dimanche 11 février 2007

Betty


Je ne vais plus au cinéma. J’ai trop baillé devant d’accablantes Kiberlain ou des godiches Godrèche. Je fuis désormais les écrans noirs qui ne provoquent plus aucune nuit blanche. Je préfère me rappeler l’année 1987, l’année de mes 11 ans, l’année où apparaît Béatrice Dalle.
Béatrice révélée, dénudée, sans autre étoffe que la poussière, Béatrice braquée par l’œil orange d’un soleil gourmand. Beinex filme, dans 37°2 le matin, ce que les mots de Philippe Djian avaient esquissés : « Elle m’a fait penser à une fleur étrange munie d’antennes translucides et d’un cœur en skaï mauve et je connaissais pas beaucoup de filles qui pouvaient porter une mini-jupe de cette couleur-là avec autant d’insouciance. »
Béatrice s’appelle Betty, comme dans un roman de Simenon. Sa peau est blanche. Sa bouche croque les étoiles en pâmoison. Ses ongles griffent, arrachent des soupirs. Aux premières loges, je suis un voyeur, un bambin son hochet entre les mains. Je cherche les lèvres de la belle. Je recueille les copeaux de son souffle. Je me réfugie, pour dormir, dans le hamac de son regard de vierge folle, son regard hanté par les tempêtes.
Béatrice vient d’où je viens, une ville où grondent les dandys destroy et les carcasses de navires de guerre. Une ville au ciel gris-bleu cassé où Béatrice est revenue, amoureuse d’un homme encagée.

Quand elle quitte le béton de la zonzon, s'éloigne des miradors, je sais où va se cacher Béatrice. Bottée de cuir et parée d’un imperméable noir, elle arpente le port à l’ombre des entrepôts. Sifflée par la lumière de vieux réverbères, elle s’avance sur la jetée. Les grues lui font une haie d’honneur, et la nuit, et la pluie, déposent sur ses mèches noires leurs baisers les plus salés. Béatrice allume une cigarette, une marlboro dont les volutes massent les épaules d’Eole. Elle surprend la conversation des goélands. Elle se mêle à leur badinage, à leurs disputes. Enfin, alors qu’elle pense à son amoureux, elle entend la déclaration d’amour des nuages : « Tu contiens dans ton œil le couchant et l’aurore / Tu répands des parfums comme un soir orageux / Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore / Qui font le héros lâche et l’enfant courageux. »
Inconsolables depuis la mort de Romy Schneider, les nuages, comme nous, ne voient la beauté que là où Béatrice passe.

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