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lundi 23 mars 2015
F.S. Fitzgerald dixit
« L’histoire de ma vie est celle d’un conflit entre un besoin irrésistible d’écrire et un concours de circonstances acharnées à m’y empêcher ».
samedi 20 septembre 2014
Maubert & Malaval
Un aveu : Robert Malaval n'était pour nous qu'un peintre et sculpteur parmi d'autres. Il traversait quelques livres lus. Nous avions entrevus, ici ou là, certaines de ses œuvres. Fabrice Gaignault lui avait consacré un long papier dans un magazine chic. Mais Malaval restait un inconnu, ce qu'il n'est plus une fois lu, aimé et refermé Visible la nuit.
Après avoir flâné du côté de Gainsbourg, Bacon ou Giacometti – Le dernier modèle (pris Renaudot Essai 2012) -, Franck Maubert nous présente Malaval, dont l'autoportrait orne la couverture du roman et qui est tout entier présent, homme plein d'éclats d'âme, au cœur de chaque page. Il touche, fait rire, horripile, émeut de nouveau. On l'observe dans son atelier, Lou Reed ou Bob Dylan en fond sonore. L'oeuvre se crée, multiple dans son unité secrète. La souffrance, souvent, l'emporte sur la joie. Sur la côte d'Azur, villa Nellcôte, la rencontre avec les Rolling Stones laisse un goût amer. On fume avec Robert, on boit avec lui. Au succès qui le happe, à la détresse de ses mauvaises années. Une recommandation : éviter la bière coupée à l'alcool à 90°. Tout ceci finira mal.
Par-delà
la figure de Malaval, Maubert esquisse, d'un trait léger et profond,
la fin d'une époque. On se balade en espadrilles à ses côtés, de
l'été caniculaire 76, celui de sa rencontre avec Robert, à l'été
80, où son ami s'en va. Le roman, ample et précis, se déploie avec
lenteur. On pourrait se croire dans un film de Sautet. Mao-Mao,
narrateur et double de Maubert, nous sert de guide dilettante dans ce
drôle de temps, d'excès et de mélancolie, où certains laisseront
des plumes, Malaval le premier.
Visible la nuit
commence par son suicide et s'achève par son enterrement, point
final d'un road-movie en corbillard d'infortune. Entre les deux,
Mao-Mao explore les galeries d'art. Le toit des autres devient
rapidement le sien. L'une de ses petites amies se prénomme Maria ;
une autre, Hélène ; nous en oublions sûrement. Les filles
défilent comme dans une fashion-week
permanente. Ça a son charme. Les rues de Paris sont le terrain de
jeu d'ombres nommées Pacadis, Aragon, Jean-Pierre Léaud ou Yves
Saint-Laurent. Mao-Mao les croise puis fugue en Italie en
compagnie de Mouche – joueur, écrivain et éditeur – et de sa
femme Pamela. C'est à Porto Santo Stefano que Mao-Mao apprendra la
triste nouvelle. Il est des phrases serrées comme des gorges :
« Cette année 1980, on compte en France 10 341 suicides,
dont celui de Robert Malaval. »
S'il
fallait définir le style de Maubert, on pourrait évoquer la
rencontre sur une table de dissection de Jean-Jacques Schuhl et de
Patrick Modiano, entre intime pedigree et entrée des fantômes. Mais
ce serait un raccourci trop facile. Depuis son premier roman Est-ce
bien la nuit ? jusqu'à
ce Visible la nuit,
il cisèle une langue qui n'appartient qu'à lui. La preuve :
« La vie changeait,
nous n'étions plus des enfants. J'avais perdu mon grand frère
Robert et mon chagrin ne s'apaisait pas. J'allais avoir vingt-cinq
ans, mon insouciance s'était évanouie. Une autre vie démarrait,
sans Robert. » De
loin, avec Robert Malaval, nous tchinons à la délicatesse si
élégante des mots de Maubert.
Franck
Maubert, Visible la nuit,
Fayard
Papier paru dans La Revue littéraire, Léo Scheer, septembre 2014
dimanche 9 septembre 2012
Eloge littéraire de Florian Zeller
En cette rentrée, Florian Zeller cumulerait de nombreuses tares : il n’a pas écrit un « roman geek », autrement appelé « roman wikipedia », permettant à un barbant Bourmeau de s’extasier sur l’avènement du « non-style » ; il n’est pas non plus Christine Angot, dont la Semaine de vacances (Flammarion) serait « le chef d’oeuvre » du moment selon le même bourreau barbotant de la littérature ; il est l’incarnation du bobo, cette vieillerie ; il plagie Kundera ; pire, il a changé de coupe de cheveux, tignasse blonde désormais aussi lisse, paraît-il, que La jouissance, texte qu’il publie chez Gallimard.
On se souvient avoir acheté, dans une gare, un poche signé Zeller. Ca devait être La fascination du pire ou Les amants du n’importe quoi. Lecture sans grand intérêt, vite oubliée. On a ouvert La jouissance : « L’histoire commence là où toutes les histoires devraient finir : dans un lit. » Nicolas est un apprenti scénariste qui vit avec Pauline, fantasme sur Eva, une jolie Polonaise : l’amour, toujours, ce chien de l’enfer. Il y a de belles évocations d’André Breton et Kubrick, de Jean-Luc Godard et Beethoven. Cioran est également cité à propos de l’événement le plus important de la seconde partie du XXe siècle : le rétrécissement progressif des trottoirs. Une petite fille s’appelle Louise, prénom plaisant. On a envie de souligner des phrases, qui prolongent nos étés, en écoutant Perfect Day de Lou Reed : « Pour l’instant, la voiture roule sur cette nationale ensoleillée, mais on le sait, cela ne pourra pas durer éternellement – viendra le moment où le morceau finira, et où les corps devront fatalement se séparer. » Ou celle-là – que nous envoyons à un ami nous demandant : « Le dernier Zeller, c’est quand même très mauvais ? » : « Serrés l’un contre l’autre, je les vois sur l’embarcadère vide de Sorrento. Ils regardent sans regret le bateau disparaître dans le lointain ; ils prendront le prochain, car rien ne presse, et tout leur appartient – ils ont le présent devant eux. »
Dans une époque où les mots sont pâlots et où Libération titre « Le sexe de l’inceste », lisons Florian Zeller et sa Jouissance, roman imparfait, parfois fumeux quand il tente de raconter l’Europe de l’Après-guerre. Restent une histoire sentimentale à la française, comme un film de Sautet, et une langue qui joue d’une certaine volupté. On se rappelle alors que Zeller a écrit des pièces de théâtre pour Laetitia Casta et Catherine Frot, des chansons pour Christophe et une adaptation télévisuelle d’Un château en Suède de Sagan : que des œuvres réussies. Ce ne serait en rien un argument pour lire son dernier opus ? Si, et on rajoute que sa femme est une actrice charmante : ne jamais faire de peine à Marine Delterme.
Florian Zeller, La jouissance, Gallimard, 2012
Texte paru sur Causeur.fr le 09/09/2012
On se souvient avoir acheté, dans une gare, un poche signé Zeller. Ca devait être La fascination du pire ou Les amants du n’importe quoi. Lecture sans grand intérêt, vite oubliée. On a ouvert La jouissance : « L’histoire commence là où toutes les histoires devraient finir : dans un lit. » Nicolas est un apprenti scénariste qui vit avec Pauline, fantasme sur Eva, une jolie Polonaise : l’amour, toujours, ce chien de l’enfer. Il y a de belles évocations d’André Breton et Kubrick, de Jean-Luc Godard et Beethoven. Cioran est également cité à propos de l’événement le plus important de la seconde partie du XXe siècle : le rétrécissement progressif des trottoirs. Une petite fille s’appelle Louise, prénom plaisant. On a envie de souligner des phrases, qui prolongent nos étés, en écoutant Perfect Day de Lou Reed : « Pour l’instant, la voiture roule sur cette nationale ensoleillée, mais on le sait, cela ne pourra pas durer éternellement – viendra le moment où le morceau finira, et où les corps devront fatalement se séparer. » Ou celle-là – que nous envoyons à un ami nous demandant : « Le dernier Zeller, c’est quand même très mauvais ? » : « Serrés l’un contre l’autre, je les vois sur l’embarcadère vide de Sorrento. Ils regardent sans regret le bateau disparaître dans le lointain ; ils prendront le prochain, car rien ne presse, et tout leur appartient – ils ont le présent devant eux. »
Dans une époque où les mots sont pâlots et où Libération titre « Le sexe de l’inceste », lisons Florian Zeller et sa Jouissance, roman imparfait, parfois fumeux quand il tente de raconter l’Europe de l’Après-guerre. Restent une histoire sentimentale à la française, comme un film de Sautet, et une langue qui joue d’une certaine volupté. On se rappelle alors que Zeller a écrit des pièces de théâtre pour Laetitia Casta et Catherine Frot, des chansons pour Christophe et une adaptation télévisuelle d’Un château en Suède de Sagan : que des œuvres réussies. Ce ne serait en rien un argument pour lire son dernier opus ? Si, et on rajoute que sa femme est une actrice charmante : ne jamais faire de peine à Marine Delterme.
Florian Zeller, La jouissance, Gallimard, 2012
Texte paru sur Causeur.fr le 09/09/2012
mardi 1 mai 2012
Mon amie Nane
Fin de la terre, on a lu, entre les gouttes de pluie et le soleil se pointant Pointe Saint-Mathieu, Roland Jaccard et des textes courts de David Di Nota.
On a regardé en dévédé L'art d'aimer d'Emmanuel Mouret, des films noirs et sensuels de Jean-Claude Brisseau et puis le très bon Grand alibi de Pascal Bonitzer, d'après Agatha Christie.
On a retrouvé, aussi, la vieille édition du livre de poche de Mon amie Nane, de Paul-Jean Toulet. Un roman léger et profond, un roman dilettante et classieux, un roman buissonnier où les héroïnes sont pleine de grâce, un roman où les sourires, l'alcool, les volutes de fumée cachent à peine la mélancolie au coeur des hommes et des exquises belles de jour, de nuit. Un roman tel qu'on n'en trouve plus guère, aujourd'hui.
Il est vrai que Toulet est mort, comme Pierre de Régnier et Jean de Tinan. Heureusement, dans les mots de quelques-uns - l'infâme RJ encore, Jérôme Leroy, Christian Authier, Frédéric Beigbeder, Christian Laborde, Guillaume Zorgbibe, Frédéric Schiffter ... -, Toulet est toujours là et sa langue, à la caresse des sens, n'a pas fini de nous enchanter :
"Cette amie que je veux te montrer sous le linge, ô lecteur, ou bien parée des mille ajustements qui étaient comme une seconde figure de sa beauté, ne fut qu'une fille de joie—et de tristesse."
"Mais Nane était bien plus que cela, un signe écrit sur la muraille, l'hiéroglyphe même de la vie : en elle, j'ai cru contempler le monde."
"A cette époque mon amie Nane était presque une inconnue pour moi, bien loin de m'appartenir en propre. A vrai dire, et dans la suite même, je n'ai jamais recherché le monopole de sa tendresse. N'eût-ce pas été de l'égoïsme ? Outre qu'il en faudrait avoir les moyens."
"En vérité, ce qu'elle aimait le plus de lui, ce n'était pas sa présence."
"Il n'entrait point dans les intentions de Nane de se montrer, en son veuvage, plus fidèle à Bélesbat qu'elle ne faisait d'ordinaire. Elle continua donc à le tromper, quoique avec moins de plaisir depuis qu'il était loin."
"Je vis quelque chose de clair, de blanc, de rose, qui décrivait une élégante parabole : c'était Nane. "
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