jeudi 18 novembre 2010

Remember BB 60

C'était en juillet sur Causeur.fr, c'est ici maintenant. L'été, encore ...

L’été, c’est le soleil, des lunettes noires, un bikini, la plage.
L’été, c’est Bardot, son apparition sur le port de Saint-Tropez dans Et Dieu créa la femme, toutes ses apparitions depuis, « sur l’écran noir de nos nuits blanches ». Dans Le Mépris bien sûr – « Et mes fesses ? Tu les aimes, mes fesses ? » – ; dans Les femmes, merveille tournée en 1969 par Jean Aurel, scénarisée par Cécil Saint-Laurent, avec Maurice Ronet.
L’été, c’est B.B. quand elle chante « Coquillages et crustacés », « La Madrague » ou les bonbons sensuels offerts par Gainsbourg.
L’été, enfin, c’est B.B. dans les mots légers et profonds de François Nourissier.
A la fin des années 50, Nourissier considère qu’il n’a encore rien publié de bon. Un petit bourgeois, premier de ses romans qu’il appréciera quelque peu, viendra plus tard, en 1963. En attendant, il dirige la rédaction de La Parisienne et traîne son spleen de jeune éditeur à la foire de Francfort. Perdue au milieu des livres insipides, une couverture le cogne. Etalé sous ses yeux : « Le corps négligé, impudique et rieur (mais oui, rieur) de Brigitte Bardot ». Le texte de cet ouvrage italien est signé Simone de Beauvoir. De retour à Paris, Nourissier la contacte pour lui proposer une réédition en français. Beauvoir est gênée, bafouille, parle d’impôts, fuit. Nourissier demande alors à Roger Vailland, à Pieyre de Mandiargues et Paul Morand si le sujet Bardot les intéresse. Tous refusent, laissant à notre seule imagination le plaisir d’esquisser leurs mots sur la silhouette de BB. C’est donc Nourissier qui, en quelques pages, va sculpter Bardot telle qu’elle est à jamais dans nos mémoires : une mythologie française, c’est-à-dire une Star, ce claquement de langue qui évoque une étoile pendue au cou d’une nuit de pleine lune.
La beauté, ce beau souci…
La grande question de l’époque, à la Une des magazines, est : « Faut-il brûler B.B. ? »
Avec la classe infinie du styliste, Nourissier répond d’entrée en amoureux des courbes sensuelles et en puncheur précis : « De toutes les armes que nous offre la vie quotidienne pour régler ses comptes à la sottise, la jeunesse et l’impudeur d’une femme sont les plus douces. » L’air de rien, il ne lâchera plus, ni B.B., ni ceux qui ne voient en elle qu’une écervelée insignifiante. A sa jolie héroïne de France, il réserve ses émerveillements et son oeil bleu délicat ; aux autres, il dit l’urgence de la grâce qu’ils ne connaîtront jamais, eux qui préfèrent celles que Paul Gégauff nommait « les bonnes femmes ».
Pourquoi Bardot, hier comme aujourd’hui ?
Lire et relire Nourissier, se mettre en bouche les lignes de beauté qu’il trace : « Que l’on caresse du regard, vite, les images innombrables de Bardot ; que l’on profite vite d’un plaisir innocent, car, sitôt les yeux relevés, on les posera sur un monde de lèvres et de visage clos. L’énorme bêtise des hommes d’Occident devant le sexe et devant leur désir éclate en de certaines occasions. L’aventure Bardot en est une. S’il n’existait aucune autre raison de l’aimer et de bavarder un peu librement sur le compte de cette belle personne, la seule envie de faire acte de présence y suffirait. J’entends la seule envie d’être parmi ceux qui l’auront dit : la beauté n’est pas honteuse, la beauté a des droits, nous devons respecter en elle une dignité d’avant la faute, joueuse et familière. »
Et à la fin de l’envoi, B.B. ancrée dans les coeurs battants et Nourissier terriblement vivant loin de cette Miss P. qui le fait crever lentement, se souvenir que : « Sous la mythologie, sous l’entreprise et le triomphe publicitaires, il existe ce miracle gratuit et parfaitement injuste : les privilèges d’une petite fille née belle. »

1 commentaire:

Jean-Jacques Fourmond a dit…

On est toujours gêné face à un "mythe" populaire moderne.
Il est difficile, en effet, de distinguer la part de séduction et la part d'imposture.
La figure de Brigitte bardot semble, cependant, échapper à ce dilemme car celle-ci ne s'est pas contentée d'être une "icône" cinématographique.
Au mépris du consensus et du politiquement correct, elle a pris des positions - au propre comme au figuré - qui montraient qu'elle n'était pas seulement "une ravissante idiote".
Que ces positions aient pu être très discutables, on peut aisément en convenir. Pourtant, quand on la compare à la masse des comédiennes qui n'ont que le miel du conformisme à la bouche, on ne peut que l'admirer.
Longue vie à B.B.