mercredi 12 décembre 2012

Quand Naulleau parle d'Une âme damnée et de Paul Gégauff, c'est dans Paris-Match

On avait aimé les mots de Beigbeder dans le FigMag, saluant Gégauff et notre Ame damnée, on aime ceux de Naulleau dans Paris-Match. Son papier est titré : "Diable d'homme". On l'illustre, ici, d'un cliché oldscoule, et par le trou de la serrure, de Bernadette Lafont.

Scénariste pour René Clément (« Plein soleil ») ou Claude Chabrol (« Que la bête meure »), modèle du tueur en cavale interprété par ­Belmondo dans « A bout de souffle », auteur d’une poignée de romans salués par Nimier, poète à découvrir, dandy milieu de siècle, anar de droite et de gauche, intime de Maurice Ronet et copain de Johnny (qui a dit de lui : « C’est l’homme qui m’a fait le plus rire et le plus pleurer de ma vie »), il se nommait Paul Gégauff. Sa trajectoire de feu follet s’interrompit quelque part en Norvège, durant la nuit de Noël 1983, lorsqu’il fut poignardé par sa ­compagne et quitta la rubrique cinéma pour celle des hommages posthumes : «
C’est ainsi que je le vois, mi-poète, mi-fou, égoïste et vulnérable à la façon des enfants, avide d’aventures et de plaisirs, curieux, atteint de tous les dons mais, finalement, d’une grande rigueur intellectuelle dans les ­désordres de la vie. » Oraison signée Roger Vadim dans les pages de Paris Match. Cerner pareil personnage, qualifié de « Brian Jones de la profession » par Bernadette Lafont et de « libertin du XVIIe siècle » par Jérôme Lindon, relevait en soi de l’exploit littéraire. Avec « Une âme damnée », Arnaud Le Guern, décidément inspiré par les irréguliers (on lui doit des textes sur Jean-Edern Hallier et Richard Virenque), fait mieux encore.
A l’évocation d’une carrière où la désinvolture le disputait à l’efficacité – plus d’une quarantaine de films au compteur en qualité de dialoguiste, scénariste, adaptateur, interprète ou réalisateur, au portrait d’un homme tissé de contradictions assumées, libre en un mot, à la résurrection d’une époque dont la nostalgie touche même, et peut-être surtout, ceux qui ne l’ont pas connue, l’auteur mêle le récit de ses propres amours, une célébration du cour-cheverny de chez Villemade et des nuits passées à guetter l’aurore sur un tabouret de bar.
Bref, notre biographe (lequel réfute ce mot) se laisse envahir, mais jamais submerger, par son sujet : « J’écris sur Gégauff comme il écrivait ses scénarios, ses dialogues. Je commence par ne rien faire, pendant longtemps. […] Je déstructure les journées, matinées légères et non grasses, heures suspendues. D’un baiser, je sors de la nuit, je goûte l’aube sur les lèvres de miss K. Je la regarde choisir des étoffes que j’aime, tracer dans la ville endormie. Je sniffe l’air encore froid par la fenêtre. » Une fois la dernière page tournée, le critique se prend à hésiter. Aller dénicher sur les quais un exemplaire des « Mauvais plaisants », paru aux Editions de Minuit en 1951 ? Se procurer la filmographie intégrale de notre homme, chefs-d’œuvre et nanars confondus ? Plutôt relire « Une âme damnée », l’affaire d’une heure ou deux, le temps d’une parenthèse enchantée où « la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff ».

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