dimanche 13 juillet 2014
Flâneries figaresques : Krug, Régine, Punk, Méditerranée, Fès, Oiseaux de nuit ...
Depuis presque un an, Bertrand de Saint-Vincent et François Aubel nous invitent, de temps à autres, à déambuler dans quelques soirées, ici et là, et à poser nos mots dans les pages Culture du Figaro. Voici nos dernières flâneries. Ca, c'est du grand reportage ...
Krug sentimental
Le 2 avril, célébration de Krug Grande Cuvée
Les bulles rendent heureux. Quand il s'agit de Krug Grande cuvée, le doute n'est pas permis. Jean-Pierre de Lucovich comparait la marque à un « club privé » : « le cercle des Krugistes célèbres comprend Paul Morand, Alec Guiness, Jackie Onassis, Mort Schuman et Ernest Hemingway qui buvait deux bouteilles de son champagne favori chaque matin au bar du Ritz. » Ne pas oublier John Le Carré qui, après la publication d'un de ses romans, s'est vu offrir un magnum par Rémi Krug.
Dans le lobby marbré du London Edition, les journalistes étaient au rendez-vous. Hemingway, jamais sans son verre, s'en serait donné à cœur joie. Une grande blonde prenait des mines de Marilyn. Les Français, à leur habitude, étaient légèrement canaille. Un air de Valls ? La politique n'incite guère au sérieux. On en apprenait de belles sur certains anciens ministres. Nous n'ébruiterons rien. Guest stars, Ole Hansen, fumeur de saumon, et Alex Probyn, Maître de thé, ont présenté leur art. Les écoutant, l’œuvre d’Éric Lebel, maestro de Krug Grande Cuvée, apparaît dans tout son génie. L'élaboration d'un flacon nécessite plus de vingt ans de travail et l'assemblage de 142 vins. Nous pensons à la « Blue Note », cette quête sans cesse réinventée, par les jazzmen, de la note parfaite.
Alors que la nuit tombe, les filles brillent en robe et stilettos assortis ; les hommes arborent smoking et cravate. Une performance musicale, autour du « Sacre du printemps » interprété par le London Philarmonia Orchestra, est un enchantement de saison. Sous le charme, Maggie Henriquez, PDG de Krug, livre une anecdote : le péché mignon de Madonna est le Krug rosé, qu'elle boit le matin en mangeant des frites. Chacun ses goûts douteux. Nous préférons le déguster à la lumière tamisée des bougies, au marché couvert de Shoreditch. Le chef Greg Marchand – son Frenchie fait fureur à Paris – a imaginé un menu de haute tenue. Un foie gras royal aux cerises sauvages caresse les papilles. La soirée sera longue et délicate en bouche : Krug rosé, Krug Clos du Mesnil, Krug Vintage 2000 et Krug Grande Cuvée. Séverine, notre voisine de table au diamant ancré au cœur du cou, nous souffle les mots parfaits pour suspendre le temps : « Krug sentimental ». Nous n'aurions pas dit mieux. Il y a des mélodies qui ne ne sont pas prêtes de s'achever.
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Danse avec Régine
Soirée guinguette au Balajo
Au dernières nouvelles, Régine voulait représenter la France au concours de l'Eurovision. On comprend mieux pourquoi de nombreux sosies de Conchita Wurst nous accueillent. L'une d'entre elles, en robe rose bonbon, s'exclame : « La première femme à barbe, c'était moi ! » Il serait malpoli de la contredire. Derrière le bar, les serveuses savent attirer l'attention. On pense à une publicité fameuse : « Regardez-moi dans les yeux ... » Coquetèles Hemingway – Rhum, Pamplemousse, jus de citron - et vodka-red bull ont la cote. Sur la piste, Régine esquisse des pas de danse. Sa belle idée : célébrer le guinguette, un lundi par mois, au Balajo. En rousse et noir, elle flamboie, nous glisse qu'elle retrouve l'atmosphère de ses 15 ans, quand les femmes venaient s'encanailler après le marché. Chanteurs et chanteuses se succèdent sur scène. L'accordéon donne le tempo, Piaf est reprise. Quel est ce garçon au foulard rouge autour du cou ? Un taxi boy. C'était le titre de l'unique film réalisé par Alain Page, au milieu des années 80. Pour une modeste somme, il fera valser dames et demoiselles jusqu'au bout de la nuit. L'un des charmes de la soirée : les enfants sont venus avec leurs parents. Les uns quêtent leurs souvenirs perdus ; les autres s'en créent pour les lendemains de gueule de bois. Le temps de quelques volutes, Lisa et Anne, brunes inséparables, nous confient qu'elles espéraient plus de « people ». Il suffisait de le dire pour tomber sur Michou. D'un souffle las, il murmure : « Nous sommes les derniers dinosaures ! » Laura Smet, paraît-il, est passé. Nous l'avons manquée. Bernard de La Villardière, lui, est bien présent, hésitant à enflammer le dancefloor. A 23h30, la voix de Régine retient la nuit. Les vivas saluent La Grande Zoa et Les Petits papiers. La diablesse est aux anges, malgré la fatigue que quelques coupes de champagne éloigneront. Une apparition suspend notre départ. Zahia ressemble à la plus délicate des poupées. Elle allume une cigarette fine comme sa taille et ses attaches, nous en offre une. De belles âmes veillent sur elle. Sa table est convoitée par tous. Faut-il prendre rendez-vous ? Non. Accroupi à ses côtés, prenant garde à la douceur des choses, il nous reste à écouter Fly me to the moon. Régine, Sinatra, Zahia : Paris est toujours une fête.
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Déjeuner de soleil
Le prix Méditerranée tient salon à la Closerie des Lilas
Nous avons craint le pire. Sous la verrière de la Closerie des Lilas, le soleil tapait davantage que le vin, qui tardait à être servi. Les remerciements des lauréats ont duré des plombes. Premier à s'exprimer, Lorant Deutsch, Prix du livre incorrect, a fait la promotion de son prochain film. Dans les rangs, des silences et quelques rires. Étions-nous à la cérémonie des Césars ou sur la croisette ? Le doute était permis. Emmanuelle Béart, charmant coup de vent, passait d'ailleurs embrasser son père, Prix Nikos Gatsos. Micro en main, Guy Béart ne s'arrête jamais. On n'a pas bien compris ce que François Hollande, « le plus honnête des socialistes », venait faire dans son discours fleuve. Encore une référence cinématographique, peut-être. Abd Al Malick, prix Spiritualités d'Aujourd'hui, a vanté « la tolérance », « les identités mosaïques » et le « partage d'humanité ». Tout le monde était beau, tout le monde était gentil, à l'image de François Pérol, mécène du Prix. Il a déclaré sa flamme à Javier Cercas, qui lui a répondu : « Je suis ivre, mais pas que de champagne. » Michel Delpech, également lauréat, n'a pu se déplacer, souffrant. Nous n'aurions pas été contre une ritournelle : Le chasseur ou Pour un flirt ? Patrick Poivre d'Arvor, à son habitude, faisait des jaloux. Il avait la meilleure place : face à Gérard de Cortanze, primé pour L'an prochain à Grenade, et à la droite de la romancière Léonor de Recando. Jolie brune aux bras nus et au sourire qui adoucit les mœurs, elle s'est vue attribuer un prix spécial. Sans l'avoir lue, nous ne doutons pas de ses qualités. D'un carpaccio de Saint-Jacques aux fraises à un poulet fermier, plats et convives ronronnaient. Les verres se remplissaient enfin ; les langues se déliaient. Jean-Jacques Bedu, Délégué Général du Prix, annonçait la parution de Moi, Empereur du Sahara. Nous tenions un scoop : une danseuse étoile, qui fut carmélite pendant dix ans, se proclamait « l'épouse de Jésus ». Bruno Nougayrede, lui, racontait son récent rachat des éditions du Rocher. Il saluait la mémoire de Jean-Paul Bertrand, parlait du prochain roman de Patrick Besson. Carla Bruni, d'un coup, était sur toutes les lèvres. En août, elle sera entre les mains des lecteurs. Au café, on nous a promis qu'Hervé Vilard allait chanter. Nous n'étions pas dupe. Capri, c'est fini depuis longtemps.
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Punk pas mort
Alain Gardinier signe au Monte-en-l'air
Le Monte-en-l'air sait se faire désirer. Cachée derrière l'église de Ménilmontant, la librairie paraît à l'autre bout du monde. A peine arrivé, nous nous retrouvons d'ailleurs à Mont-de-Marsan. Retour vers le futur ou No future ? La question n'est pas permise. Le premier festival punk de l'histoire s'est tenu, en 1976, dans la préfecture des Landes. A l'affiche : The Police, The Jam, The Clash, the Damned, sans oublier Bijou ou Little Bob Story. Avec Punk sur la ville, Alain Gardinier célèbre l'événement en textes et en images. Ancienne plume de Rock & Folk, il connaît la chanson comme personne et signe des exemplaires sur le couvercle d'une poubelle municipale. Ses amis sont au rendez-vous, sifflent des bières. Parmi eux, des visages familiers : Jackie Berroyer, Elliot Murphy ou le leader des Avions, Jean-Pierre Morgand. On n'a pas oublié « Nuit sauvage », tube millésimé été 86. Tina, mademoiselle Gardinier, aurait pu le reprendre d'une voix léoparde, en accord avec le motif de ses escarpins. Elle a préféré chanter un titre en anglais pour fêter les deux ans de son fils. Un absent de marque : Jean Le Gall, boss d'Atlantica. Son mot d'excuse indique qu'il travaille sous le soleil d'Italie. Il nous a laissé entre de jolies mains. On remarque la présence de l'éditrice Éléonore de La Grandière. Sa maison se nomme Daphnis et Chloé. On ne fait pas plus charmant. Slavka, fume-cigarette et volutes aux lèvres, converse avec le romancier Stéphane Guibourgé. Il publie, en août, Les fils de rien, les princes, les humiliés, texte de grand style sur la dérive d'un skinhead parisien. Stéphane constate que le punk, aujourd'hui, se reconnaît surtout au port du perfecto. Les épingles à nourrices, elles, ne font plus partie du dress-code. Tout se perd. Sylvie, longue brune à la pointe d'accent basque, a l'art d'écarter en douceur les importuns. Ne pas trop exagérer tout de même. Tandis que la voix de Johnny Rotten secoue les enceintes, Alain Gardinier nous invite à un after singulier, deux jours plus tard : « Viens chez nous ! Ça se passe à Guéthary ! » Jean Le Gall sera revenu d'Italie. Le DJ s'appellera Frédéric Beigbeder. Frédéric Schiffter, le plus chic des philosophes, posera quelques aphorismes sur des riffs saturés. Le fantôme de Pacadis fera-t-il une apparition ? C'est certain : « Punk is not dead ! »
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Oiseaux de nuit
Le festival « Musiques sacrées du monde » a 20 ans
L'automobile, à Fès, est un sport à haut risque. On s'en est sorti à coups de klaxon, juste à temps pour assister à la soirée inaugurale. Bab Al Makina, la foule se presse à ciel ouvert. Malgré la chaleur, les garçons n'ont pas tombé la veste de smoking. Lin et espadrilles ont notre préférence. Les filles, elles, auraient plu à François Truffaut : « Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie. » Un cortège de limousines fait son entrée. Les services de sécurité écartent un petit chat noir du tapis rouge. SAR la Princesse Lalla Salma apparaît. Elle préside l'ouverture du Festival, est ovationnée. A-t-elle apprécié « Conférences des Oiseaux », beau spectacle mis en scène par Thierry Poquet ? Le lendemain, au musée Batha, Rokia Traoré enchante l'après-midi. A côté de la scène, Dounia, Rémoise de Liège, ondule sur les rythmes électriques de l'artiste malienne. On la retrouve, le soir, Bab el Makina. D'un éclat de rire, elle fait oublier le récital de Roberto Alagna. Le maestro a fait court, avec entracte ; c'était pourtant trop long. Au Palais Farraj, que dirige l'élégant Khaled Souli, des musiciens interprètent « Zina », tube marocain de l'année. Dounia boit du champagne rosé et fume une Camel, dont les volutes parent sa peau et son caraco caramel. En l'écoutant, on repense aux mots d'Abderrafia Zouitene, Directeur de la fondation « Esprit de Fès » et de l'Office National Marocain du Tourisme : « Je souhaite ancrer davantage le festival dans la ville, que la population se l'approprie dans un esprit de fête et de culture, comme elle s'appropriera, à Rabat, le grand théâtre conçu par Zaha Hadid. » Alors que Dounia évoque la Maison Blanche, « plus belle table de Fès, donc du Maroc », le propriétaire des lieux nous rejoint. Nous sommes invités à une visite privée du restaurant. Il y a quelques mois, Mick Jagger a dîné à la Maison Blanche. Une idée : inviter les Rolling Stones, l'an prochain, en ouverture du Festival. On imagine Mick chanter « Memory Motel », la chanson des oiseaux de nuit, Bab Al Makina. La jeunesse de Fès sera au rendez-vous. Abderrafia Zouitene appréciera, Dounia dansera encore. Notre place est déjà réservée.
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