jeudi 1 février 2007

La grâce furieuse de Laurent Rochut

Nourri au lait-vodka de L’Idiot International de Jean-Edern Hallier, Laurent Rochut entre en littérature avec la grâce furieuse de Mike Tyson montant sur le ring : « Je suis né d’une pouliche et d’un taureau, dans une saillie d’écume et de sang ; né pour l’arène, les clameurs, la mise à mort et la flaque de sciure. »
Dans Peine perdue, la langue est affûtée, au mieux de sa forme. Elle cogne la tiédeur insupportable de l’époque, tout en nous racontant une histoire qui parle au cœur et aux tripes. Julien, le héros, envoie une lettre à sa mère. Il lui donne de ses nouvelles, sous la plus tranchante des formes : un règlement de compte. Les hautes trahisons intimes ou la bêtise à front de taureau imposée pendant trop longtemps : Julien ne pardonne rien. Vengeur sans masque, « le petit bâtard » pratique la castagne textuelle de haute volée : « Peu à peu, vous avez appris à faire votre travail de pions, de kapos des consciences. […] Terroriser la pensée, la fliquer dans la moindre de ses manifestations d’indépendance ou de virilité. Mettre au pas l’opinion, d’une dénonciation l’autre, telle aura été votre sale besogne. »
Chez Julien, c’est l’enfance qui ne passe pas. On la lui a gâchée, foutu en l’air à grand renfort de mots d’ordre. Ses rêves fous de gamins ont été passés par les armes. Les Trois Mousquetaires et Bardot dans Le Mépris – qu’il aime tant - sont devenus persona non grata. Pour calmer la colère, il ira chercher en Bosnie l’aventure kaki. Il y touchera, de son doigt sur la gâchette, la mort et la lâcheté. « Faire la guerre, c’est sans doute ce que je réussis de mieux ». Dandy cassé, de retour en France, Julien est, aux yeux de tous, un sale type. Un nationaliste. Un va-t-en-guerre. Pour oublier, il lit ses maîtres – Barbey, Bloy, Breton, Céline entre autres– et pose ses lèvres sur les lèvres d’une demoiselle « aux semelles de vent ». Elle est là, elle est belle et partage avec lui une certaine idée de "l'amour fou". Dans une lettre à lire et à relire, Julien déposera sur le cœur de sa « musette » tous les mots qu’il n’ a pas su dire à l’oreille sa muse : « Que faire d’autre qu’aimer ici-bas ? je veux dépenser sans compter, jeter par la fenêtre l’or du temps, aimer à vif. Je laisse le don d’organes aux épargnants de l’existence. Je préfère le don d’orgasmes. J’espère bien qu’il n’y aura rien à retirer de ma carcasse quand on me ramassera dans le fossé. »

1 commentaire:

Anonyme a dit…

« Que faire d’autre qu’aimer ici-bas ? je veux dépenser sans compter, jeter par la fenêtre l’or du temps, aimer à vif. Je laisse le don d’organes aux épargnants de l’existence. Je préfère le don d’orgasmes. J’espère bien qu’il n’y aura rien à retirer de ma carcasse quand on me ramassera dans le fossé. »

Tout simplement magnifique ! Tout est dit.