samedi 30 avril 2011

F.S. Fitzgerald dixit


"L'histoire de ma vie est celle du combat entre une envie irrésistible d'écrire et un concours de circonstances vouées à m'en empêcher."

"J'ai souvent souhaité ne jamais avoir rencontré ma femme - mais je n'ai jamais pu supporter de la savoir loin de moi plus de cinq heures."

"Il avait eu la faiblesse à un âge précoce, de parader au lieu d'observer et d'écouter."

"D'immature, je suis devenu vulnérable."

samedi 23 avril 2011

Les petites morts de Patrick Besson



Qu'il s'intéresse aux mystères de l'Afrique, à Mike Tyson ou à la troublante disparue niçoise Agnès Le Roux, Patrick Besson est un écrivain proustien. Il quête le temps perdu, datant ses tristesses tel le Baudelaire de Mon coeur mis à nu. Dans la lignée de 28 boulevard Aristide Briand et Tour Jade, où Besson partait de quelques rues de sa vie pour se rendre « accessible à certaine mélancolie », Come baby laisse la mémoire vagabonder sur le corps des jeunes femmes. Un court roman vrai, en forme de flânerie sur le vif des sentiments, mots précis à l'assaut et à la caresse.
Astrid est une journaliste people blonde, râleuse et sensuelle. Elle a tout pour plaire, sauf ce qui attache – « la désinvolture ? Le désintérêt ? » Alors qu'elle réapparaît à une table du Grand Véfour, Besson se souvient de leur histoire et d'un séjour en Thaïlande pour l'oublier : « On ne devrait pas dire une histoire d'amour mais une histoire, parce que vient toujours le moment où il n'y a plus d'amour. »
Entre l'ours et la poupée, il y eut des voyages de presse, Un parfum de jasmin de Michel Déon, des chambres d'hôtel, l'ombre de Romain Gary, des taxis, la Corse puis le vide des coeurs battus que Besson comblera en regardant en boucle Lady Bar, un téléfilm tourné en Thaïlande.
L'une des actrices - « Pamela Anderson thaï » - l'obsède, se superpose à la silhouette d'Astrid. Besson veut la rencontrer, l'effleurer. Il n'arrivera pas jusqu'à elle, happé par deux adorables prostitués, Aom et Noï, qui habiteront ses nuits dans la chambre 0812 du Shangri La de Bangkok. « Come baby », lui disent-elles avant, pendant, après l'amour. Besson note : « On ne voyage pas en Thaïlande pour assouvir ses besoins sexuels, mais pour voyager dans sa jeunesse avec la faculté de l'arranger à son goût. »
Restent alors l'empreinte douce d'un dernier baiser au petit matin, des billets glissés dans un sac, une photo sexy envoyée par SMS et les peaux mêlées d'Astrid, Aom et Noï. Une certitude, aussi : le plaisir, tarifé ou non, est la petite mort de l'homme de cinquante ans au corps fatigué, à l'esprit détaché des pâles illusions.

Patrick Besson, Come baby, Mille et une nuits, 2011
Article paru dans Service littéraire, avril 2011, sous le titre "Les cons de la rivière Kwaï"

mardi 12 avril 2011

Un feu follet nommé Berthet

Dans le mensuel Causeur d'avril (Causeur.fr dit tout ce qu'il faut pour s'abonner et ainsi lire les excellents textes du camarade Leroy, de François Marchand, de Bruno Deniel-Laurent, de Basile de Koch, j'en oublie), je parle des jeunes filles, de la plage, de la mélancolie, de champagne, c'est-à-dire de Frédéric Berthet.

Les bulles sont souvent tristes les nuits de Noël. Le coeur fragile d'un père, par exemple, se débat pour que le tic-tac ne s'arrête pas. Le 24 décembre 1983, c'est le scénariste Paul Gégauff qui s'en va, à couteaux tirés. Vingt ans plus tard, l'écrivain Frédéric Berthet s'écroule dans son appartement de la rue Tournefort, à bout de souffle, d'alcool. L'époque ne goûtant guère la grâce fragile des feux follets, ils ne seront pas nombreux à saluer, d'un tchin plein de larmes, sa mémoire lunaire : Olivier Frébourg, Patrick Besson, Eric Neuhoff. Des amis qui, naturellement, trouvent leur place dans la correspondance de Berthet qu'éditent les éditions de la Table Ronde, aux côtés de Philippe Sollers, Roland Barthes, Jean Echenoz, de quelques demoiselles et de Michel Déon. Michel Déon, pour Berthet, fut ce que Chardonne a été pour Nimier : un aîné qui donne le tempo. A la différence de l'auteur de Claire et Vivre à Madère qui conseillait au hussard dix ans de silence, Déon incite par contre Berthet à aller au bout de ses idées: « Je crois aussi qu'il faut que vous vous preniez par la main et que vous travailliez. Les vieux dictons ont souvent raison : le travail, c'est la santé. Un écrivain (et vous en êtes un) est fait pour écrire. Sans cela, il n'est rien. Ne soyez pas rien. Ce serait vraiment dommage, à la fois pour vous-même et pour ceux qui ont foi en vous. Je sais que ce n'est pas facile mais il y a une formidable ivresse quand on a réussi, quand on est venu à bout d'une page, de plusieurs pages. »
Une certaine fêlure
En 1978, Berthet semblait répondre par avance à Déon, posant les derniers mots de toutes ses esquisses : « Mais si un soir, prenant la plume, vous en venez à écrire une page qui ne s'adresse plus à personne, alors, dans ce vide succédant à l'absence, vous aurez une idée de ce qu'est un roman, même si vous n'en écrivez jamais. » Dans les lettres qu'il poste des campagnes de France, de New York, de Malte ou d'autres contrées, Berthet promet beaucoup. Oui, il passe ses journées à écrire. Oui, il est heureux que le livre soit presque achevé. Oui, il relit l'ultime version de son chef d'oeuvre. Oui, Antoine Gallimard en aura pour son argent. Chacun des titres qu'il annonce donnent envie : L'homme de confiance, Trimb, Traité complet de pêche, suivi de Le tennis moderne en 5 leçons, En marche ou un particulièrement excitant Tour du monde en 80 filles. L'envie, justement : carburant de Berthet, mêlé à la fatigue qui saisit, parfois, les grands vivants. Longtemps, la quête de la blue note a été la plus forte. Puis le goulot d'une bouteille de gin, de vin ou de ouisquie a cogné les mots recueillis dans ses carnets – son Journal de Trêve posthume – , dans ses nouvelles – Simple journée d'été, en 1986 – et dans son unique roman, Daimler s'en va, en 1988.
Un orfèvre de l'émotion
Daimler s'en va, à (re)découvrir aujourd'hui en format poche, raconte la vie, l'ennui, les petits plaisirs et la mort de Raphaël Daimler, dit Raph. Daimler ne va pas à la fiesta qu'organisent son ami Bonneval et sa petite amie Véro. Il envoit à Bonneval une longue lettre, bye bye rieur aux excès et aux éclats de rire. Daimler est un chic type. Il écrit, sous le pseudo de Martin Hawaï, les paroles d' Héroïque - « J'ai perdu mon lipstick / Ca me rend hystérique / J'peux pas rester statique / Va falloir que j'me pique » - qu'on imagine bien sur un Maxi 45 Tours d'Elli et Jacno. Il fume lentement des cigarettes et se souvient de son premier flirt. Il est amoureux des jeunes filles blondes courant dans les blés, ce qui lui permet d'oublier, champagne et psychanalyse aidant, une femme fatale enfuie dans de lointaines îles anglaises. Il envoie des télégrammes qui commencent par « Old sport », s'interroge sur le dandysme aussi. A Bonneval lisant Le chasseur français, il lance des phrases du genre : « Charlie, le dandysme consiste à se placer du point de vue de la femme de ménage qui découvrira le cadavre, au matin. » Daimler n'est donc pas un jeune homme triste. Daimler est juste fatigué, fenêtre ouverte sur l'amer et sur le sentiment de s'exprimer dans une langue étrangère. Daimler, avant le grand saut, se répète en boucle la mélancolique chute finale du recueil Paris-Berry : « Que de fois n'ai-je pas, dans ma vie, entendu l'expression : Mais tu ne te rends pas compte ! Il faut croire que non. Ou alors, pas des mêmes choses, peut-être ? » Daimler, héros aux fulgurances stylées, est le vieux frère de Frédéric Berthet.
Frédéric Berthet, Correspondances 1973 – 2003, La table Ronde, 2011
Frédéric Berthet, Daimler s'en va, « La petite vermillon », La Table Ronde, 2011

vendredi 1 avril 2011

Balnéaire et sexy

Ici et ailleurs, sous peu, nous parlerons du Dernier album des Chanteuses qui fait penser au titre d'un roman de Sagan : un peu de soleil dans l'eau froide. Le dossier de presse, classieux et sexy, annonce : "Du vrai rock balnéaire et sexy, des ballades punk, et un tube d'électro-dance parodique." Dans leurs chansons, signées par un certain Octave Parango, Victoria Olloqui et Priscilla de Laforcade nous parlent de l'été, du Père Noël, d'alcools forts, de starlettes cannoises, d'amour fou et d'amour triste, de gueules de bois, de caresses, des ombres de nuit, de silhouettes en bikini, entre autres. Sea, sex, sun et légèreté : tout pour nous plaire.

"Le jour de la fin du monde, une femme me cache"



Avant de prendre nos quartiers de printemps, le temps d'un long ouiquende, au Flaubert à Trouville, miss K. - la plus belle des apparitions d'été et du monde d'avant, "la plus jolie fouriériste de Paris" dixit le camarade Leroy - me parle de Patrick Grainville, qui fut son professeur de lettres. Un fêlé sympathique, obsédé de la femme, de la peau et du cul malgré une coupe de cheveux improbable. Un ancien Goncourt que je n'ai jamais lu. Il y a ce titre, pourtant : Le jour de la fin du monde, une femme me cache. Je pense aux Derniers jours du monde de Noguez et au film qu'en ont tiré les frères Larrieu. A La minute prescrite pour l'assaut aussi. A Trouville, je chercherai le roman de Grainville que je lirai face à la mer, caché par mes lunettes noires et par miss K.