jeudi 19 mars 2009

"Lyrisme post hussard" (III)



Les mots d’Elsa en tête, Théo traça dans la nuit. Le vent froid et la pluie fouettèrent sa griserie, lui ouvrirent la route. Les derniers bars ouverts se vidaient, libérant des braillards anonymes qui invectivaient d’autres braillards anonymes. Bande-son d’une fin du monde qui tirait ses ultimes cartouches.
Elsa habitait Quai de la Pré-Vallée. Théo connaissait le chemin. Il avait eu, quelques mois auparavant, une maîtresse dans le quartier. Une prof’ de droit des affaires dont la sexualité ne s’exprimait que les volets fermés et la lumière éteinte.
Après avoir dépassé la Place de Bretagne et longé la Vilaine, laissant derrière lui les reflets cuivrés de son eau dégueulasse, des parkings et encore des parkings, Théo arriva au pied de l’immeuble d’Elsa. Il pianota sur le cadran du digicode. La porte s’ouvrit, coup de chance. Au téléphone, Elsa lui avait glissé qu’elle logeait au dernier étage.
Dans l’ascenseur, Théo repensa à sa brune silhouette qui banalisait toutes les autres. Elle s’était envolée comme un petit rat quitte le rond de lumière de la poursuite, se retire dans sa loge. Pour changer de tenue, déguster un verre de Pouilly, inspirer quelques effluves de brouillard avant le rappel.
Elsa : un mètre soixante-neuf d’érotisme sublimé par la voix, par les gestes.
Théo aimait la douce folie de ce qu’elle disait et ne disait pas. Il aimait la marque de ses pommettes quand elle soufflait la fumée de sa cigarette, la tête très légèrement inclinée sur le côté. Il aimait le pincement de ses lèvres quand elle était en colère. Il aimait le désir qu'elle faisait naître de retrouver le goût des premiers amours.
L’ascenseur s’ouvrit sur un vaste palier, trois portes dont une entrouverte que Théo poussa sans hésiter. Il traversa le couloir, entra à l’aveugle dans une grande pièce obscure. Il ne voyait que la nuit, le halo de la lune trouant une fenêtre sans persienne et une paire d’yeux fixés sur lui.
Son manteau jeté par terre, il rejoignit le souffle d’Elsa. La nuisette noire qu’il froissa lui révéla la nuque, les épaules, l’intérieur des cuisses et des jambes fines et musclées.
Les lèvres d’Elsa cherchèrent les siennes, sa langue les trouva. Un baiser doux et profond, mouillé d’une salive à boire sans modération, enroulé autour d’autres baisers. Les bras se refermèrent, embrasèrent les fringues, les draps, les sens.

_ Je veux que tu me baises comme un fou.

Théo obéit à l’ordre obscène d’Elsa.
Glissant sur elle, il descendit jusqu’à l’orée de la mine. Il s’ agenouilla, étancha sa soif. La petite mort chaussa ses ballerines. Chaleur au dedans et bleus aux genoux. Il l’aima, elle l’aima, tout était beau.

Aucun commentaire: