jeudi 10 mai 2012

"Didier Dénonce" a un prix ...


On est heureux de saluer les éditions du Cherche-Midi, qui viennent de se voir attribuer le prix Goncourt de la Nouvelle pour L’espoir en contrebande de Didier Daeninckx.
D’abord parce que Le Cherche-Midi est généralement absent des prix importants et qu’il n’est pas mauvais que les trophées soient partagés.
Ensuite parce que c’est une maison au catalogue de très grande qualité. On y trouve ainsi les romans blondinesques et flâneurs du poète Jean-Claude Pirotte – dont il faut lire le dernier recueil, Ajoie, à la Table Ronde -, un petit bijou au noir de l’ami François Marchand – Plan social -, des pensées de Jean Yanne et de Bernard Frank, Arrabal se baladant chez Houellebecq, des chroniques d’Eric Zemmour et des fonds de tiroir de Didier Daeninckx, inoubliable héros d’un texte hilarant de Patrick Besson : Didier Dénonce.
On s’étonne d’ailleurs que le sympathique DD cohabite au Cherche-midi avec Zemmour, avec lequel, politiquement, il ne doit être d’accord sur rien. Le désaccord, DD n’aime pas. Quand la langue d’un autre écrivain lui défrise la barbiche, il a trouvé le moyen imparable pour le punir : il l’accuse de fascisme, l’interdit de parole publique et intime l’ordre à ses éditeurs de le faire disparaître : soit l’écrivain reste et DD met en accusation l’éditeur à la face du monde, soit DD est écouté et tout va bien. DD a toutefois la dénonciation sélective : il n’a, en  effet, jamais demandé à Antoine Gallimard de biffer, par exemple, Lucien Rebatet du catalogue ; il n’a pas menacé, non plus,  de ne plus publier chez Gallimard à cause de la présence de Louis-Ferdinand Céline. Le courage idéologique de DD sait tenir compte de la possibilité de ses ventes.
Dans les années 90, DD connut son heure de gloire de balance des lettres : il avait perçu dans les mots de quelques auteurs de talent une menace pour la démocratie. Le complot rouge-brun fit beaucoup de mal, avant de faire plouf. Ayant stoppé trop brusquement ses séances de psychothérapie, DD attaqua plus tard furieusement des auteurs tels que Serge Quadruppani, Gilles Perrault ou Gérard Delteil, les traitant pêle-mêle d’antisémite, pédophile, nazi dans le métro, colonialiste, truqueur ou négationniste. Michel Audiard, quelque part, a dû rigoler : « Les cons, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît ». DD n’étant pas un chien, il ne fut pas piqué : des juges le condamnèrent pour diffamation et sa folie de commissaire politique aux questions littéraires en fit un grand malade à soigner, de loin. Il semblerait pourtant que DD bouge encore, dans l’ombre. Il continue à interdire tel auteur de publication, minuscule caïd protégé par une poignée de ratés de la langue française.
On comprend donc, enfin, qu’on puisse être très heureux de voir le prix Goncourt de la Nouvelle attribué au Cherche-Midi et à Didier Daeninckx. A l’heure où la publication de Drieu la Rochelle en Pléiade semble révulser certains, où Renaud Camus – qui pense mal et écrit bien – se voit interdit d’édition, il est bon de savoir qu’un écrivain fanatique de l’épuration, des procès d’intention, de la censure, de la calomnie la plus dégueulasse peut, malgré tout, être mis à l’honneur.

2 commentaires:

Ludovic a dit…

Vous ironisez sur quelqu'un qui traite de fascistes ceux dont la tête ne lui revienne pas. Vous m'êtes sympathique. Allez, je mets votre blog dans mes signets.

Ludovic a dit…

Oups : qui ne lui reviennent pas…