lundi 5 mars 2012

En attendant l'heure d'été #1

Les mots étaient en rade, noyés dans le mauvais vin.
Les "plans de sauvegarde de l'emploi", cette délicate invention, commençaient à peser sur les corps.
Des femmes d'à peine cinquante ans, que je connaissais peu, s'en allaient un jeudi. Je l'apprenais le vendredi, à l'heure où les DRH avaient déjà fait livrer une couronne de fleurs.
Les mots ne revenaient pas.
Je regardais Louise, vacances achevées, réciter des chronologies latines et dessiner, sur son cahier, les corps de voleuses des héroïnes de Cat's eyes. Je regardais aussi, par la porte entrouverte, la peau de miss K, si belle endormie, le chat Pablo ronronnant sur la plus douce de ses courbes. Je tombais, au hasard d'une flânerie chez l'ami Leroy, sur un poème de Paul de Roux : Ménandre en avril.
Il y avait une jeune fille brune, dont les doigts érotiques tournaient les pages d'un livre, se saisissaient d'un crayon pour annoter le texte. Elle était assise sur un banc, parc Montsouris. Elle portait des lunettes noires. Elle prenait l'air, de la campagne, d'Athènes, des bords de mer peut-être. La jeune fille brune nous donnait envie d'attendre avec elle, ombre calme et mateuse, l'heure d'été.
Les mots s'étaient repointés, de bleu pâle et de soleil passé.

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