vendredi 16 février 2007

Sagan, la grâce

Quelle que soit la saison, il faut toujours en revenir à Sagan, c’est-à-dire à la légèreté absolue d’un adorable petit monstre princier sur la page blanche comme Françoise était princière, pieds nus, au volant d’une Austin décapotable. Sagan – envolée un jour de Toussaint- qui me manque et que je retrouve, diablotine à mort, dans les pages lues et relues de Bonjour tristesse.
Tout Sagan, évidemment, est dans ce livre. Sa voix, ses excès, ses tours de roulette russe, ses ardoises et le monde cassé qu’elle y arrime dès les premières lignes : « Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur, m’obsède j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.»
J’aime Françoise Sagan qui, elle, n’aimait pas, n’aimait plus qu’on lui parle de Bonjour Tristesse, de sa « petite musique », d’une exquise donzelle baptisée Cécile qui disait : « Je connaissais peu de choses de l’amour : des rendez-vous, des baisers et des lassitudes. »
Sagan avait raison, tout simplement parce qu’on lui parlait mal de cette apparition. On lui en parlait pour placer des dates, pour tuer l’héroïne, pour enfoncer le talent exquis sous des kilos d’ennui. On lui en parlait surtout pour dézinguer définitivement la soliste, pour lui accrocher aux fesses les pires casseroles remplies de saloperies, de fiel démocrasseux. Aux joyeuses célébrations, les Français ont toujours préféré les commémorations – les cons lèchent le cul des morts !
Le problème avec Sagan ? Elle n’était pas clean. Elle trichait, elle fraudait, elle se cachait sous les masques les plus fragiles. Elle ne disait pas toute la vérité, préférant les dire toutes. Elle ne comptait pas, dans un monde qui n’aime que les chiffres. Sagan a passé des nuits dans les plus beaux palaces, des nuits à la belle étoile et des nuits au poste, en garde à vue. Alors que sa vie s’envoyait en l’air, elle la couchait sur une feuille blanche, à l’heure où l’aube s’étire. Sagan – on le voit - était de la race de Blondin et des feux-follets de Drieu la Rochelle. Trop d’ombre et d’éclat à la fois pour une époque qui n’aime ni l’une ni l’autre.
Le couperet est tombé : silence radio absolu depuis son ultime bye bye, comme silence il y eut – en 2004 - sur l’anniversaire du plus rare bijou des cinquante dernières années.
En 1954, une bombe de grâce et de tristesse explosait en librairie. Depuis, on a préféré s’intéresser à la poudre blanche, à des fidélités et des infidélités, et à de vieilles dettes réclamées par l’Etat français. Sagan a été cognée durement à l’âme. Et Sagan a été piteusement défendue.
Je me souviens du souk trop propre monté pour l’occasion. Il n’y avait aucune pétition à signer pour Françoise Sagan. Vulgarité hénaurme des signatures s’ajoutant à d’autres signatures, du texte « collectif » mal ficelé auquel chacun doit dire « j’approuve ». Vulgarité hénaurme d’un ramassis de penseurs, d’écrivains, de Jacklanguistes, parlant de ses feuilles de déclaration à une star des mots.
Une star, c’est ce qu’il y a de plus précieux, c’est-à-dire d’intouchable. C’est une étoile dansant, comme Bardot dans Et dieu créa la femme, la salsa au cou de la lune. Une star, c’est l’unique cause éperdue des brigands dans mon genre. Une star, c’est Sagan en 1954, c’est Sagan toujours.

21 commentaires:

Anonyme a dit…

Plus que Bonjour tristesse, Dans un mois dans un an revèle, selon moi, toute la grâce de Sagan. Bonjour tristesse garde évidemment la beauté d'une première fois.

Anonyme a dit…

Effectivement, la Sagan du début...
Trois, quatre romans, maxi...
En même temps, ça suffit.
Mais les derniers Sagan...romans pour France Louasirs

Anonyme a dit…

Effectivement, la Sagan du début...
Trois, quatre romans, maxi...
En même temps, ça suffit.
Mais les derniers Sagan...romans pour France Louasirs

Anonyme a dit…

J'irai peut-être pas jusqu'à France Louasirs mais ptet du moins bon, c'est certain. En même temps, trois, quatre romans, hauts romans dignes de ce nom, on est largement plus haut que la moyenne, non ?

Anonyme a dit…

Du sens se balade dans les années en 4 : 1944, 54, 64, 74, 84, 94, 04.

Anonyme a dit…

Très bien vu, en effet. Mais beaucoup de "5" aussi même si avec ces "5", le début et la fin sont moins mis en évidence.
Sympa la trouvaille de "4". Merci d'avoir activé mon reste de neurones jenny suarez-ames.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas vraiment une trouvaille, juste quelques balises personnelles que je trimballe dans mon histoire.

Anonyme a dit…

On a des balises aux numéros communs dirait-on mais, perso, je fais aussi beaucoup dans les 2.

Anonyme a dit…

Je campe sur mon 4 mais je crois que je vais céder aux sirènes d'un 7 auquel, pour la première fois, je trouve un certain intérêt.

Anonyme a dit…

Résumons : 4 et 7 pour vous ; 4 et 2 pour moi avec un zeste de 1 suivant le moment. Marrant tous ces chiffres qui nous collent à la peau sans. Le 7 a vraiment un si grand intérêt ?

Anonyme a dit…

En bonne obsessionnelle, je trouvais laids certains chiffres (au passé parce que certains ont pris un sens et de la beauté avec le temps). Ainsi les 2, 4, 6, 7, 12 étaient abominables, tandis que les 1, 3, 5, 9, 11 (les impaires, sauf le sept) me plaisaient.
7 pour 2007 qui commence très joliment. Mais 6, jamais 6, ou alors un moment de 6 avec un zest de 7 : 07/06.

Anonyme a dit…

Félicitations d'ailleurs pour ce 2007 qui débute de belle façon. Pas encore eu l'occase de l'écrire chez les Moissonneuses. C'est fait now.
J'ai jamais fait de distingo pair/impair mais y'a vraiment des années qui vous font détester leurs chiffres 2005, for instance. Pour me placer côté pair ou impair je cherche toujours ce qu'est le "0".
Sinon 2,1,4 et 9 à la folie et 7 pas du tout.

Anonyme a dit…

Bienvenue chez les Moissonneuses, Saganophile. Belle année pour nous, 2007, en effet et, avec peut-être juillet dernier, la première fois que j'aime le 7 (9 et 11 for ever).
Les années en 4 c'est : la libération, Bonjour tristesse, une naissance, une autre, Orwell, un accident, un autre.
Et finalement, c'est 60 ans de voyage vers l'Ithaque de Cavafy.

Anonyme a dit…

Mille merci Jenny Suarez-ames. J'irai laisser à l'occase quelques petits mots chez les Moissonneuses.

Les années en 2, c'est pour les naissances, les beaux chaos, tous les recommencements, Sagan et Breton.

Quant au 7, peut-être me fera-t-il changer d'avis en 2007. Wait & see (j'ai horreur de ça)

Anonyme a dit…

Les Moissonneuses, c'est un blog foutraque, une sorte de troquet, une zone fumeur où une bande de petits camarades bavasse bouquins, politique, famapouales et polar (oui, ça fait partie des bouquins, certes, oui, mais c'est à l'origine du blog, alors j'extrais les polars).

Anonyme a dit…

On m'a présenté le blog de Moissonneuses il y a quelques semaines, j'y passe et y repasse et chope les bonnes news au passage. Et si les mots "troquet", zone fumeur", "bouquins" se trouvent de la même phrase et tout ça avec punch, je ne peux que louer l'aventure Moissonneuse !
(déjà laissé un petit mot d'ailleurs sur Cavafy)

On est gentimment en train de plomber légèrement le beau "Sagan, la grâce" de ALG mais il ne nous en voudra pas. Nos propos sont dignes d'intérêt.

Anonyme a dit…

Curiosité de blogueuse : qui donc a fait les présentations ? ALG ? Alfredo ? Mau ? Kelp (comoissonneuse) ?

J'ai vu le petit mot sur Cavafy et y ai répondu : oui, c'est du sadomasochisme hellénophile (hellénomane), une pathologie dont je souffre pour ne pas avoir eu mes shoot annuels.

Et viva les troquets, les zones fumeurs et les bouquins. Non, je pense qu'ALG ne nous en voudra pas.

Anonyme a dit…

ALG vous a fait une promo à donf' (comment je parle !)
Héllenomane, j'adore !
Non, ALG ne nous en voudra pas de parler de nos voyages sur fond de Bonjour tristesse, car on y revient finalement !
Quelles femmes intelligentes nous sommes !

Anonyme a dit…

Hellénomanes, obsessionnelles sur fond de Sagan : pas mal. Wow, je posterai un merci au Pirata de Paname.
J'ai mis un petit kom sur ton blog, sur l'oeil.

Anonyme a dit…

héhé, super sympa ! Je fais de même, of course, le temps que j'arrive à trouver le truc pour y arriver.

Anonyme a dit…

Et hop, un nouveau lien chez les Moissonneuses.