mercredi 22 décembre 2010

Le style, c'est l'homme (#4 Philippe Vilain)

C'est mon ami Christian Authier qui, il y a longtemps, m'a donné envie de lire Philippe Vilain. Parce que Vilain avait raconté son histoire avec Annie Ernaux dans L'étreinte, les adeptes de l'étiquetage littéraire parlèrent d'"autofiction". Vilain, pourtant, n'est pas Angot. Vilain quête le temps perdu et troue le réel de phrases douces et tranchantes comme des maximes de Chamfort ou La Rochefoucauld. Dans L'été à Dresde, Paris l'après-midi et Faux-père, il touche d'une langue délicate les vérités floues des apparitions, de la lassitude, des minuscules trahisons, des mots d'amour qui se fânent, des corps amoureux passés par les armes du désir en fuite. Vilain commence ses livres beaux comme un soupir triste par des phrases qui restent en mémoire :
"Faire l'amour, je ne trouvais rien de mieux pour survivre à l'ennui, l'ennui que j'éprouvais depuis l'enfance, qu'aucun bonheur ne pouvait satisfaire, le sentiment que la vie, fût-elle comblée, ne serait jamais qu'une vaine traversée, et que les occupations, tous les voyages que je pourrais faire, tous les romans que j'écrirais, les passions même qu'ils m'arriveraient d'avoir, resteraient une manière de divertissement."
Ailleurs, il note : "Notre mémoire ne nous appartient pas. Nous avons plusieurs passés : celui dont nous nous souvenons et celui que les autres détiennent à notre insu. Il est étrange de se dire que notre avenir se compose de passés et de secrets qui, comme des bombes à retardement, attendent d'être révélés."
Ou encore : "Ainsi traversons-nous pendant quelques jours, quelques mois, quelques années, la vie d'une personne, dans l'amour ou la passion, puis dans l'indifférence."
Vilain, qui écrit aussi "Est-ce pour justifier ma réputation que j'excellais dans l'art de déplaire ?", est la plus plaisante des lectures d'hiver.

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