Dans le Service littéraire du camarade Cérésa, en vente jeudi prochain, vous pourrez lire mon ami Christian Authier parlant de Simon Liberati. Roland Jaccard, François Bott, Eric Neuhoff, Anthony Palou également. Et mes quelques mots sur les 100 livres que Frédéric Beigbeder embarquerait sur cette île déserte que nous cherchons tous ...
Quand Jeff Bezos, pédégé d'Amazon, inventeur d'une tablette numérique froide comme un cadavre et serial killer du verbe chair, assure que “Le livre papier est une vieille technologie qui a beaucoup d'inconvénients”, Frédéric Beigbeder sort son revolver. Faisant feu de mélancolie, il se souvient des doigts délicats d'une jeune fille tournant, dans un avion, les pages d'Amants, heureux amants de Valery Larbaud. Beigbeder a raison : les jeunes filles ont un charme fou alors que leurs yeux se posent sur une couverture, sur des caractères imprimés, et qu'elles se laissent happer par une histoire titrée Mémoires d'un jeune homme dérangé ou Un roman français.
En 2001, Beigbeder s'était intéressé, avec Dernier inventaire avant liquidation, aux 50 ouvrages préférés des Français, saluant notamment Breton, Fitzgerald, Céline et Proust. Dix ans plus tard, dans Premier bilan après l'apocalypse, il choisit lui-même, godelureau snob et popu à la fois, 100 livres à rapter au coeur de nos bibliothèques en ruines.
Peaufinant des chroniques données à Voici, Playboy et au Figaro magazine, il offre le roman de ses lectures, se raconte dans le miroir d'artistes aux fêlures masquées de style. Il évoque sa découverte de San Antonio, trinque chez Castel avec Jean-Jacques Schuhl et Bernard Frank, réunit Bukowski et Truman Capote, oublie Morand et Drieu la Rochelle au profit du cinéaste Yann Moix, dérive dans New York avec Jay McInerney, partage la Vie de Patachon de Pierre de Régnier avec Simon Liberati, se rappelle sa rencontre avec Blondin, tombe amoureux d'héroïnes nommées Sagan ou Dorothy Parker. En éternel gamin de Guéthary et parolier des sensuelles Chanteuses, Beigbeder parle aussi de Paul-Jean Toulet comme personne : “Orphelin de mère, il a cherché sa beauté toute sa vie, partout, l'a retrouvée parfois, et perdue souvent.”
Au hasard d'une page, enfin, il donne la clé de cette beauté, écho infini de nos plaisirs : "Oui, on aimerait, comme James Salter ou Charles Simmons, devenir un beau vieux, au lieux d'un vieux beau. Simplement s'asseoir en costume froissé, et fermer les yeux pour se récapituler, glanant çà et là les moments de joie qui ont justifié notre présence sur terre. Oh, ce n'était pas grand-chose, “une maîtresse italienne tout ce qu'il y a de bien, qui prenait l'avion n'importe où pour me rejoindre", trois fois rien, les yeux émeraude de Lara Micheli, un soir d'automne, au Café du Soleil, à Genève …" Après l'apocalypse, lisons Beigbeder.
Frédéric Beigbeder, Premier bilan après l'apocalypse, Grasset, 2011
Papier paru dans Service littéraire, septembre 2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire