samedi 13 avril 2013

Et c'est ainsi qu'Ali est grand ...




Quand il prend la plume, Frédéric Roux cogne. On sent le boxeur. Il suffit de se souvenir de certains de ses livres : Lève ton gauche !, Ring ou sa très bonne bio de Mike Tyson, en 1999. Pas étonnant donc que, dans Alias Ali, Roux s’intéresse au plus grand, celui qui titrait son autobiographie : The Greatest. La vie de Cassius Clay, devenu Mohammed Ali, étant un roman, Roux en écrit un, où pas une ligne pourtant ne semble être de lui. Ca ressemble à ce que Georges Plimpton avait entrepris pour raconter Truman Capote. Roux a tout vu, tout lu, tout entendu sur le héros. Se plongeant et coupant dans la masse de mots, d’impressions et de témoignages recueillis, il a créé une œuvre de 620 pages. C’est une performance, au sens artistique, et ça fonctionne à merveille. Ali est là, à chaque ligne, évoqué par sa mère, ses entraîneurs, sa femme, ses adversaires. On le suit pendant son enfance ; on monte avec lui sur le ring ; on croise Malcolm X ; on prends des coups ; on est champion du monde poids lourds; on flippe devant Liston, Frazier et Foreman ; on subit la déchéance du champion malade. La bande-son est signée Sam Cooke et Bob Dylan. Par-delà le corps du boxeur et ses éclats d’âme, l’Amérique des années 60/70 est mise en lumière, en accusation : ségrégation raciale, assassinat de JFK, Vietnam, Elvis, Nixon. Entre les cordes tendues, les protagonistes ferraillent, les répliques s’enchaînent. Les meilleurs plumes américaines sont de la partie : Don DeLillo, Hunther S. Thompson, Norman Mailer, Nick Tosches. Ne pas oublier Budd Schulberg – scénariste de Sur les quais de Kazan et auteur de Quest-ce qui fait courir Sammy ? et du Désenchanté autour de Fitzgerald. On lui doit cette fulgurance : « Clay a fait autant pour rendre la boxe glamour que Marilyn Monroe a fait pour le sexe. » Normal, finalement, que la boxe ait toujours passionné les écrivains. Il s’agit d’écrire comme Ali boxait : « être aérien comme le papillon et piquant comme la guêpe. » La formule est de Drew Bundini Brown, entraîneur et âme damnée. Elle signe la légende d’Ali, à laquelle Frédéric Roux offre, avec Alias Ali, un hommage monumental, punchy et stylé.
 
Frédéric Roux, Alias Ali, Fayard, 2013
Papier paru dans Service littéraire, mars 2013

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