vendredi 12 avril 2013

La douceur des choses


De Gaulle, qui aimait le champagne de la maison Drappier et BB dans l'œil de Vadim, n'en reviendrait pas. Il s'agit aujourd'hui, en France, d'être “ normal ”. Surtout pas de flamboyance ni d'excès quel que soit le domaine: politique, vie quotidienne, art. Le cinéma nous raconte rien sur presque tout. La musique télé-crochette. La littérature? Une pincée d'Hessel et une infusion de Delacourt avec, entre les deux, Angot pour rigoler.
Si le style français - alliage de légèreté, de panache et de mélancolie - a du plomb dans l'aile, il ne lâche pourtant pas prise. Au hasard d'une rediffusion de Plein soleil, Alain Delon et Maurice Ronet rivalisent d'ivresse farceuse dans les rues de Rome. Ailleurs, en bord de mer, une jeune fille ouvre un roman dont la première phrase tient au cœur: “ Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. ” Les mots et les héroïnes de Françoise Sagan, blondes comme Caroline Chérie ou brunes telle une apparition d'été dans un film de Rohmer, nous incitent à prendre garde à la douceur des choses. On se croirait dans un poème de Toulet ou de Pierre de Régnier: petits luxes, éclats d'âme et volupté.
Les grands vivants ne meurent jamais, comme le style français qui, définitivement, ne se conjugue pas au passé. La preuve? L'exquise silhouette belge de Virginie Efira, les entrechats d'Aurélie Dupont, un roman mexicain de Patrick Besson: Puta Madre ...
Texte paru dans Le Figaro, le 8 avril 2013

Aucun commentaire: