dimanche 17 février 2008

Imbécile érotique


Tombé de ma bibliothèque, je remets la main sur un numéro de L’Imbécile titré « Un été érotique ».
En couv’ du journal, définitivement mort, une photo signée David Hamilton. Naïve, enfantine, bandante, une Lolita japonaise est allongée sur le dos, prisonnière imaginaire d’une lumière blanche. Ca c’est de l’érotisme, du léché, du péché originel, un des cercles du pur plaisir. En pages intérieures, toujours des jeunes filles, toujours le « flou artistique » de Hamilton, ce maniérisme assumée qui retourne nos sens comme une crêpe, les met à vif.
Quand je regarde les clichés d’Hamilton, je pense à Emmanuelle Béart jeune, la lumineuse époque où elle passait – sans parler – devant l’objectif. Je pense à Kirsten Dunst dans Virgin Suicide. Elle offrait son corps de neige à un abruti. Juste avant de se foutre en l’air. Je pense à Scarlett Johansson qui, lorsqu’elle se balade dans les rues de Londres au bras de Woody Allen, porte un trench-coat et des bottes noirs.
Dans L’Imbécile, je me rince l’œil et je relis des textes de Muray, Ficat, de Denis Grozdanovitch – l’auteur du Petit traité de désinvolture – et les réflexions désabusées de Frédéric Schiffter.
Je me souviens de Schiffter, il y a quelques années, sur le plateau de Campus. Professeur de philo, il venait de sortir Pensées d’un philosophe sous Prozac où il crachait mélancoliquement, l’air de rien, à la gueule de l’Education nationale. Luc Ferry, ministre shampouiné, n’avait pas aimé l’élégance du monsieur, lui avait fait la leçon : « Vous n’avez pas le droit de démoraliser ainsi les élèves. Un professeur a des devoirs. Le système peut certes être améliorer mais Blabla blabla… » Schiffter avait souri, préférant ne plus moufter. Une attitude délicate et classieuse comme tout ce qu’il écrit. Lire Le plafond de Montaigne, Contre Debord, Traité du cafard. Et, dans L’Imbécile, les extraits de son journal. Ca s’appelle « Biarritz, ou un été dans l’existence ». Au cœur des gravats de l’air du temps, quelques pépites : « Hier soir, au Blue cargo, montées sur les tables, de toutes jeunes sans-culottes galvanisaient la foule sur une musique techno en agitant le drapeau tricolore : Sun, sex and surf. » Ou encore : « L’astre sombre de la mélancolie éclaire le visage de F. depuis qu’elle est née. »
Quelques pages après les mots de Schiffter, un papier sur Garanti sans moraline de Patrice Declerck. Avec cette fusée terrible de l’écrivain : « La saloperie humaine est la même partout. Fort de ce constat, je ne vois pas ce qu’on peut faire d’autre que d’injurier l’humanité, de dénoncer son absurdité et sa cruauté. »
L’Imbécile, c’était Lui + L’Idiot international !

lundi 4 février 2008

Le lac d'or


Au début des années 80, Jacques-Pierre Amette s'appelait aussi Paul Clément. Ouvrant le beau Lac d'or d'Amette, je me rappelle l'enchantement ressenti à la lecture de Exit : "J'ai regardé le ciel. Le cercueil avait disparu sous la terre. J'ai encore regardé le ciel, pas très fier de moi, et je me suis dit: pourvu que le crépuscule arrive et que je me perde dans un bal au milieu des filles." Dans Le lac d'or - dont le héros s'appelle Barbey -, la langue est tout autant acérée. Une saveur froide et tranchante pour trouer l'air gris du XIIIe arrondissement parisien.
Dans Le lac d'or j'aime aussi une jolie pute nommée Chloé et une nageuse aux épaules rondes et musclées dont le maillot bain une pièce pourrait être rouge, comme celui de Scarlett Johansson dans Scoop.
Dans Le lac d'or, les illusions crevées nous entraîne enfin du côté d'une fin de la terre où l'écume, parfois, réveille les mortes.
Lire Paul Clément, lire Jacques-Pierre Amette.