lundi 18 juin 2012
Des seins dans l'oeil de Cecil Saint-Laurent
Dans Paris-Match, le 29 août 1970, Cecil Saint-Laurent, reporter très spécial, s'intéresse donc aux seins.
Sur le site du magazine, on est un peu surpris de retrouver, aujourd'hui, un copié/tronqué des mots de l'auteur de Caroline Chérie, des Corps tranquilles, des Bêtises, du Petit canard ou de ces très beaux et mélancoliques romans - dont nous reparlerons - La Bourgeoise et La Mutante, signé d'une certaine Sabine Cayrol.
N'ayant rien contre miss Cayrol, mais lui préférant de loin Cecil Saint-Laurent, on remet ici ses mots dans l'ordre et on s'offre, pour annoncer l'été, le plaisir d'un reportage photo très oldscoule :
"Si Saint-Tropez a fasciné l’univers, c’est qu’il est un mythe, celui d’un soleil sensuel répandu sur des corps libres et des ruelles divines. Le scandale, si on veut en trouver un, c’est que ce port, beau, grave et charmant, ait été la victime de son charme et que celui-ci risque de disparaître sous l’invasion destructrice des touristes et du béton. Le scandale n'est pas comme on le dit qu'un autobus vende des publications licencieuses (les mêmes qu'une vingtaine de librairies parisiennes exposent tranquillement), c’est qu’une crique tranquille soit devenue introuvable, que la douceur des ruelles s’évanouisse dans le tumulte des moteurs, que dans un golfe plus encombré que la Place de la Concorde on ne puisse plus se baigner un peu loin sans accepter le risque de se faire couper la tête et que plages payantes, embarcadères, ports de tourisme, terrasses de villages préfabriqués, puissent dévorer méthodiquement la côte."
Yves Salgues, Honoré Bostel, Alexandre Astruc, Cecil Saint-Laurent - Des hommes élégants #2
Dans Paris-Match, tous les jeudis, on peut lire paraît-il les coups de coeur littéraires twittesques de Valérie Trierweiler. Pourquoi pas. Feuilletant le numéro 1112 du 29 août 1970, on remarque juste que, à l'époque, Match offrait ses colonnes à quelques godelureaux classieux, dont le talent manque :
. Yves Salgues, héroïnomane fantasque, biographe de James Dean, ami de Gainsourg et Pascal Jardin, nous parlait, sous le titre "Papa est un tueur", de Charles Bronson.
. Honoré Bostel, âme de Chez Castel, inventeur de la Bostella et auteur du Roman d'un turfiste (La Table ronde, 1975), filait à Deauville se balader sur les champs de course : "Un jockey fils à papa menace Saint-Martin."
. Alexandre Astruc, théoricien de la "caméra-stylo" et prix Nimier 1976 pour Ciel de cendres (Le Sagitaire), nous offrait le beau visage de Ewa Olin et disait de Candy, film de Christian Marquand avec Marlon Brando : "C'est Guignol, Walt Disney et Jerry Lewis (en mini jupes)."
. Cecil Saint-Laurent, enfin, le plus dandy des "Hussards", était en train d'écrire Les Bêtises, prix Goncourt l'année suivante, dans les bistrots en buvant des verres de ouisquie. De passage à Saint-Tropez, il envoya une longue carte postale où les seins des demoiselles bronzées étaient célébrés, comme il se doit :
"Des seins inspirent de grands titres à la presse du monde entier. Ce ne sont ceux d'une vedette mais de centaines de filles anonymes. Ils sont nus, et au soleil. Au soleil de Saint-Tropez."
. Yves Salgues, héroïnomane fantasque, biographe de James Dean, ami de Gainsourg et Pascal Jardin, nous parlait, sous le titre "Papa est un tueur", de Charles Bronson.
. Honoré Bostel, âme de Chez Castel, inventeur de la Bostella et auteur du Roman d'un turfiste (La Table ronde, 1975), filait à Deauville se balader sur les champs de course : "Un jockey fils à papa menace Saint-Martin."
. Alexandre Astruc, théoricien de la "caméra-stylo" et prix Nimier 1976 pour Ciel de cendres (Le Sagitaire), nous offrait le beau visage de Ewa Olin et disait de Candy, film de Christian Marquand avec Marlon Brando : "C'est Guignol, Walt Disney et Jerry Lewis (en mini jupes)."
. Cecil Saint-Laurent, enfin, le plus dandy des "Hussards", était en train d'écrire Les Bêtises, prix Goncourt l'année suivante, dans les bistrots en buvant des verres de ouisquie. De passage à Saint-Tropez, il envoya une longue carte postale où les seins des demoiselles bronzées étaient célébrés, comme il se doit :
"Des seins inspirent de grands titres à la presse du monde entier. Ce ne sont ceux d'une vedette mais de centaines de filles anonymes. Ils sont nus, et au soleil. Au soleil de Saint-Tropez."
mardi 5 juin 2012
Paul Gégauff, vous avez dit Paul Gégauff ? #5
Le 13 septembre, Paul-Jean Toulet, Pierre de Régnier, Jean de Tinan, Françoise Sagan, Eric Rohmer, Claude Chabrol, Bernard Frank, Louise de Vimorin, Cecil Saint-Laurent, Roger Nimier, Pierre Zucca, Maurice Ronet, Jean Yanne, Roger Vadim, Félicien Marceau et quelques autres, glisseront avec plaisir, dans leur poche revolver, un petit livre très dandy. Entre volutes et alcool fort, bikini et peau bronzée, une manière de prolonger les étés de la vie. Dolce vita pas morte, littérature suit ...
lundi 4 juin 2012
Les dandys dilettantes ne meurent jamais
En attendant que Causeur en parle , peut-être, un jour : un roman à lire urgemment ...
Boss du Dilettante – beau nom qui évoque autant une maison d’édition qu’un vin naturel, un art de vivre et un film de Pascal Thomas -, Dominique Gaultier n’en a toujours fait qu’à sa fête de pince-sans-rire. A ses débuts, au milieu des années 80, il publiait Bernard Frank et les regrettées Jambes d’Emilienne de mènent à rien d’Alain Bonnand. Il y avait aussi Eric Holder et Marc-Edouard Nabe, Philippe Lacoche et Limonov : des découvertes et du soufre. Puis vint Anna Gavalda, refusée par Gallimard : jackpot. Dominique Gaultier continua alors de plus belle, homme détendu par le best-seller, à révéler des auteurs et faire revivre les oubliés talentueux : Jacques Perret, Jean-Pierre Martinet ou, dernièrement, René Laporte et son Hôtel de la solitude.
Dans une préface élégante, François Ouellet nous apprend qui était Laporte. Né en 1905 à Toulouse, il fut poète et romancier. Il obtint le prix Interralié en 1936. Ses amis s’appelaient, entre autres : André Breton, Aragon, Claude Roy ou Francis Ponge. Il les hébergea tous dans sa maison d’Antibes où il s’était replié sous l’Occupation. Pour le compte de la Résistance, il surveilla Radio Monte-Carlo contrôlée par les Allemands. Il meurt, renversé par une voiture, en 1954. Dans un roman, il écrivait : « Il paraît qu’on meurt jeune, dans ma famille. Dans la cinquantaine, en pleine activité. »
Hôtel de la solitude est de ces livres qui rompent avec la pesanteur du temps et les calibrages imposés. C’est léger, dandy, un enchantement de chaque page. Les phrases ont la grâce des volutes de fumée en terrasse d’un bar d’été : « Dès le premier soir, la porte poussée, il était devenu citoyen d’un autre monde. Il y avait maintenant cinq jours qu’il habitait là et qu’il prenait le même incroyable plaisir à se sentir absent. Qui viendrait le chercher ici ? Cette impression qu’il dépistait toutes les polices de l’univers,qu’il compliquait les enquêtes sentimentales de ses maîtresses, qu’il contrariait les perquisitions intéressées de ses amis, comme elle était agréable ! Elle emplissait béatement le creux vaste de sa torpeur. »
Nous sommes en 1942. Bavard, buveur et flâneur de la vie en territoire occupé, Jérôme Bourdaine se replie dans un vieil hôtel sur les hauteurs de Monte-Carlo. Choyé par le couple d’hôteliers, il goûte le charme oldscoule des lieux. A portée des lâchetés de l’époque, des fantômes pourraient surgir. Mais c’est un homme et une femme qui apparaissent, prennent leur quartier dans le vieil hôtel. La femme s’appelle Zoya. Elle devient pour Jérôme une obsession dissipant les brumes agréables de la solitude. Peu importe le mari, il aime sa voix slave et l’imagine très bien en robe du soir. Pour se souvenir, pour oublier, les sentiments vont se jouer à fleur de peau, les lèvres se mêler. L’amour, définitivement, est ce beau soucis inutile, ultime fuite au cœur des heures troublées : « De nos jours, on disparaît sans laisser de traces, plus aisément que dans les siècles les plus obscurs. Nous vivons tous présentement dans des prisons incommunicables. Personne n’oserait imaginer que je me suis offert la liberté. » Avec René Laporte, la liberté, c’est-à-dire la clé des champs de ruines, c’est aujourd’hui.
René Laporte, Hôtel de la solitude, Le Dilettante, 2012
Boss du Dilettante – beau nom qui évoque autant une maison d’édition qu’un vin naturel, un art de vivre et un film de Pascal Thomas -, Dominique Gaultier n’en a toujours fait qu’à sa fête de pince-sans-rire. A ses débuts, au milieu des années 80, il publiait Bernard Frank et les regrettées Jambes d’Emilienne de mènent à rien d’Alain Bonnand. Il y avait aussi Eric Holder et Marc-Edouard Nabe, Philippe Lacoche et Limonov : des découvertes et du soufre. Puis vint Anna Gavalda, refusée par Gallimard : jackpot. Dominique Gaultier continua alors de plus belle, homme détendu par le best-seller, à révéler des auteurs et faire revivre les oubliés talentueux : Jacques Perret, Jean-Pierre Martinet ou, dernièrement, René Laporte et son Hôtel de la solitude.
Dans une préface élégante, François Ouellet nous apprend qui était Laporte. Né en 1905 à Toulouse, il fut poète et romancier. Il obtint le prix Interralié en 1936. Ses amis s’appelaient, entre autres : André Breton, Aragon, Claude Roy ou Francis Ponge. Il les hébergea tous dans sa maison d’Antibes où il s’était replié sous l’Occupation. Pour le compte de la Résistance, il surveilla Radio Monte-Carlo contrôlée par les Allemands. Il meurt, renversé par une voiture, en 1954. Dans un roman, il écrivait : « Il paraît qu’on meurt jeune, dans ma famille. Dans la cinquantaine, en pleine activité. »
Hôtel de la solitude est de ces livres qui rompent avec la pesanteur du temps et les calibrages imposés. C’est léger, dandy, un enchantement de chaque page. Les phrases ont la grâce des volutes de fumée en terrasse d’un bar d’été : « Dès le premier soir, la porte poussée, il était devenu citoyen d’un autre monde. Il y avait maintenant cinq jours qu’il habitait là et qu’il prenait le même incroyable plaisir à se sentir absent. Qui viendrait le chercher ici ? Cette impression qu’il dépistait toutes les polices de l’univers,qu’il compliquait les enquêtes sentimentales de ses maîtresses, qu’il contrariait les perquisitions intéressées de ses amis, comme elle était agréable ! Elle emplissait béatement le creux vaste de sa torpeur. »
Nous sommes en 1942. Bavard, buveur et flâneur de la vie en territoire occupé, Jérôme Bourdaine se replie dans un vieil hôtel sur les hauteurs de Monte-Carlo. Choyé par le couple d’hôteliers, il goûte le charme oldscoule des lieux. A portée des lâchetés de l’époque, des fantômes pourraient surgir. Mais c’est un homme et une femme qui apparaissent, prennent leur quartier dans le vieil hôtel. La femme s’appelle Zoya. Elle devient pour Jérôme une obsession dissipant les brumes agréables de la solitude. Peu importe le mari, il aime sa voix slave et l’imagine très bien en robe du soir. Pour se souvenir, pour oublier, les sentiments vont se jouer à fleur de peau, les lèvres se mêler. L’amour, définitivement, est ce beau soucis inutile, ultime fuite au cœur des heures troublées : « De nos jours, on disparaît sans laisser de traces, plus aisément que dans les siècles les plus obscurs. Nous vivons tous présentement dans des prisons incommunicables. Personne n’oserait imaginer que je me suis offert la liberté. » Avec René Laporte, la liberté, c’est-à-dire la clé des champs de ruines, c’est aujourd’hui.
René Laporte, Hôtel de la solitude, Le Dilettante, 2012
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