samedi 15 juin 2013

Cérésa, Leroy, Lacoche, Marchand ...

On écrit peu, ici, ces derniers temps. C'est que, profitant d'un peu de soleil dans l'eau froide des jours, on fonce pour achever un court roman à remettre à la talentueuse Claire Debru, éditrice chez Nil - Robert Laffont. C'est un roman d'été, d'amour, de dolce vita, de mélancolie, tout ce qu'on aime. Ca s'appellera : Adieu aux espadrilles. On en reparlera plus tard.
On n'attend pas, par contre, pour dire ou rappeler qu'on a plaisir à éditer, aux éditions L'Archipel/Ecriture, les auteurs qu'on a toujours aimé lire. Il y a eu, notamment, l'excellent Franck Maubert et son roman Ville Close, la réédition de Caroline Chérie de Jacques Laurent, alias Cecil Saint-Laurent. Plus récemment : le tonitruant Merci qui ? de François Cérésa.

Ne pas oublier, non plus, les Dernières Nouvelles de l'enfer de notre camarade et ami Jérôme Leroy, qui pourraient bien être le livre de l'été, à lire sur la page, pour éloigner (ou faire apparaître) vampires, zombies et autres créatures.
 
 
On est très heureux, enfin, d'annoncer la parution, fin août, chez Ecriture, de deux romans : Les Matins translucides de Philippe Lacoche et Cycle Mortel de François Marchand. En attendant la couverture de la nouvelle dérive mélancolique et modianesque de Lacoche, au coeur d'une Picardie qui le hante et l'émeut par delà les années qui passent, voici celle de Cycle Mortel, de Marchand, qui sera le roman le plus drôle, le plus cynique, le plus violent, le plus jubilatoire, le plus noir d'humour, le plus à vif de la rentrée.

De quoi parle Cycle Mortel ? On vous offre une mise en bouche : "Paris, 2015. Les usagers du Vélib’ sont terrassés les uns après les autres. Ils tombent brutalement de leur engin, sans que la médecine puisse expliquer la cause de ces morts à la chaîne… Il n’en faut pas plus à Béchetoile, maire socialiste de la capitale, pour y voir un complot de la droite ultra destiné à éliminer ses électeurs.
Cette piste, toutefois, ne convainc pas le commissaire Moullimard, qui préfère humer l’air parisien ou miser sur le hasard des rencontres pour tenter de résoudre l’énigme. Mais déjà Béchetoile, en vue de la prochaine « Nuit blanche », prépare la contre-attaque et mobilise ses troupes. Des hordes de bobos s’apprêtent à mettre la ville à sac… Est-il trop tard pour enrayer ce cycle mortel ?
Humour noir et provocation sont les ingrédients de cette satire de douze années de gauche plurielle à Paris.
"

samedi 8 juin 2013

Guillaume Serp et Les Chérubins électriques


Dans le très bon Schnock #7 (http://larevueschnock.com/), avec Les Valseuses à l'honneur et une itévé extra de Bertrand Blier entre autres, on parle de Guillaume Serp et de son unique roman : Les Chérubins électriques ...

Au commencement, on ouvre Vacances dans le coma de Frédéric Beigbeder. Au hasard des pages, une longue liste titrée « J’ai oublié ». Sur un carnet, on recopie : « J’ai oublié le titre du seul roman de Guillaume Serp (mort d’une overdose après sa publication) ».
Ca ne peut qu’intriguer. On imagine un auteur culte – un Jean-Jacques Schuhl au destin précocement brisé dans la poudreuse – et un livre fantôme. Chez les bouquinistes et sur le ouèbe, d’ailleurs, Serp est introuvable. Ca arrive parfois. Un ami, avocat et éditeur, nous parle de lui. Une couverture jaune, un jour, attire notre attention : Les Chérubins électriques.
Nous sommes en janvier 1983 quand le livre est édité par Robert Laffont. L’auteur est ainsi présenté : « Guillaume Serp a vingt-deux ans. Il y a deux ans, il enregistrait son premier disque ; aujourd’hui Les Chérubins électriques est son premier roman ; deux autres livres sont en préparation. » La quatrième de couverture enchante immédiatement : « Paris 1978 : quelques jeunes gens sages changent de grandes résolutions comme de marques d’après-rasage ou de bas nylon. » La mise en bouche du roman achève de nous séduire : « Cassandre jouait avec le zip de son pantalon. Elle m’attendait seule à la terrasse du Flore et plongeait parfois ses lèvres dans un coca-fraise, sans doute rêvait-elle d’être Marilyn Monroe. »
Sans attendre, on rejoint Cassandre, comme le fait Philippe, le narrateur des Chérubins. D’autres filles, taille mannequin, s’appellent Ancilla ou Deliciosa. Les garçons, eux, quand ils ne se prénomment pas Alexandre, portent des noms de robot : X1 et X2. Ils sont jeunes, beaux et fêlés comme des godelureaux filmés par Chabrol : fils-et-filles-à-papa vivant dans de grands appartements où il n’y a rien à faire, sinon écouter Lou Reed, boire du bourbon, sniffer de la cocaïne et s’injecter de l’héro. Quand la nuit se pose, ils filent au Palace, au Roxy ou au Viennois, à l’angle de la rue Caumartin et du Boulevard des Italiens. Au petit matin, dans le soleil pâle de l’automne, l’amour a la gueule de bois et les veines explosées. Puisqu’il faut bien s’occuper et que le punk est à la mode, Philippe décide de monter un groupe. Pas un groupe punk, ce serait vulgaire : de rock n’roll, le rock étant mort, paraît-il. « Philippe et les chics types », ça sonne bien. Un certain succès est au rendez-vous ; les groupies aussi, la came toujours. Philippe, pourtant, n’a qu’une envie : écrire le roman de ces années de petits luxes, de mélancolie et d’errance pailletée.
Ce roman fin d’époque, comme il y a des romans fin de siècle, Guillaume Serp nous l’offre avec Les Chérubins électriques. Il réussit son entrée en littérature, telle une sortie de piste aux étoiles, en grillant toutes ses cartouches les plus belles : « Elle avait eu envie de griffer le jour jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la nuit », « Elle ressemblait à une aube d’été » ou « Deliciosa me dit un jour qu’elle avait bouché les trous de son sourire pour que l’angoisse ne puisse plus s’insinuer dans sa bouche ». Des phrases à garder précieusement, puisqu’il n’y aura pas d’autres livres signés Serp.
Les Chérubins électriques paru – salué notamment par Alain Pacadis -, Serp s’exile à Los Angeles. Il écrit là-bas des chansons chics et sucrées pour Lio : Pop Model, Veste du soir ou Les filles veulent tout. De retour à Paris, il meurt d’une overdose, en 1985 ou 86, la date reste floue.
Ultime précision : Guillaume Serp s’appelait Guillaume Israel. Il fut le chanteur de Modern Guy, qui firent danser la France avec un tube très eighties naissantes : Electrique Sylvie. Il était du genre à faire paraître, dans Libération, des petites annonces joliment troussées :« Cherche une jeune fille de 18 à 30 ans, excessivement riche, belle et peu jalouse pour consommation intensive. Envoyez photos et CV à Guillaume Israel. » Guillaume Israel, alias Guillaume Serp, nous manque. Son insouciance s’est définitivement envolée sur la ligne des excès.

Guillaume Serp, Les Chérubins électriques, Robert Laffont, 1983 (bientôt réédité par L'Editeur Singulier)
Une précision : l'illustration photo vient du blogue de Franck Darcel (http://www.frankdarcel.com/portraits/guillaume.html), qui fut l'ami de Guillaume Serp/Israel et qui en parle avec grâce.