Mon cher Yvan,
J'ai sous les yeux une lettre que tu envoyas le 4 janvier 2001 à U RIBOMBU, lettre de fugue, lettre du maquis, lettre postée à Paris, mais rédigée, je le sais, au milieu des sentiers escarpés, dans les cascades de rocaille des collines bleues de Cargèse, lettre s'ouvrant comme une coque de bateau sur des mots de houle :
« Cela fait quasiment 18 mois que j'ai quitté mon domicile. Depuis je suis sans nouvelles des miens comme eux le sont de moi. Si je m'exprime aujourd'hui, c'est pour répondre aux accusations portées à mon encontre. »
Le 6 février 1999, le préfet Erignac s’est écroulé, assassiné par des balles qui seraient tiennes. Jospin, qui versait sa larme à chaque commémoration, craignait les branlées électorales, et ne connaissait rien aux âmes hantées par les silhouettes maures, faisait le malin : « Colonna aura des comptes à rendre à la justice. » Ta réponse, Yvan, lui cloua le bec et traça le sillon de ta fugue :
« Je nie avec force les faits qui me sont reprochés dans l'affaire Erignac. Je n'y ai pas participé ! A ceux qui me demandent de me présenter devant la justice, je répondrai que cette justice qui a incarcéré le pauvre Marcellu Lorenzoni 18 mois avec un dossier vide et qui a relâché après deux mois de détention l'infâme Bonnet et ses sbires qui avaient comme projet celui de relancer la guerre entre nationalistes, je ne peux la cautionner. Je ne pense pas un seul instant me rendre à la justice ! »
Sous mes yeux, ta lettre, et pas loin, ta gueule, ta photo, le cliché qu'ils ont affiché partout, dans les mairies, les postes, les gendarmeries, les nurseries, les bars échangistes. En République française, on affiche les prix, ses intentions de vote, son antifascisme, sa tolérance et la trogne des derniers fugitifs à passer par les armes. Colonna : Wanted dead or alive!
Où te cachais-tu, Yvan ? Je n'en sais rien, et ne veux pas le savoir. Le fugueur est un poète des sentiers connus de lui seul, c'est un raseur des briques blanches, des ruelles que tutoient les hautaines étoiles lovées dans les poils d'un chat noir.
Tes mots, plus que tout, me parlent de toi, et de la Corse, d'une déchirure de poussière hors de l'immonde, hors de la France que les français font, malheureusement, si petite.
Tes mots ne m'entretiennent jamais d'« une affaire d'Etat », d' « un fait-divers sanglant », comme ils disent. Tes mots évoquent un drame, celui d'un homme exécuté, et celui d'un berger dans la chevelure de ses monts, un berger qui, lorsqu'il saisit sa plume, « veut profiter de l'occasion pour faire savoir à (son) épouse et à (son) fils adoré, à sa mère tant aimée, à toute sa famille, à tous ses amis qu'il est en bonne santé et que le moral est d'acier. »
Dans tes mots, j'ai vu un drame et j'ai vu une nuit bleue sans cesse bafouée, salie, niée par les petits marquisards hexagonaux, par l'orifice Mamère qui ne voyait en elle qu'un « virus ».
Oui, Yvan, pour le « vert » Mamère, l'île de Beauté est un « virus », c'est-à-dire une saleté à pulvériser.
Dans tes mots, j'ai vu une nuit bleue dessinant les contours d'un homme, toi, dans les bras d'un autre, un Monseigneur du nom de Marchiano, Archimandrite de Cargèse :
« Cette histoire, c'est une sorte de poignée de boue qui nous a été lancée au visage. Si Yvan vient me voir, je lui dirais : si tu es coupable, va le dire à qui de droit. Mais pour le moment, je n'ai aucun élément objectif pour dire qu'il l'est. »
C'est au nom de cette nuie bleue que je te salue, Yvan. François Santoni s'est fait la malle, Jean-Michel Rossi aussi, et tous les autres, et la Corse de septembre, celle des sourires d'une libellule sur la plage de Palombaggia. Ne restent que les gouttes de pluie, le silence des claquettes sous un parasol et les vieilles royalement taiseuses.
Ciao Yvan, planque-toi, n'avoue jamais ce qui doit se taire et prends soin de toi.
J'ai sous les yeux une lettre que tu envoyas le 4 janvier 2001 à U RIBOMBU, lettre de fugue, lettre du maquis, lettre postée à Paris, mais rédigée, je le sais, au milieu des sentiers escarpés, dans les cascades de rocaille des collines bleues de Cargèse, lettre s'ouvrant comme une coque de bateau sur des mots de houle :
« Cela fait quasiment 18 mois que j'ai quitté mon domicile. Depuis je suis sans nouvelles des miens comme eux le sont de moi. Si je m'exprime aujourd'hui, c'est pour répondre aux accusations portées à mon encontre. »
Le 6 février 1999, le préfet Erignac s’est écroulé, assassiné par des balles qui seraient tiennes. Jospin, qui versait sa larme à chaque commémoration, craignait les branlées électorales, et ne connaissait rien aux âmes hantées par les silhouettes maures, faisait le malin : « Colonna aura des comptes à rendre à la justice. » Ta réponse, Yvan, lui cloua le bec et traça le sillon de ta fugue :
« Je nie avec force les faits qui me sont reprochés dans l'affaire Erignac. Je n'y ai pas participé ! A ceux qui me demandent de me présenter devant la justice, je répondrai que cette justice qui a incarcéré le pauvre Marcellu Lorenzoni 18 mois avec un dossier vide et qui a relâché après deux mois de détention l'infâme Bonnet et ses sbires qui avaient comme projet celui de relancer la guerre entre nationalistes, je ne peux la cautionner. Je ne pense pas un seul instant me rendre à la justice ! »
Sous mes yeux, ta lettre, et pas loin, ta gueule, ta photo, le cliché qu'ils ont affiché partout, dans les mairies, les postes, les gendarmeries, les nurseries, les bars échangistes. En République française, on affiche les prix, ses intentions de vote, son antifascisme, sa tolérance et la trogne des derniers fugitifs à passer par les armes. Colonna : Wanted dead or alive!
Où te cachais-tu, Yvan ? Je n'en sais rien, et ne veux pas le savoir. Le fugueur est un poète des sentiers connus de lui seul, c'est un raseur des briques blanches, des ruelles que tutoient les hautaines étoiles lovées dans les poils d'un chat noir.
Tes mots, plus que tout, me parlent de toi, et de la Corse, d'une déchirure de poussière hors de l'immonde, hors de la France que les français font, malheureusement, si petite.
Tes mots ne m'entretiennent jamais d'« une affaire d'Etat », d' « un fait-divers sanglant », comme ils disent. Tes mots évoquent un drame, celui d'un homme exécuté, et celui d'un berger dans la chevelure de ses monts, un berger qui, lorsqu'il saisit sa plume, « veut profiter de l'occasion pour faire savoir à (son) épouse et à (son) fils adoré, à sa mère tant aimée, à toute sa famille, à tous ses amis qu'il est en bonne santé et que le moral est d'acier. »
Dans tes mots, j'ai vu un drame et j'ai vu une nuit bleue sans cesse bafouée, salie, niée par les petits marquisards hexagonaux, par l'orifice Mamère qui ne voyait en elle qu'un « virus ».
Oui, Yvan, pour le « vert » Mamère, l'île de Beauté est un « virus », c'est-à-dire une saleté à pulvériser.
Dans tes mots, j'ai vu une nuit bleue dessinant les contours d'un homme, toi, dans les bras d'un autre, un Monseigneur du nom de Marchiano, Archimandrite de Cargèse :
« Cette histoire, c'est une sorte de poignée de boue qui nous a été lancée au visage. Si Yvan vient me voir, je lui dirais : si tu es coupable, va le dire à qui de droit. Mais pour le moment, je n'ai aucun élément objectif pour dire qu'il l'est. »
C'est au nom de cette nuie bleue que je te salue, Yvan. François Santoni s'est fait la malle, Jean-Michel Rossi aussi, et tous les autres, et la Corse de septembre, celle des sourires d'une libellule sur la plage de Palombaggia. Ne restent que les gouttes de pluie, le silence des claquettes sous un parasol et les vieilles royalement taiseuses.
Ciao Yvan, planque-toi, n'avoue jamais ce qui doit se taire et prends soin de toi.
3 commentaires:
Je suis d'accord. Il a une vraie gueule d'apache. Il mérite un vrai hommage. Il a peut-être flingué un VRAI préfet de cette République bidon…
Il faut défendre Colonna. On est deux déjà. Continuons le combat...
J'insiste, t'as vu sa bobine ? C'est pas du révolutionnaire à la mords moi le scoubidou qu'on voit dans les festivaux de polar,ça ! C'est un vrai sauvage au sang chaud. Banzaï!!!
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