mercredi 22 janvier 2014

Quand Roland Jaccard parle de Leroy, Schiffter et Le Guern ...



Nous étions en train de nous dire que ça faisait longtemps que nous n'avions pas vu Roland Jaccard. Quelques cafés chez SIP commençaient vraiment à nous manquer. Et puis il nous tardait de lire Une Japonaise à Paris, à paraître chez L'Editeur. Parce que "l'infâme RJ" est le plus élégant des hommes, au zinc et sur la page blanche. On en était là quand nous est parvenu le dernier petit bijou vidéo de Roland. Qui nous a touché, infiniment.

dimanche 5 janvier 2014

Name-dropping #3


Nicolas Rey
Il y a un peu plus dun an, nous avions mêlé dans un papier Nicolas Bedos et Nicolas Rey. Ca sappelait : « Les godelureaux des lettres ». Depuis, Bedos fils, son BEP force de ventes à la boutonnière, a vanté partout sa Tête ailleurs, pavé à la langue boursouflée que tout le monde a acheté mais que personne na lu. A linverse, on a peu parlé de La beauté du geste, recueil de chroniques de Nicolas Rey publié au Diable Vauvert. Il nest pas trop tard pour sy plonger. Dans ce petit livre élégant, Rey est au meilleur de sa forme : vif, mélancolique, la plume caressante. Toute la délicatesse de style que Nicolas Bedos na pas, Rey la glisse entre chacune de ses lignes, au cœur de ses portraits. On pense à ses mots sur Marco Pantani, qui touchent. Il est parfait, aussi, dès qu’il confesse une actrice dans une chambre d’hôtel. Ses déambulations noctures, qu’il offrait à feu Zurban, ravivent enfin le souvenir de Jean-Michel Gravier et de « Elle court, elle court, la nuit », rubrique culte du Matin de Paris. Encore un journal disparu. La presse, décidément, va devenir le cimetière de nos plaisirs.

Nina Companeez
En 2014, soyons inactuels. Lisant lexcellent « Fidèle au poste » de Stéphane Hoffman, dans le Figaro Magazine, on sarrête sur un nom : Nina Companeez. Deux téléfilms sont (re)diffusés ces jours-ci : Voici venir lorage et Le Général du Roi. Companeez, pour les sagas télévisées, cest autre chose que José Dayan. Ce qui nest pas étonnant. Ses classes, Nina les a faites auprès de Michel Deville, en tant que scénariste et dialoguiste. Pensant à Companeez, on a très envie de revoir trois chefs doeuvre du monde davant : Benjamin ou les mémoires dun puceau, Lours et la poupée et, plus que tout, Raphaël ou le débauché. Il y avait Piccoli et Deneuve, BB et Jean-Pierre Cassel, Maurice Ronet et Françoise Fabian. Il y avait de la légèreté et de la profondeur, des histoires et des sentiments. Tout ce qui nous plaît, comme nous plaisait le premier long-métrage réalisé par Nina Companeez : Faustine et le bel été, avec la lolitesque Muriel Catala. Quest devenue, dailleurs, Muriel Catala ? Elle manque à lécran noir de nos nuits blanches.

Eric Rohmer
Muriel Catala aurait pu être une héroïne dEric Rohmer. Muriel à la plage ? Comme les charmantes Haydee Politoff, Amanda Langlet ou Laurence de Monaghan, elle se serait retrouvée dans lhénaurme biographie, éditée chez Stock, que la doublette Antoine de Baecque/Noël Herpe a consacrée à Rohmer. On comprend quils sy soient mis à deux pour évoquer le cinéaste. De Baecque et Herpe ont travaillé au poids: plus de 600 pages. Cest, justement, la faiblesse de leur biographie. Il ne manque, bien sûr, aucun détail sur la vie, la mort et loeuvre de lauteur de Ma nuit chez Maud. Mais, la lecture achevée, nous napprenons rien sur Rohmer, la délicatesse abrupte de son esprit et de son art. Pour saisir un artiste, le coucher sur la page blanche, on demande des écrivains. Les professeurs duniversité De Baecque et Herpe, armés de plumes de plomb, se sont contentés de livrer un parpaing glacé, qui na pas le charme dun Conte dhiver. Rohmer méritait mieux quune bûche de Noël. Il méritait, par exemple, les mots de son ami Paul Gégauff. Ca tombe bien : cest à lire dans le numéro 9 de Schnock. Sous le titre « Salut les coquins ! », Gégauff offre un festival de fusées stylées, oldscoules et vachardes sur la Nouvelle vague.
Solange Bied-Charreton
Chez Stock, heureusement, il ny a pas que la lourdeur des professeurs. Il y a aussi Solange Bied-Charreton. Elle signe, après Enjoy en 2012, son deuxième roman : Nous sommes jeunes et fiers. On y retrouve, une nouvelle fois, son œil acéré sur les tristes temps nous vivons. Dune langue précise, se jouant du lyrisme et dune certaine sécheresse, Bied-Charreton ne laisse rien passer. En réactionnaire 2.0., elle réagit aux dérèglements dune civilisation en faillite. Elle nous attache aux pas et aux éclats dâme de ses personnages, Ivan et Noémie. On les suit, dans une histoire que Bied-Charreton mène pied au plancher, sans oublier le temps des respirations, ce dernier luxe. La révolution ? Vivre, tout simplement, selon ses beaux plaisirs.
Sébastien Lapaque
Parmi les nombreuses qualités de Sébastien Lapaqueentre autres, son amour des mots, du Brésil et des belles quilles descendues au Comptoir du Relais, chez son ami Yves Camdeborde : sa nostalgie très vivante des cartes postales. Se moquant des genres et des modes, il vient de transformer cette nostalgie en un mince volume dune extrême élégance. Théorie de la carte postale est le livre le plus chic de janvier 2014 et du début dannée. On le lit, puis on le relit. On souligne des phrases, des pages. Quil évoque une escapade bretonne ou sa famille, quil flâne dans des bistrots de province ou quil imagine, après les avoir patiemment choisies sur un tourniquet, des cartes à rédiger, la liberté desprit et de style de Lapaque est totale. Avec lui, nous goûtons le plaisir denvoyer nos mots décachetés à une amoureuse, une fille, des parents ou de lointains camarades. Et nous allons emprunter, longtemps, les sentiers les plus buissonniers, ceux quaimaient Aragon, Blondin et Toulet, salués dans les pages de Lapaque.

Paul-Jean Toulet
Il faut toujours revenir à Paul-Jean Toulet, le poète qui sécrivait des lettres à lui-même. Il aimait lalcool, les femmes et les paysages. Il a écrit le plus beau des romans, Mon amie Nane, sur une fille de joie et de mélancolie. Il est mort, usé par les excès, en 1920, juste avant que ses Contrerimes paraissent. Les Contrerimes : la poésie française dans toute sa raffinée splendeur. « En Arles », notamment, est à apprendre par cœur, à se réciter sans fin les jours dhiver : « Dans Arles, sont les Aliscams,/ Quand l'ombre est rouge, sous les roses, /Et clair le temps, / Prends garde à la douceur des choses, / Lorsque tu sens battre sans cause / Ton coeur trop lourd, / Et que se taisent les colombes: / Parle tout bas si c'est d'amour, / Au bord des tombes. » De Toulet, ces jours-ci, lire le Carnet dIndochine, chronique dun long voyage en compagnie de Curnonsky, « le prince des gastronomes ». Cest exotique, enlevé, brillant et cest édité chez Nicolas Chaudin.
Julien Doré
Un chanteur qui a aimé Marina Hands, sest fait tatouer Jean dOrmesson sur le bras et a joué dans Ensemble nous allons vivre une très très belle histoire damour, de Pascal Thomas, ne peut pas être mauvais. Pour sen convaincre, il suffit découter Love, son nouvel album. Il y a des chansons damour et des chansons de rupture, des chansons à danser et des chansons à écouter, silencieusement, au cœur de la nuit. Nos titres préférés : Paris-Seychelles, Hôtel Thérèse et Corbeau blanc. La musique touche ; les textes sont de qualité. Une reprise bluesy et poignante de Femme like U, écoutable ici et là, achève de nous enchanter. Ne pas sy tromper : « La plus jolie fille de la ville », en fumant des winston bleue, la passe en boucle.
 
Texte paru sur Causeur.fr, le 5/01/2014