J’en avais parlé avec Bruno Deniel-Laurent, Laurent James et quelques autres dans un bar pouilleux populo du 11e arrondissement de Paris : le Pouilly. Une télévision, dans un coin du troquet, diffuse Sous le soleil – série bêta où les filles sont sexy - puis le Maillon faible. Les mecs au comptoir se traitaient de Pédés, d’enculés, ils insultaient leur mère, leurs soeurs. Tout allait bien.
Dans TsimTsoum, nous aurions pu publier des textes d’Arthur Cravan, d’Albert Caraco, de Karl Kraus ou de Dominique de Roux. En exergue, je voyais bien André Breton et cet aveu : « Les confidences des fous, je passerai ma vie à les provoquer. » Pour l’édito du numéro 1, BDL a proposé « La République des vaincus », texte extrait du Pal, journal tonitruant rédigé en solo par Léon Bloy, journal qui ne connut que 4 numéros. En voilà du texte, du bon, du qui déchire sa race et qui déchire l’époque ! Extrait :
«Ah ! nous sommes fièrement vaincus, archi-vaincus de cœur et d’esprit ! Nous jouissons comme des vaincus et nous travaillons comme des vaincus. Nous rions, nous pleurons, nous aimons, nous spéculons, nous écrivons et nous chantons comme des vaincus. Toute notre vie intellectuelle et morale s’explique par le fait que nous sommes de lâches et déshonorés vaincus. »
Une ou deux agrégées, ainsi que la très pénible Sarah Vajda, silencieuses jusqu’ici, n'étaient pas convaincues. Elles jugeaient Bloy « connoté » et « hors du coup ». Elles craignaient de passer pour des « nazis », pour des « ringardes ».
Cancer !, paraît-il, avait déjà cette réputation. Elles préféraient, pour l’édito, que chacun rédige un pastiche d’une tirade du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Le pastiche, c’est tendance, ça ne fait pas de mal et c’est « drôle à faire ».
Ce que j'en pensais : il fallait ignorer ces imprécises ridicules et se replonger dans Bloy, sa prose fumante, ses colères terribles, sa joie devant les flammèches de beauté qui vacille au fond de la détresse d’une pute aimée.
Ce que j'en pensais : il fallait ignorer ces imprécises ridicules et se replonger dans Bloy, sa prose fumante, ses colères terribles, sa joie devant les flammèches de beauté qui vacille au fond de la détresse d’une pute aimée.
Bloy était inactuel, dixit madame Vajda qui, alors, préférait Claire Chazal. Ma réponse ? Lire Une femme pauvre, lire Le désespéré, lire le Journal du fulminant Léon.
TsimTsoum est sorti, sans moi, un numéro que les abonnés, pour la plupart, n'ont pas reçu. Depuis : pas de nouvelles. Ni de la revue, ni de Bruno Deniel-Laurent, homme hors-norme et écrivain de qualité, ce qu'il n'a jamais voulu savoir.