mercredi 15 avril 2015

Jean-François Coulomb retient la nuit


Alexandre ne s'y attendait pas. Son père meurt face à lui au restaurant. Une de ses phrases fétiches était : "Il faut s'y tenir, tenir et s'y tenir." Variante : « En avant, calme et droit. » Du beau monde assistera aux funérailles de cet ancien ministre de Giscard. En guise de deuil, Alexandre boit du champagne-fraise au bar du Ritz avec Félicien. Son meilleur ami. Leurs mots de passe : des silhouettes aimées, « Melody » des Rolling Stones, leurs fils, quelques flacons de rosé. Alexandre et Félicien font des affaires. L'argent leur donne des ailes, mais ne comptent pas. Un roman de jeunesse traîne dans un tiroir : Pour solde de tout compte. Attention, livre culte. Aux chagrins, ils préfèrent la dolce vita. De Paris Rive droite aux Vapeurs à Trouville, de Zurich à Saint-Tropez hors-saison. Là-bas, dans l'été naissant, on roule en scooter ou 2 CV rouge. La maison de famille est joliment nommée : La Renauvado. Expresso, jus de pamplemousse et brioches se dégustent chez Sénequier en terrasse. On déjeune au Club 55. Des lunettes noires masquent les cernes des nuits blanches.

Sur les rives de la méditerranée, Félicien rejoint Alexandre. Louise l'accompagne. Coiffée à la Louise Brooks, les yeux verts, à peine trente ans : « Pour Félicien, outre ses jambes qui n'en finissent pas, son assistante a deux qualités : toujours disponible, toujours de bonne humeur. » Un beau brin de fille, qu'Helmut Newton aurait adoré photographier. Alexandre ne peut qu'acquiescer. Quand Louise n'apparaît pas en robe de lin orange ou de coton blanc, peau douce et bronzée, elle se baigne nue, minuit passé, dans la piscine. Son parfum sent les agrumes. Alexandre est sous le charme, s'interroge : « Tomber amoureux à mon âge, cela serait très con, non ? » Le conseil de Félicien : « Commence par l'emmener au Kenya, on verra après ! » Il s'agit, tant qu'on peut, de faire danser la vie.

Il y a dans Une semaine de juin, premier roman de Jean-François Coulomb, tout ce que nous aimons : du style, des sentiments froissés comme une étoffe précieuse, de la légèreté, des drames silencieux. Chardonne et Nimier sont cités. Johnny retient la nuit. BB est « notre belle voisine ». Le talent de Coulomb n'est pas une surprise. Vendanges tardives, recueil de nouvelles paru en 2010, avait donné le ton. On guettait la suite. La voilà. Elle touche plein coeur et serre la gorge : « Alexandre sait qu'il rentre dans un hiver sans fin. » Il faudrait ne jamais quitter les bords de mer.


Jean-François Coulomb, Une semaine de juin, Albin Michel
Papier à paraître dans Service littéraire, avril 2015

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