dimanche 5 janvier 2014

Devoir de mémoire - Schnock #9



Pour découvrir, la veille de sa parution, le numéro 9 de Schnock, il fallait braver le froid et les artères tortueuses de montparnasse. Au téléphone, un ancien lauréat du prix Renaudot sest improvisé GPS, tout en nous parlant de Pacadis et Robert Malaval. Arrivé à la librairie Libres Champs, sise rue le Verrier, on a remercié notre ami. Il nous tardait de feuilleter la dernière livraison du « mook » des rédacteurs en chef Laurence Remila et Christophe Ernault, alias Alister, chanteur de charme. La couverture, illustrée par Erwann Terrier, tape immédiatement dans loeil. Après Marielle, Jean Yanne ou Gainsbourg, Coluche saffiche à la Une. Sur un fond fuchsia, il nous adresse un bras dhonneur : « Cest pas plus mal que si cétait pire ! » La citation est datée de 1977. Notre président normal ne dirait pas mieux aujourdhui. A lintérieur de la librairie, des piles de Schnock sont prises dassaut. Curieux et afficionados se mêlent. Les curieux ont vu de la lumière, des amuses-gueules et des bouteilles de Suze : ils sont entrés. Une grande blonde, parée dun drôle de bonnet vert, sinterroge : « Mais qui lit cette revue ? » Les afficionados répondent : « Les Vieux de 27 à 87 ans. » Sur le héros de Tchao Pantin, les discussions sont animées. Mathieu Alterman, auteur dun saignant « Livre noir de Coluche », remet quelques pendules à lheure. Coluche nétait pas que le Mandela des « Restos du coeur ». Fred Romano, lune des dernières compagnes de lhumoriste, se rappelle le joint quelle a failli partager avec François Mitterrand. On se souvient de son récit dexcès et de tristesse : Le Film pornographique le moins cher du monde. Mais il ny a pas que Coluche dans la cuvée de décembre de Schnock, la plus addictive des revues. Laurent Chalumeau nous offre « Une certaine idée de la Marie-France », chanteuse et égérie des seventies. Maud Guillemin réchauffe lair en ressuscitant les starlettes. Matthias Debureaux remonte à la surface un « trésor caché »: A.A. (Ariane Aragon), signé Patrick Thévenon. Surtout, sous le titre « Salut les coquins ! », une vingtaine de pages de Paul Gégauff, âme damnée de Chabrol et Rohmer, rafle la mise. Initialement paru dans Lui en janvier 1971, le texte est un festival de fusées vachardes sur la Nouvelle vague : « Rivette, cinéphile et rien que cela, vierge à trente ans, crut découvrir la vie par le truchement du Petit livre rouge. » Poignardé une nuit de Noël, il y a tout juste vingt ans, par sa jeune épouse, Gégauff nest pas prêt de nous quitter. Les guest-stars de Schnock ne meurent jamais.
Texte paru dans Le Figaro, décembre 2013

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