Une
préface fraternelle de Jerôme Leroy - « Le goût, le temps et
la mélancolie » - et des chroniques de Thomas Morales :
nous sommes en territoire connu et aimé. Il est vrai que ces deux
plumes nous enchantent de leurs mots, chaque ouiquende, sur Causeur.
On retrouve d'ailleurs dans Lectures
vagabondes des
textes de Morales lus ici, semaine après semaine. Délicatement
recueillis, ils prennent un nouvel envol, à la grâce toujours
efficace.
Leroy,
pour ceux qui ne connaîtraient pas Morales, n'ayant ouvert ni
Mythologies
automobiles
ni son Dictionnaire
élégant de l'automobile,
se charge des présentations : « Thomas
est affligé d'un double handicap presque rédhibitoire pour survivre
aujourd'hui : il est nostalgique et il aime le style. »
Thomas, on le comprend aisément, ne pourrait s'appeler Macron,
Morano ou Rebsamen. Il possède d'autres lettres de noblesse, qui
font de lui un descendant de Paul Morand – Mon
plaisir en littérature
- et de La
liberté de blâmer
de Renaud Matignon. Deux auteurs à l'honneur dans ses articles
buissonniers, avec tant d'autres dont on ne se lasse pas de tourner
les pages. Qui, aujourd'hui, évoque Creezy
de
Félicien Marceau, Jacques Perret ou encore Albert Cossery ?
Si
Morales est un homme de goût, il est surtout d'une élégance folle.
Il joue sur du velours côtelé, se grimant en critique littéraire,
dans un immonde qui ne lit plus, pour nous faire passer, en fraude
charmante, son idée de la dolce
vita
à la française. Selon les jours et les livres, il aime la vitesse
et la lenteur, les âmes damnées et les cœurs rouge vif, l'ennui et
les slows, les charmants petits monstres et les longues jambes des
actrices oubliées. Liste non-exhaustive. Il ne néglige ni la
poésie, s'y essayant avec talent, ni les dictionnaires chics. On
devine que le prix Nobel de littérature attribué à Patrick Modiano
a dû le réjouir. Il taquine Jean d'Ormesson, à la manière de
Bernard Franck griffant, dans « Grognards et Hussards »,
Jacques Laurent, Roger Nimier et Antoine Blondin. L'admiration,
parfois, ne déteste pas les pieds-de-nez.
D'un
écrivain l'autre, Morales esquisse surtout sa géographie intime et
universelle, où il cultive l'art de la fugue. Paris-Berry,
pour lui, est à la fois un petit bijou signé Frédéric Berthet et
la ligne claire de ses flâneries. Ça ne l'empêche pas de voyager
en Italie, sur une mélodie de Lilicub. A son retour, une chambre
l'attend à l'hôtel de la Plage, à Locquirec. Nous ne serions pas
surpris qu'il enlace la jeune Sophie Barjac, tandis que Mort Shuman
chanterait « Un été de porcelaine » et que, dans l'air,
flotteraient des volutes de Craven A.
Lectures
vagabondes,
finalement, n'est pas un recueil d'articles. Thomas Morales signe
bien plus le roman de « la
douceur des choses ».
Ce sentiment bizarre, si cher à Paul-Jean Toulet et incompréhensible
à beaucoup, que Morales éclaire d'une fulgurance : « Juste
partager trois minutes de bonheur, voire plus si affinités. »
Mission accomplie, Thomas.
Thomas
Morales, Lectures
vagabondes,
La Thébaïde, 2014
Papier paru sur Causeur.fr, novembre 2014
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