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jeudi 11 juillet 2013

Modiano du côté de chez Proust


Non, Patrick Modiano n’écrit pas toujours le même livre. Le cliché est presque parfait, mais faux. A chaque roman, depuis La Place de l’Etoile, en 1968, Modiano rédige un chapitre de sa recherche, non pas du temps perdu, mais flou. C’est son côté proustien et c’est ce qui apparaît avec la publication d’un volume Quarto réunissant dix de ses textes, de Villa triste (1975) à LHorizon (2010).
On peut s’étonner que la trilogie romanesque inaugurale - La Place de lEtoile, La ronde de nuit, Les boulevards de ceinture ne figure pas dans la sélection. Toute la veine autobiographique de Modiano, en effet, y est déjà présente. Toujours, on retrouve un jeune homme flânant dans les rues de Paris occupé. Il quête des traces de son père. La fumée des cigarettes Vogue brouille les regards. Des femmes blondes portent des manteaux de fourrure. Une mère est souvent absente. Des numéros de téléphone sonnent dans le vide. La rue Lauriston intrigue. La fugue est une nécessité. Le volume Quarto, justement, même amputé, est une longue fugue de plus de mille pages.
Comme Modiano revenant sans fin sur ses obsessions, on ne se lasse pas de le suivre dans ses mots. Dès Villa triste, on s’accroche aux pas du narrateur : « Que faisais-je à dix-huit ans au bord de ce lac, dans cette station thermale réputée ? » Il y a beaucoup de question chez Modiano. Les réponses, elles, se trouvent à tâtons. Les titres des romans nous donnent des pistes : Livret de famille, Rue des boutiques obscures, Remise de peine. Nous sommes dans une enquête au long cours. Les phrases sont des indices : « Je navais que vingt ans, mais ma mémoire précédait ma naissance. Jétais sûr, par exemple, davoir vécu dans le Paris de loccupation puisque je me souvenais de certains personnages de cette époque et de détails infimes et troublants, de ceux quaucun livre dhistoire ne mentionne (...) Jaurais donné tout au monde pour devenir amnésique. »
Au fil des pages, une tension bizarre prend à la gorge. Il y a des accidents de voiture, des maisons qu’on pourrait croire hantées. Un mystère entoure Rudy, le frère de Modiano. Il est à la fois partout et absent : singulière impression. Son ombre semble se superposer à celle de la petite Dora Bruder, 15 ans en 1941. Elle habitait 41 boulevard Ornano. Elle a disparu. On ne la reverra que dans le roman que Modiano lui consacre, cinquante-six ans plus tard.
Monument de grâce mélancolique offerte à une morte très vivante, Dora Bruder touche au plus intime de la tristesse. Dans Un pedigree, Modiano va encore plus loin, mémoire définitivement mise à nu : « Je suis le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée Marguerite, dun juif et dune Flamande qui sétaient connus à Paris sous lOccupation. Jécris juif, en ignorant ce que le mot signifiait vraiment pour mon père et parce quil était mentionné, à lépoque, sur les cartes didentité. Les périodes de haute turbulence provoquent souvent des rencontres hasardeuses, si bien que je ne me suis jamais senti un fils légitime et encore moins un héritier. »
Sur ses parents, Modiano dit tout, sans larmes, agent secret de leur vie et de la sienne, c’est-à-dire d’une France troublée. Il nous transporte quai Conti, au numéro 15, dans l’appartement familial d’une famille qui n’en est pas une. Les gens, autour de lui, connaissances de son père ou de sa mère, ressemblent à des fantômes aux couleurs passées. Les dates claquent, telles des balles dans la peau du temps. La guerre d’Algérie, aussi, fait un drôle de bruit à ses oreilles d’adolescent reclus dans un pensionnat de Haute-Savoie.
Il est impossible de lâcher Un pedigree, de ne pas le reprendre plusieurs fois, de souligner des pages entières. On comprend pourquoi Modiano a titré, en citant Guy Debord, son roman suivant : Dans le café de la jeunesse perdue. On comprend surtout que, pour lui, l’abandon n’est pas qu’un sentiment, mais un souffle incurable au coeur: « A part mon frère Rudy, sa mort, je crois que rien de tout ce que je rapporterai ici ne me concerne en profondeur. Jécris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui nétait pas la mienne. »
Patrick Modiano, Romans, Quarto Gallimard, 2013
Version intégrale du texte paru dans Causeur, juillet/août 2013

dimanche 11 novembre 2012

Une âme damnée, Paul Gégauff : ne pas oublier Bertrand de Saint-Vincent

On a évoqué les derniers papiers parus sur Une âme damnée et Paul Gégauff. On avait oublié de citer un petit bijou signé Bertrand de Saint-Vincent qui, dans son texte, mêle notre flânerie et Patrick Modiano. C'est dans Le Spectacle du Monde d'octobre et c'est ici :

"Par coïncidence, paraît au même moment (que L'Herbe des nuits) le récit de la vie d'Une âme damnée, Paul Gégauff, personnage sombre dont les fêlures font songer à l'univers de Modiano. Cet irrégulier, "terriblement doué, mais socialement peu compatible", confia Claude Chabrol dans ses Mémoires posthumes, fut poignardé le 25 décembre 1983 par sa jeune compagne. Egoïste, paresseux, provocateur, cet ami de Maurice Ronet, scénariste de Chabrol, Rohmer, René Clément cultiva jusqu'à l'excès une mauvaise réputation d'alcoolique mysogine et de salaud facho : "C'était un homme de l'amer, des paysages, un buveur, un amant des Lolitas et des femmes fatales", écrit Arnaud Le Guern. D'une plume légère et dansante, semblable à la fumée de la cigarette que son modèle arbore en couverture, ce vagabond littéraire a "braconné autour de sa silhouette et de ses mots" : "Gégauff est ma Dora Bruder", clame-t-il. Une herbe folle dont il dédie cette élégante et nonchalante peinture à la femme de sa vie, Miss K, qui, dans sa chambre de l'Hotel Flaubert, à Trouville, lit Claire, de Jacques Chardonne."

mardi 11 janvier 2011

La plage en hiver


Les quelques jours d'avant le licenciement final, il est bon de flâner de Paul Gégauff à Bernard Frank et Françoise Sagan, de se souvenir d'un déjeuner au 28, rue Frankin Roosevelt, avec Thierry Marignac, de tomber sur youtoube sur quelques scènes de Pauline à la plage - Arielle et Amanda Langlet -, de se dire que Rohmer manque, d'avoir très envie d'embrasser les seins délicieux de ma douce, de laisser infuser le temps en lisant quelques lignes de Modiano illustrées par Pierre le Tan - Memory lane -, d'ouvrir Rester normal à Saint-Tropez et Linda aime l'art pour ne pas oublier que Philippe Bertrand dessinait les plus jolis culs du monde, de trouver que, décidément, même en janvier, l'été tarde.
Les quelques jours d'avant le licenciement final ressemblent à une plage en hiver avec sa bande-son légère comme une caresse sexy, comme un baiser salé sur la peau. Avec Je secoue la tête, "Les chanteuses" nous enchantent. Elles s'appellent Priscilla et Victoria et Frédéric Beigbeder, qui a griffonné à la oldscoule les paroles du titre, les aiment beaucoup en bikini.
Les quelques jours d'avant le licenciement, Gégauff, Frank, Sagan, Marignac, les seins de ma douce, Amanda Langlet, Rohmer, Modiano, Le Tan, les culs selon Bertrand, "Les chanteuses", les bikini : une certaine idée de la France.

lundi 30 août 2010

Dans le café de la jeunesse perdue


Dans le café de la jeunesse perdue,
au hasard de l'été et des ombres modianesques,
le noir et blanc de tes mots est une caresse fauve,
coeur battant, corps amoureux et temps suspendu,
comme un dimanche soir à Trouville,
le 21 février 2010,
hôtel Flaubert,
chambre 31.