : « Fasciste, disaient-ils ». Qu’il s’agisse du Cahier de l’Herne, de la revue Bordel ou du collectif édité par Pierre-Guillaume de Roux, on espère que ces publications vont permettre une redécouverte des œuvres de Nimier, de Laurent – sous son nom ou sous le pseudo de Cecil Saint-Laurent - et de Blondin, mais encore d’écrivains qui partageaient avec eux une passion de la langue française à l’assaut, à la caresse : Jacques Perret, Stephen Hecquet, Pierre Boutang, Pol Vandromme ou Philippe Héduy. Tous écrivaient dans des revues, dans des journaux aux noms enchanteurs : Arts, Opéra ou La Parisienne. En clin d’oeil, sans doute, quelques demoiselles cavalières se jettent à l’eau, ces jours-ci, et publient La Hussarde. Le mot de désordre de leur premier numéro : « Il n’y a pas de femmes artistes ». On a envie de les lire et, aussi, de voir ou revoir les films scénarisés par Nimier, dont parlent Eric Neuhoff dans le Cahier de l’Herne, Alexandre Astruc et Philippe d’Hugues dans  Nimier, Blondin, Laurent et L’esprit Hussard. Infréquentables, les « Hussards » ? Quand ils n’écrivaient pas ou ne charmaient pas de jeunes romancières, ils trinquaient avec Maurice Ronet, Paul Gégauff et Louis Malle. Et, même morts, des plumes comme Christian Authier, Claire Debru, Florian Zeller ou Thibault de Montaigu, sans oublier notre camarade Jérôme Leroy, leurs offrent des mots classieux. On comprend la peine de Jean-Paul Sartre.

Roger Nimier, collectif, Les Cahiers de l’Herne, éditions de l’Herne, direction Marc Dambre
Le Bal du gouverneur, Roger Nimier, éditions de l’Herne
Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent et L’esprit Hussard, collectif, éditions Pierre-Guillaume de Roux, direction Pierre-Guillaume de Roux et Philippe Barthelet
Les Hussards, revue Bordel, éditions Stéphane Million
Il n’y a pas de femmes artistes, revue La Hussarde, n°1, éditions Rue Fromentin