mercredi 27 octobre 2010

Le style, c'est l'homme (#2 Frédéric Beigbeder)


Les livres de Frédéric Beigbeder, je les offre à ma belle amoureuse.
Avec ceux, par exemple, de Jérôme Leroy, John O'Hara, Frédéric Schiffter, Pascal Jardin, Paul-Jean Toulet, Patrick Modiano, Françoise Sagan, Roland Jaccard, Bukowski, Pamela Moore ou de Drieu la Rochelle.
Seuls les crétins et autres estrosi des émotions ne verront pas les affinités électives liant ces stylistes.
Je n'offre pas, toutefois, tous les livres de Beigbeder.
99 francs est vraiment raté; la moitié américaine de Windows of the world aussi; et Au secours pardon est une longue déclaration d'amour sous vodka à la grâce des jeunes filles, ce qui ne plaît qu'à quelques dégénérés dans mon genre.
Mais Mémoires d'un jeune homme dérangé, premier roman édité à La Table ronde, c'est profond et léger comme une caresse mélancolique sur une peau douce. Vacances dans le coma fait apparaître - page 42 de l'édition poche - le nom désespérément oublié de Jean-Michel Gravier. Un roman français, si l'on oublie le feuilleton de la garde-à-vue, est une lumineuse et triste flânerie du côté de l'esprit d'enfance si cher à Bernanos.
Ma belle amoureuse lit Beigbeder dans le train, sur la plage ou allongée, chambre 31 de l'hôtel Flaubert, à Trouville.
Elle sourit, fait la moue parce que "l'amour dure trois ans", souligne des phrases comme celles-ci : "Aujourd'hui, je marche avec ma fille sur la plage de Cénitz, en plein hiver, et les galets me tordent les chevilles, et le vent me brouille la vue. L'herbe verte est derrière moi, l'océan bleu devant. Me voici courbé vers le sol, pour essuyer mes yeux avec le revers de ma main. Ma fille me demande ce que je fais accroupi sur cette plage tel un crapaud. je réponds que je prends mon temps pour choisir le bon galet ; en réalité j'essaie tant bien que mal de cacher mes souvenirs qui coulent derrière mes cheveux."
Ma belle amoureuse, comme moi, se fout des jugements minuscules sur les clowneries jetset et tv de Beigbeder.
Aux curés des lettres, nous laissons le regrettable Charles Dantzig.
Et nous gardons la classe désabusée avec laquelle Beigbeder regarde, d'un oeil heureux, sa fiancée Priscilla de Laforcade et signe des lignes paresseuses chez Grasset, dans Voici, Lire ou encore dans Le Figaro magazine.

3 commentaires:

Frédéric Schiffter a dit…

Frédéric B., qui prend garde à la douceur des choses, a choisi d'habiter Guéthary, à un jet de galet de la maison de Paul-Jean Toulet (Too Late). Là, entre deux prestations nocturnes de didgê, il "lit pour passer le temps et écrit pour le retenir".

Arnaud Le Guern a dit…

Beigbeder, avec quelques amis qui passent souvent du côté de ces braconnages, est l'un des rares à parler, et avec classe, de Too Late. Dans Voici, dans Match, dans ses romans. Comme il parle de Bernard Frank, de Françoise Sagan, de Paul Gégauff, de Jean de Tinan. Et c'est un plaisir de faire plaisir aux jeunes filles et d'énerver ceux que la seule évocation de Beigbed' met en rage

Arnaud Le Guern a dit…

Et "lire pour passer le temps et écrire pour le retenir" est une sacrée fulgurance.