André Blanchard a tout pour me plaire : retranché à Vesoul, il scrute l'immonde dans ses moindres détails et l'épingle d'une prose précise. Comme moi, il est sans doute insupporté par l'interdiction de fumer dans les "lieux publics". Renaud matignon l'appréciait, Rinaldi aussi , et Beigbeder encore plus. De bons critiques qui, parlant de Blanchard et ses carnets, évoquaient Bernard Frank ou de Paul Léautaud. Le meilleur attaché de presse de Françoise Sagan et le grincheux magnifique : vraiment tout pour m'enchanter. Et puis non. Je lis
Entre chien et loup et
Contrebande - deux titres extras -, après avoir lu les autres tomes des journaux, et je m'emmerde. Je tourne les pages, grignotte les sentences, les maximes, m'arrête parfois sur une perle : "
Même quand elle ne nous fait plus rire, la vie reste une comédie. C'est nous le drame." Mais diable que le reste pèse, c'est du lourd, du plomb camouflé en plaqué or. Blanchard se morfond, il guigne, pleurniche et s'oppose à Léon Bloy. Le "trait d'esprit" contre l'art de fulminer. Evidemment, c'est Bloy qui possède tout entier la grâce des fusées qui fondent sur leur cible. Aucune légèreté, chez Blanchard, et la profondeur, à force de ressasser, s'est fait la malle. Quand je parcours les pages de Blanchard, la grâce a la migraine et il a lu beaucoup de mauvais livres : Julien Green et Cabanis d'abord. Ca finit par marquer un homme, omniprésence du gris terne sans nuances.
Blanchard est un écrivain moyen, un type qui, derrière sa modestie de foire, promet l'Anapurna et ne grimpe que l'escalier qui le mène chez lui. Pour le sauver : son amour des chats. La première phrase d'Entre chien et loup nous réconcilie avec lui : " Quand ce n'est pas ma rêverie ou mon défaitisme ou le chien, c'est le chat qui se mêle de me distraire de mes soirées de travail, soit qu'il vienne sur mes genoux et, les deux pattes avant sur la table, me distribue force coup de tête câlins, soit qu'il se répande sur mes papiers et, des ses yeux coquins, me vote une aller sans retour vers le bonheur - auquel cas je me refuse à le déranger (qu'on me comprenne, fors tout infantilisme supposé de ma part : si l'art est une recherche du beau, pour l'heure le chat y supplée, avec un quelque chose en plus même - comme on a accoutumé de s'exprimer devant l'indicible !)."
Entre Frank et Léautaud, nous lirons Blanchard, le chat Pablo sur nos genoux.
3 commentaires:
On est décidément d'accord sur beaucoup de choses.
j'ai failli me faire avoir par Blanchard, le côté Léautaud justement mais la fréquentation assidue de ses carnets montre qu'on est davantage dans le minimalisme delermien, l'amour de la littérature en plus. Seulement, cet amour là n'est pas partagé. Blanchard est décidément filandreux.
Ses réfexions ne présentent aucun intérêt et je le soupçonne de plaire à quelques grands critiques car il leur sert d'alibi: "vous voyez qu'on n'est pas parisianiste.. on est capable d'aimer un provincial qui a mal à la tête et qui parle de littérature"
Il en parle, justement, il n'en fait pas. Et cette complaisance dans la médiocrité(au XVIIème siècle, ça voulait dire moyen, justement", cette apologie de la frugalité comme condition de la liberté.
Eh bien non, je veux de la dépense(Bataille), du risque, de l'alcool avec exagération, des idées dangereuses, des prédilections suspectes, des engouements scandaleux, je veux hausser le ton.
Chez Blanchard, on ne boit pas, on ne baise pas, on ne voyage pas: on chuchote. Et ça énerve, à la longue, quelqu'un qui se croit autorisé à vous parler à l'oreille alors qu'il n' a rien d'un intime.
Blanchard qui, quand il n'est pas moyen avec son journal, est très très mauvais dans ses textes "de circonstance" recueillis sous un titre que j'ai oublié. Peut-être "Impressions soleil couchant" ou quelque chose dans le genre... Bref : Blanchard ce n'est ni Frank ni Renard, c'est Polac sans la télé.
Un observateur fin, délicat et très stylé qui, lui, vaut le coup d'être lu : Frédéric Schiffter. Pensées d'un philosophe sous Prozac, Métaphysique du frimeur, Le philosophe sans qualité et, bientôt, Traité du cafard. Un type qui aime le surf, les palaces et les jolies jeunes filles. Tout pour plaire.
De Schiffter, pour se mettre en bouche :
« Le drame des types comme moi qui ne veulent pour rien au monde être pris au sérieux, est, justement, qu’on exauce leur vœu. »
« Je ne pardonne qu’après m’être vengé. »
« De même que l’ivresse chez certains qui boivent d’abondance ne saute pas immédiatement aux yeux, de même, ce n’est qu’après quelques aphorismes et sarcasmes échangés avec d’autres que l’on remarque à quel point ils sont imbibés de chagrin. »
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