mercredi 21 mars 2012

Une éducation sentimentale


Je ne vais plus au cinéma depuis que je ne peux plus y voir Marie-Hélène Breillat.
Qui se souvient de Marie-Hélène Breillat ?
Je la retrouve dans un vieux numéro de Lui, millésime 76 je crois. Avec son visage de petite souris d'opéra, elle pose en couverture. Elle avait participé au Dernier tango à Paris, avec Brando et Maria Schneider. Avec sa soeur Catherine aussi. Catherine a écrit de bons films pour Fellini et Pialat. Elle a également tourné 36 fillette et Sale comme un ange avant de s'échouer dans les séquelles dun AVC et les chèques en blanc d'un escroc. Sur une autre couverture de Lui, Joëlle Mogensen, du groupe Il était une fois, joue du violoncelle en queue de pie, les cuisses adorablement entrouverte sur un tabouret de soliste. Elle mourra d'une overdose, en nous laissant des mélodies très sexuelles. Plus tard, la féline Natassja Kinski aimantera à son tour les regards, mais je m'éloigne.
Je ne vais plus au cinéma depuis que je ne peux plus y voir Marie-Hélène Breillat. Marie-Hélène se cache, Adjani n'est plus la meurtrière des étés de Sébastien Japrisot, Sandrine Bonnaire ne m'a jamais plu et Juliette Binoche, non plus. Juliette Binoche a eu beau safficher dans Playboy, elle était encore plus insignifiante que dans ses films, que dans les interviouves qu'elle donne à propos de ses films.
Dans Playboy, il y a quelques temps, quelques actrices m'avaient presque donné envie d'aller voir derrière leur peau étalée sur les pages glacées.
Vahina Giocante.
Ludivine Sagnier.
Lou Doillon.
Mes souvenirs sont flous. Vahina sur la Riviera et dans 99 francs, ses lunettes très sérieuses et sa coquinerie adossée à une porte-cochère ; Ludivine à quatre pattes, à califourchon et en bikini blanc, au bord d'une piscine, chez Ozon ; Lou en culotte rouge ou batifolant dans une baignoire sous la caméra dun Bronzé chauve.
Elles auraient pu être attirantes mais n'avaient pas d'oeuvres. Personne n'avait fait glisser sur leurs lèvres le gloss des mots les plus beaux. Personne ne les avait révélées dans l'ombre et les lumières de la caméra comme ces héroïnes qui ont fait, dans les années Mitterrand, mon éducation sentimentale.
J'allais vers mes quinze ans.
J'imaginais mes petites amoureuses avec la moue, les seins à croquer et les fesses rondes de Muriel Catala. Je jalousais les méduses mordant Valérie Kaprisky, le désir bat. Sous les jupes de filles, je pensais à Jeanne Goupil, poupée animée, je mémerveillais : « Laisse-moi regarderLaisse-moi admirerOh ! Jai jamais rien vu daussi beau !Cest à pleurer tellement tes belle » Je protégeais Kim Basinger dans le Bayou, Sean Young à l'arrière d'une Limousine et Ornella Muti, dans sa folie ordinaire. Je prenais des cours privés et pervers avec Elisabeth Bourgine. Marianne Basler, Anne Parillaud et Fiona Gélin, nues et échappées de navets oubliables, s'occupaient de moi. Je dégrafais, sous le chemisier de soie noire, la blanche attache du soutien-gorge de Gabrielle Lazure qui, de sa voix au timbre d'écume, me disait : "Je veux juste que tu m'aimes".
Je ne vais plus au cinéma parce que je prends le soleil, sur une plage perdue, avec miss K.
J'aime ses cheveux mouillés, ses yeux perdus dans le bleu Monory du ciel ou entre les lignes de We need to talk about Kevin de Lionel Shriver.
J'aime ses seins offerts aux rayons chauds, la pointe de ses seins durcis par la brise caline.
J'aime sa manière boudeuse de rentrer dans l'eau toujours trop froide.
J'aime la marque blanche que je devine, sous l'étoffe mouillée du bas de maillot de bain.
J'aime aussi ses soufflets de colère jalouse, quand elle m'en veut de trop parler de la beauté des actrices.

_ Qu'ont-elles qui te plaît tant ?
_ Elles ont ta grâce.

Elle n'est pas convaincue.

_ Je ne suis pas une de tes lointaines actrices oubliées.
_
Tout ce qui reste de la vie et des envies, c'est une jeune fille qui danse et un homme qui lui dit : "Je vais te regarder". Une jeune fille à la cigarette entre les lèvres, robe noire et dos nu, ses gestes précis et ses yeux, sa peau douce. Une jeune fille en fugue à Lisbonne, à Berlin, à Vienne, à Trouville, au Trez-Hir ou sur les rives du Lac Léman. Tout ce qui reste de la vie et des envies, c'est la silhouette en noir et blanc de Françoise Dorléac et c'est toi.

Je ne vais plus au cinéma parce que miss K., le jour et la nuit, sur les plages perdues et dans les bars dhôtel, est plus désirable qu'Alice Taglioni, en blonde, dans La bande du drugstore et qu'Alice Taglioni, en brune, dans Grande école.
Je ne vais plus au cinéma parce que les fesses de miss K. sont un présent plus précieux que le cul de Valérie Lemercier, dans Le derrière, et que le cul d'Eva Green, retirant sa culotte rosée, dans The dreamers.
Je ne vais plus au cinéma parce que les seins de miss K., ronds comme des pommes tentatrices, sont plus beaux encore que ceux d'Hélène Fillières dans Bord de mer, Un homme, un vrai et dans Mafiosa, série où, pourtant, je ne vois qu'elle, parée de sombre et de lunettes noires.
Je ne vais plus au cinéma parce que miss K., comme BB, Jacqueline Sassard, Romy et Marie-Hélène Breillat, est l'autre nom, de chair et de grâce, de la dolce vita

Texte paru le 21/03/2012 dans 6 SEMAINES AVANT L'ELECTION

1 commentaire:

Florence a dit…

Quel bel hommage, cher Arnaud, à toutes ces actrices - certaines oubliées, c'est vrai, d'autres éternelles, comme Françoise Dorléac - et bien sûr avant tout à votre Miss K. J'ai une petite réserve, mais elle toute personnelle, sur Sandrine Bonnaire, que je trouve, comme Pialat, "solaire",