samedi 10 novembre 2012

En novembre, Une âme damnée et Paul Gégauff bougent encore ...

On était un peu ailleurs ces derniers temps. Il y avait l'océan, la campagne, le vent violent, la pluie et ce soleil pâle qui, toujours, nous touche au plus près. Le jour des morts, c'est au Conquet, extrême fin de la terre, que nous avons acheté Libération. Dans les pages "Livres", le très talentueux Antonin Iommi-Amunategui qui, quand il écrit, parle de nos amis Leroy et Lapaque, et qui aime la bonne chère et les bons vins, signe un papier classieux sur Une âme damnée :

"Arnaud Le Guern, 36 ans, a composé ce livre nyctalope, entre balade biographique, autour d’un homme disparu en 1983, délicieusement méconnu, Paul Gégauff, et digressions personnelles. Lui-même, Le Guern, buveur exigeant de livres et de films «oldscoule», écrivain presque jeune, demi-dandy paumé en 2012, soupèse sa vie en regard de celle de Gégauff. Pas évident, quand Paul Gégauff a été le scénariste de Chabrol, de Rohmer, de Schroeder, l’ennemi goguenard de Truffaut (à qui il aurait directement inspiré le personnage principal d’A bout de souffle, écrit par Truffaut avant d’être tourné par Godard, autre bon copain de Gégauff). Que la bête meure et Plein soleil, c’est encore Gégauff ; cet homme pour qui Sagan ou Vadim avaient beaucoup d’estime, des amitiés particulières. Et que même un Johnny Hallyday appelait son «maître à penser». Gégauff qui jouait du piano pour Mick Jagger ou Marlon Brando. La liste est longue comme les jambes de Caroline Grimaldi, l’autre princesse de Monaco, que Gégauff refusera de draguer un soir, parmi d’autres.
Gégauff a ainsi frayé avec deux ou trois cliques fameuses, qu’il semblait dominer pourtant, et écrit des livres, des films ; il les écrivait très vite, pour pouvoir se consacrer à la vie, aux mille instants. Sans cesse «défaire l’immonde sur un coin de table». Pratiquant «un dandysme de fin du monde», il était surtout de ces rares nostalgiques du présent, «le bel aujourd’hui qui raye de sa mémoire les flamboyants et les insoumis». Ce présent sans éclat, que Gégauff s’échinait à bousculer, à électriser au moindre mot. A la manière d’un clown imprévisible, grossier avec talent, trop intelligent pour être triste. Quitte à passer parfois pour fou, fasciste, ou tout ce qu’on voudra. Quand 1968 bat le pavé, Gégauff écrit plutôt des scénarios de «révolution dans les chambres à coucher». Jamais dans le rang, quel qu’il soit, il préfère le plaisir au bonheur, fût-il collectif. Il est de cette «race de desperados n’ayant que mépris et coups tordus à jeter en pâture à [son] époque». Dernier anarchiste, dernier Mohican ? Homme libre, en fait, irrespectueux par principe. «Il est comme le ver dans le fruit de cette société délicieusement pourrie : à l’aise mais pas dupe.» Et surtout vivant, au point de se faire, enfin, à 61 ans, poignarder trois fois par son épouse de 25 ans, à qui il venait de donner un enfant. Bien sûr, il en meurt : il fallait ce finale, à hauteur de comète, comme le bonhomme.
D’ailleurs, une société moins lisse donnerait peut-être son nom à quelque ruelle. Voire à tout un boulevard. Pour l’emmerder un peu, Gégauff, le charrier à son tour, tendrement. Et parce que «la vie, finalement, ressemble à un film de Rohmer dialogué par Gégauff». Pas pour tout le monde, certes. Il n’empêche, «l’important, c’est la parole vivante, c’est le style». Et la vie de Gégauff, généreusement servie par Le Guern, déborde le livre, rappelle toutes nos monotonies à l’ordre, les éclabousse de puissantes couleurs. On risque d’être touché."
 
On a lu et relu Amunategui et puis on n'a pas oublié que, avant, il y avait eu un sourire très chic d'Elisabeth Quin dans son Agenda du Figaro Madame, un long texte de Laurence Biava sur La cause littéraire (http://www.lacauselitteraire.fr/una-ame-damnee-paul-guegauff-d-arnaud-le-guern.html), la langue précise de Bernard Morlino faisant, sur son blogue http://www.blogmorlino.com/, d'Une âme damnée "Un presque chef d'oeuvre", notre camarade Philippe Lacoche dans Le Courrier picard (http://blog-picard.fr/dessous-chics/non-classe/le-dandy-surdoue-du-cinema/), un Choix de Valeurs Actuelles (http://www.valeursactuelles.com/culture/guide-livres/une-%C3%A2me-damn%C3%A9e-d%E2%80%99arnaud-guern20121011.html) par Alfred Eibel ou encore des recensions très sympathiques sur Sens Critiques (http://www.senscritique.com/livre/Une_ame_damnee_Paul_Gegauff/8193708/critiques), Fury Magazine (http://www.furymagazine.fr/article-odd-111357710.html) et Senior Evasion (http://www.seniorevasion.fr/coups-coeur-coups-gueule/2012/11/01/une-%C3%A2me-damn%C3%A9e).
On les remercie tous, infiniment, pour leur salut à Gégauff et à notre flânerie. Et on remercie aussi un(e) certain(e) Agathe de Lastyns qui, sur Le Con Littéraire, nous fait la leçon pour une coquille et pour n'avoir pas écrit le livre que, elle ou lui, souhaitait lire : http://www.lelitteraire.com/?p=3471 Au boulot, donc, Agathe : troquez votre bic de plomb de critique pour rédiger la biographie gégauvienne de vos rêves sévères et tristes.
 

1 commentaire:

Jérôme Leroy a dit…

et puis ce genre de livres fait son chemin pour des années et des années et des jeunes gens se l'échangeront comme un mot de passe quand on aura oublié christine angot comme on a oublié gyp.