lundi 12 février 2007

Idée fixe

En cale sèche au milieu des années 70, Antoine Blondin était toutefois partant pour écrire, dans la collection Idées fixes, un beau solo sur le porte-jarretelle. En voilà une idée, une bonne, une idée qui fait sonner toutes les cloches.
Blondin répondait à l'invitation de Jacques Chancel - amoureux comme Antoine de la Petite Reine - qui souhaitait, chez Julliard, « donner l’occasion à tous les écrivains d’énoncer sans détour le secret dont ils ont nourri jusqu’ici sournoisement leurs livres. »
La maison aux couvertures blanche et verte abritait ainsi, à côté des bijoux de Françoise Sagan, les textes des meilleurs : Ma misogynie de Jean Cau, le Plaidoyer pour les chiens de Jacques Brenner, Les chats de Louis Nucera… Et deux éclats de pure prose qui ne sont jamais loin de moi : Le vélo de René Fallet et Donnez-moi le temps d’André Hardellet. Hardellet dont le texte commence ainsi : « Donnez-moi le temps- ce luxe suprême – de vivre à mon rythme, de regarder, de prendre des chemins que n’indiquent pas les cartes et les plans. »
Hors des cartes et des plans, Blondin a pris son temps. Les zigzags des journées qui passent l'ont déposé d'un zinc l'autre. Sans oublier la route du Tour, ce refuge pour vieux garnement aux rêves intacts. Et Antoine a oublié son érotique fixette que je reprends, volontiers, au vol.
Le porte-jarretelle m’entraîne du côté des tiroirs de ma douce. Je plonge dedans, je fouille, j’en ressors les mains pleines et la bite en grande forme. Il y a au cœur palpitant de ces étoffes des effluves de peau, un parfum alibabesque qui m’ensorcèle.
La voilà mon idée fixe, mon obsession : la peau ! La parure première, enfantine et sexy, des Lolitas de toujours, des femmes fatales qui savent que le porte-jarretelle est à la fois la balançoire des bas et un œillet sur la blancheur sublime d’une cuisse sous une robe.
La peau, je m’en empare comme un voleur, comme Arsène Lupin. J’implore qu’elle me possède. J’harnache mes psaumes de charlatan à cette hostie des lucioles en transit.
Peau des îles, peau où les ombres se grisent de camomille, peau de ciel, peau comme une glace vanille à lécher lentement, peau aux touches de piano invisibles. Peau de cygne éméché d’un cou, peau de chantilly gourmande des seins, peau de dentelle volcanique, peau de salsa des hanches, peau canaille et racaille des cuisses, peau ballerine porcelaine des chevilles tatouées.
Peau, ma peau de satin et de falbala, mes doigts tremblent sur le coton blanc de tes récits secrets. Ton oreille de velours est à moi, à ma langue de fusain tutoyant le tranchant des rendez-vous écarlates.
La peau : mon vaisseau d’Ulysse, mon arche d’Ivanhoé, ma pirogue de soufre léger, le tarmac de mes ivresses entrechattes.

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