Vingt ans après L’os de Dionysos, Christian Laborde arpente une nouvelle fois le chemin des écoliers. Son héros de 1987, le swinguant prof de lettres Christophe Laporte, laisse la parole à Oscar Pock, un ado frondeur que ses parents conduisent dans une pension pyrénéenne pour qu’il retrouve « le droit chemin ». Mais la langue est la même, lyrique et punchy comme un uppercut de Mohammed Ali, rythmée comme la pédalée d’Armstrong qu’aime tant Laborde : « On leur avait parlé d’une institution où les élèves travaillent, où la discipline est stricte, une institution dont les murs sont infranchissables, pas d’une vallée, encore moins d’une route étroite et noire, longeant un fleuve tumultueux, entre des falaises vertes. Ils m’avaient inscrit à Karlipah sans même savoir où Karlipah se trouvait. Ce qu’ils voulaient, c’est qu’on me recadre, et que je débarrasse le plancher. »
Coincé à Karlipah pour « faute grave » – il aime Bukowski, les films d’Eastwood, le silence et une Lolita nommée Angelina -, Oscar ne joue pas le jeu des gros bras de l’éducation. Il ne répond pas « Chef, oui, chef ! » aux injonctions d’un personnel enseignant qui n’attend, pour unique attitude, que le garde-à-vous. A la camisole de pensée qu’on veut lui imposer, Oscar préfère la fugue. Dès son arrivée, il se donne le droit de n’en faire qu’à sa tête – repeindre le ciel en bleu en fumant des cigarettes, par exemple - et de prendre l’air. Pour faire sauter les cadenas de Karlipah, il s’est choisi deux bases d’attaque : le gymnase, où il boxe les sacs de frappe en pensant à Hillary Swank dans Million dollar baby, et la bibliothèque d’un Frère savant. Lui qui ne vit que dans les mots – ceux laissés par un frère trop vite disparu, ceux qu’il échange avec la belle Angelina -, il y trouve son passeport pour le grand large : Les mots de Karlipah. Un vieux traité de philologie montagnarde qui lui offre la clé des champs, c’est-à-dire des paysages inouïs et de belles histoires contre lesquels il est doux de s’endormir. Qu’est-ce qu’une histoire ? C’est « le ciel, la nuit, des lampadaires, des fenêtres qui s’ouvrent, des gens qui courent, qui s’embrassent, avec des coups de feu, des sirènes, des bateaux, des femmes qui fument des cigarettes lentement. » Une histoire, c’est aussi l’ours, roi déchu de Karlipah, de sa vallée, de ses forêts, de ses montagnes ensorcelantes, l’ours que les anciens appelaient « Grand père ». Une enfantine boule de poils pour laquelle Oscar versera des larmes, bravera tous les dangers et livrera le baroud d’amour d’un jeune homme libre.
En s’attachant aux pas d’Oscar, en faisant sienne sa soif de révolte et d’évasion face à un monde moins en moins habitable, Christian Laborde ne se situe dans aucun genre. Loin des codes de la « littérature jeunesse », il parle seulement à l’enfant qui sommeille en chacun de nous. Un gamin rêveur qui lira Pension Karlipah comme il a dévoré L’Ecume des jours, Fermina Marquez ou L’Attrape-cœur. En n’oubliant pas que « moins il y a de beauté, plus on est malheureux. »
[1] Pension Karlipah, Plon jeunesse, 153 pages, 13 euros.
Coincé à Karlipah pour « faute grave » – il aime Bukowski, les films d’Eastwood, le silence et une Lolita nommée Angelina -, Oscar ne joue pas le jeu des gros bras de l’éducation. Il ne répond pas « Chef, oui, chef ! » aux injonctions d’un personnel enseignant qui n’attend, pour unique attitude, que le garde-à-vous. A la camisole de pensée qu’on veut lui imposer, Oscar préfère la fugue. Dès son arrivée, il se donne le droit de n’en faire qu’à sa tête – repeindre le ciel en bleu en fumant des cigarettes, par exemple - et de prendre l’air. Pour faire sauter les cadenas de Karlipah, il s’est choisi deux bases d’attaque : le gymnase, où il boxe les sacs de frappe en pensant à Hillary Swank dans Million dollar baby, et la bibliothèque d’un Frère savant. Lui qui ne vit que dans les mots – ceux laissés par un frère trop vite disparu, ceux qu’il échange avec la belle Angelina -, il y trouve son passeport pour le grand large : Les mots de Karlipah. Un vieux traité de philologie montagnarde qui lui offre la clé des champs, c’est-à-dire des paysages inouïs et de belles histoires contre lesquels il est doux de s’endormir. Qu’est-ce qu’une histoire ? C’est « le ciel, la nuit, des lampadaires, des fenêtres qui s’ouvrent, des gens qui courent, qui s’embrassent, avec des coups de feu, des sirènes, des bateaux, des femmes qui fument des cigarettes lentement. » Une histoire, c’est aussi l’ours, roi déchu de Karlipah, de sa vallée, de ses forêts, de ses montagnes ensorcelantes, l’ours que les anciens appelaient « Grand père ». Une enfantine boule de poils pour laquelle Oscar versera des larmes, bravera tous les dangers et livrera le baroud d’amour d’un jeune homme libre.
En s’attachant aux pas d’Oscar, en faisant sienne sa soif de révolte et d’évasion face à un monde moins en moins habitable, Christian Laborde ne se situe dans aucun genre. Loin des codes de la « littérature jeunesse », il parle seulement à l’enfant qui sommeille en chacun de nous. Un gamin rêveur qui lira Pension Karlipah comme il a dévoré L’Ecume des jours, Fermina Marquez ou L’Attrape-cœur. En n’oubliant pas que « moins il y a de beauté, plus on est malheureux. »
[1] Pension Karlipah, Plon jeunesse, 153 pages, 13 euros.
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