Notre
plaisir du moment, qui annonce déjà les beaux jours, l'été :
Madame Richardson et autres nouvelles,
de Christian Laborde. Ce n'est pas une surprise. On n'avait pas
oublié les héroïnes de Diane et autres stories en
short, son précédent
recueil. Elles n'en faisaient qu'à leur fête mélancolique,
suspendant le temps d'une caresse ou d'une foulée légère. Laborde,
aujourd'hui, nous présente les petites sœurs de Diane.
Elles
s'appellent Kate, Agathe, Maria ou Albane. Que font-elles dans la
vie ? Rien. Ce sont des passantes graciles. Elles flânent entre
les lignes des 12 nouvelles de Madame Richardson.
Elles sont nées, non de la cuisse de Jupiter, mais d'une plume
sensuelle qui, comme personne, sait esquisser une nuque, des seins
menus ou une cambrure. Elles se retrouvent au Bizarro Bar, roulent en
Triumph Spitfire 1500 cabriolet, lisent des « Cartes postales »
de Henry Jean-Marie Levet. Elles rient, pleurent, s'offrent. Avant,
pendant, après l'amour, elles chantent : « A
chaque nouvelle une héroïne, à chaque héroïne un refrain. »
Les mots et les mélodies sont leur seconde peau. « Paradis
perdus » de Christophe ou « Désir désir », signé
Souchon/Voulzy, les parent. Ne pas oublier « Love me please
love me » ou « La Superbe », de Benjamin Biolay.
Parfois, ces fées d'hiver nous rappellent des silhouettes
inoubliables d'un monde en fuite. On pense à Sarah, qui aimante les
sens dans une nouvelle titrée « Les escarpins » :
« Elle se regarda
une dernière fois dans la glace, et la glace lui confirma que ses
amies et son mari avaient raison : elle avait quelque chose de
Muriel Moreno, la chanteuse de Niagara. »
Muriel Moreno : sa moue à la BB, ses « Tchiki Boum »,
son envie de « l'amour à la plage ». Les années 80
avaient de jolis atours. Sarah, elle, est tête en l'air. Sous sa
jupe courte, elle a oublié d'ôter sa culotte. Alors qu'elle
s'apprête à rapter ses stilettos préférés, un tel oubli doit
être réparé. Ce qu'elle ne manque pas de faire. Notre
reconnaissance lui est éternelle.
Ciselant
ses héroïnes au plus près de nos émotions, sans négliger les
drames intimes et la mort qui cogne comme le soleil d'un été
meurtrier, Christian Laborde est en grande forme. Parce qu'il se joue
des genres, la nouvelle lui va bien. Il est un des meilleurs
nouvellistes de « notre cher et vieux pays », avec nos
amis Jérôme Leroy – auquel Madame Richardson
est dédié -, Patrick Besson ou Philippe Lacoche. Sur quelques pages
ou dans une histoire au plus long souffle – « Trois
saisons », ce bijou d'érotisme, de poésie et de spleen - sa
langue est en liberté, comme elle l'était dans L'Os de
Dionysos, roman culte. Le
lecteur y croisera Jean Seberg et le fantôme de Pierre de Régnier,
Bahamontes et Tarantino. Tout ce qui nous enchante.
On
lit les nouvelles de Laborde ; on les relit. Que nous
apprennent-elles ? La beauté sauvera ce qui reste à sauver de
l'immonde. C'est pleine cible, plein cœur. Littérature pas morte,
Madame Richardson
suit ...
Christian Laborde,
Madame Richardson et autres nouvelles, suivi de Quai des bribes,
Robert Laffont