jeudi 26 avril 2012

A l'ombre des jeunes filles en short


L’été, décidément, se fait attendre.
L’été me manque.
L’été, c’est souvent les bords du Lac Léman, comme dans un roman de Modiano.
L’été, c’est le soleil sur le balcon de la Villa familiale et sur la plage des Mouettes, l’ombre en terrasse de l’hôtel des Cygnes.
L’été, c’est la goutte d’eau douce qui caresse le grain de beauté entre les seins de miss K.
L’été, c’est Christophe chantant la Dolce vita, Sébastien Tellier nous invitant à déguster des Pépito bleus.
L’été, c’est les verres de rosé à l’heure de suspendre le temps, pas n’importe quels rosés : L’apostrophe de Jean-Christophe Comor, L’Anglore d’Eric Pfifferling ou L’Avis de vin fort de Catherine et Pierre Breton.
L’été, c’est ne rien faire, c’est-à-dire griffonner quelques mots sur un carnet Moleskine, paresser et lire Physiologie des lunettes noires, Traité des élégances, I ou Une fille pour l’été.
L’été, justement, c’est les filles, les jeunes filles, leur peau hâlée, leur caraco, leur haut de bikini, leur short en jean révélant de longues jambes où se lover. Il pourrait s’agir d’Eva Amurri allongée sur le bureau de Hank Moody dans Californication. Il s’agit surtout de la délicieuse anonyme posant, de dos, sur la couverture de Diane et autres stories en short, recueil de nouvelles de Christian Laborde.
Je tourne les pages de Diane, j’y retrouve la même grâce érotique que dans L’Os de Dionysos. Laborde est à l’assaut des émotions, il caresse et, sculptées par sa langue, apparaissent des héroïnes qui, toutes, portent un short, dont elles se parent ou qu’elles font glisser, avant, pendant, après l’amour. Il y a Rita, qui s’offre à son amant dans un grand appartement avec vue sur la mer ; Anne, qui aime les jeux coquins de Ladislas ; Lucie, lectrice de Carver, qui s’appelle aussi Luce, quand le désir se monnaye ; Laetitia, sensuelle comme une Lolita gainsbourgeoise découvrant le plaisir entre les cuisses d’une nageuse bronzée ; Irène, volleyeuse craquant pour la mousse au chocolat ; et Diane, bien sûr, Diane aux paupières bleues, Diane aimant Sagan et Paul-Jean Toulet, Diane en maillot de bain, Diane nue, Diane apeurée.
Je tourne les pages de Diane et autres stories en short, tout est beau, chaud, sexy : l’été est enfin là.
Christian Laborde, Diane et autres stories en short, Robert Laffont, 2012

dimanche 22 avril 2012

Pause fin de la terre


Avec Miss K, Louise et le chat Pablo, on va partir quelques jours fin de la terre, face à la mer. Envie de l'écume, du sable, de cette couleur du ciel, de bleu et de gris mêlés qu'on ne trouve que là-bas. Envie aussi des fruits de mer de La Maison de l'Océan, sur le port de commerce de Brest. Même si les vins ne seront pas ceux que je bois au Jeu de quilles (rue Boulard), au Cornichon (rue Gassendi) ou que j'achète à la Cave des papilles (rue Daguerre).
Avant, Miss K et moi avons voté, dans cette école primaire, rue Sarrette, où j'emmène Louise tous les jours, une semaine sur deux. Le bulletin dans l'enveloppe : Mélenchon, évidemment. J'aime presque tout chez l'homme du Font de gauche, ce qui est beaucoup, et j'aime encore plus ce que lui reprochent les corniauds et larbins du jour : accepter une invitation de Buisson, déjeuner avec Guaino comme, hier, on lui reprochait de serrer la main, au Parlement européen, de Marine Le Pen et de prendre un café avec Rachida Dati, toujours très sexy parée de noir et de bottines rouges. C'est toujours la même rengaine dégueulasse des "Didier Dénonce" de tous bords, ça me rappelle ceux qui, sans cesse, me reprochaient d'aimer ADG, Limonov avant Carrère, Drieu ou les Hussards ET Aragon, Vailland, Sagan et Frédéric Fajardie. Quand j'aime les mots, le style, une certaine idée de l'élégance, je ne demande jamais la carte d'électeur de mon camarade de plaisir avec de tchiner.
Les mots, le style, une certaine idée de l'élégance : je pense à Roland Jaccard. Fin de la terre, où m'attendent déjà des poèmes de Bukowski et de Paul Morand, je vais lire Roland Jaccard. Je charge mon sac des livres de Roland. Ca ne pèsera rien : tout, chez lui, n'est que légèreté et dilettantisme classieux. Ses titres, déjà, sont un enchantement :
L'ombre d'une frange
Flirt en hiver
Ce que Mélanie Klein a vraiment dit
Une fille pour l'été
Journal d'un homme perdu
Journal d'un oisif
Le rire du diable
La tentation nihiliste
Le cimetière de la morale
Je prends tout, je piquerai au hasard des phrases, je noterai ses fulgurances dans le désordre de l'envie. Je guetterai aussi, mercredi, son billet dans le dernier numéro de l'hebdo éphémère de Pajak : 1 SEMAINE AVANT L'ELECTION. J'y signe un texte - A l'ombre des jeunes filles en short - où je parle de l'été, de la peau et de Diane et autres stories en short de Christian Laborde. Il y aura également, toujours, Schiffter, Noguez, Olivia Resenterra, Beigbeder et la fin de L'envoyé spécial, le roman feuilleton extra de David Di Nota.
Avec Miss K, Louise et le chat Pablo, les quelques jours fins de la terre seront la plus belle des fugues.

mercredi 18 avril 2012

Plan de sauvegarde de la mélancolie


Dans le couloir des éditions du Globe, personne.
Il est 11 heures.
J'ai l’esprit encore sous le soleil pâle d'un long ouiquende amoureux en bord de mer, toujours dans les bras de Miss K, dans le parfum de ses cheveux, mes mains sur ses seins, à l'ombre douce de ses lèvres. Dolce vita, corps mêlés, temps retrouvé.
Avant de m’installer à mon bureau, je passe chercher à l'accueil La recherche du temps perdu, adaptée en BD par Stéphane Heuet. Il avait été question, un temps, de lancer une collection autour des classiques de la littérature en version illustrée. Ca traînait.
Dans les escaliers, Michel, responsable de la division courtage des éditions du Globe, cette vieillerie marketingue qui envoie dans les zones défavorisées de France des commerciaux dépouiller un peu plus des ménages déjà surendettés. Michel fait une drôle de gueule.

_ Tu as loupé la réunion avec Cathy.
_ Quelle réunion ?
_ Elle a annoncé que le plan social était lancé.
C'était prévu, tellement prévu que, ces dernières semaines, je recevais des coups de fil m'annonçant déjà la nouvelle.
_ J'ai appris qu'il y avait un plan social chez vous. Ca ne doit pas aller fort. Pouvez-vous me dire si un chef de produit, un responsable des ventes, un assistant achat se retrouvent sur le marché ? Ces profils-là sont très recherchés.
Je riais. Depuis quelques mois, je ne faisais plus grand chose. Les actionnaires italiens avaient décidé de geler la plupart des projets. J’arrivais très tard, je partais très tôt. Ca me convenait parfaitement. J’en profitais pour regarder des films de Rohmer, flâner dans les rues, griffonner quelques mots en terrasses. L’inaction, décidément, est la plus douce des vies.

***
Le lendemain, Cathy organisa une nouvelle réunion. Elle était accompagnée de Francky, son bras droit, pitbull trop serré dans son costume rayé de chauffeur UMP.
En bonne DRH, Cathy devait annoncer les postes supprimés. Elle était vêtue d’un tailleur noir, sa manière d’afficher son deuil avant la mise à mort. Depuis sept ans que je la voyais, elle avait sacrément grossi. Le régime cortisone, sans doute. Cathy, pourtant, avait dû être une jolie femme. Grande blonde à l’oeil coquin. Dans les sauteries de fin d’année ou de présentation des résultats du groupe, quand le mauvais champagne lui vrillait le cerveau, elle jouait volontiers de son charme fâné. Elle passait ses mains dans le cou des derniers arrivants, faisait des confidences aux plus anciens :

_ Quand j’étais jeune, j’allais tous les ans au Carnaval de Rio. Je dansais nue sur un char. Je dansais comme une folle et je plaisais beaucoup aux beaux brésiliens.

Je fais semblant de la croire, lui resservait une coupe.

_ Tu devrais nous montrer, Cathy. Ton art de la samba. Tu montes sur une table et tu mets le feu à la soirée.

Elle rougissait, riait en rejetant sa tête en arrière, s’éloignait. Fin de la parade sexy. Elle tenait ensuite son rang auprès du pédégé, un dandy italien qui s’ennuyait quand les chiffres prenaient trop de place. Il aimait Pasolini, Moravia et les films noirs américains. Il détestait Cathy.
_ Tu sais comment je l’appelle ?
_ Non ...
_ La putana ! Elle a toujours su faire ce qu’il fallait pour plaire à toutes les directions.

Avant d’annoncer à la trentaine de salariés réunis devant elle que tous les postes étaient supprimés, que la division n’existerait plus, Cathy n’avait cessé, les mois précédents, d’assurer que tout allait plutôt bien. Il en fallait pas s’inquiéter. Tout le monde travaillait très bien. Elle se sentait proche de chacun. Les éditions du Globe étaient une grande famille. Elle était un peu notre mère à tous. Elle veillait sur la plus sympathique et talentueuse des équipes. S’il y avait des bruits de couloir, ce n’était que médisances. L’autre division par contre, celle de l’étage, ne pas le répéter surtout, avait du soucis à se faire. Dans le discours de Cathy, ça sonna bizarrement :
_ Comme vous le savez, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, les  résultats sont très mauvais. Il a fallu prendre des décisions douloureuses. Mais une entreprise, et les éditions du Globe sont une entreprise comme les autres, a des comptes à rendre à ses actionnaires. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.

Je regardais Cathy, en souriant. J’avais envie de couper sa langue qui, des mots, ne connaissait rien.
_ Tu racontes des bêtises, Cathy.

Elle s’énerva, maniant la colère comme elle maniait la séduction, excisée de toute élégance.
_ De quel droit te permets-tu ? Ton attitude n’est pas la bonne. Nous devons tout faire, ensemble, pour que la situation soit la moins difficile possible, que les choses ne s’éternisent pas.

Je me suis permis de lui dire que les résultats de l’entreprise étaient bons, que le groupe avait dégagé des bénéfices importants dans l’année. J’ai rigolé en lui faisant remarquer que les licenciements, désormais, étaient nommés des « plans de sauvegarde de l’emploi ». Je lui ai assuré, en me levant pour m’en aller, que la situation, au contraire, allait être de plus en plus difficile et que les choses allaient durer.
***
Alors que je quittais la salle de réunion, Cathy dit qu’il fallait prendre l’annonce qu’elle venait de faire avec calme, qu’elle restait là, en permanence pour chacun, qu’elle voulait être une aide, un soutien et, surtout, que, dans une vie professionnelle, il était écrit que chaque salarié connaissait un « plan de sauvegarde de l’emploi. » Pointe d’humour finale, elle précisa :

_ La bonne nouvelle, c’est que, ayant à vivre maintenant un « plan de sauvegarde l’emploi », vous ne revivrez plus cette épreuve avant longtemps...
Une fille éclata en sanglots, puis fixa Cathy :
_ En deux ans, c’est le deuxième que tu nous annonces.
Cathy ne sut pas quoi répondre. Je le fis pour elle, revenant quelques secondes dans la salle :
_ Rappelle-toi, Cathy. Tu avais annoncé la suppression de soixante postes, avec légèreté. Puis, à la fin, tu avais laissé couler une larme en nous disant que ce qui te touchait le plus, c’était le départ de Brigitte Canossa, la pédégé des éditions du Globe, après dix ans de si bons services. Son mandat n’avait pas été renouvelé par les actionnaires et, sans doute, ses indemnités négociées allaient la jeter à la rue, sur un carton, au milieu des SDF.

Je crois que mon sourire, définitivement, ne plaisait pas à Cathy.

dimanche 15 avril 2012

Coquetèle Weyergans


Quand l’air du temps pèse, une échappée possible : lire François Weyergans.
Sa réputation étant connue – il serait paresseux, dilettante, adepte de Jean-Luc Delarue, toujours en retard -, il est souvent plus facile de le relire, dans l’attente d’un nouveau texte annoncé, qui traîne, qui vient pourtant d’arriver. Sept ans après Trois jours chez ma mère, prix Goncourt 2005, Weyergans publie Royal Romance, une histoire d’amour triste, de flâneries, de spleen et d’humour léger comme un entrechat de ballerine.
Royal Romance devait s’appeler Mémoire pleine, clin d’oeil aux smartphones qui renferment les messages des amants, les rendez-vous clandestins, les désirs, les peurs. Sur le dernier jeu d’épreuves, Weyergans a finalement choisi, comme titre, le nom du coquetèle préféré de Justine, l’héroïne de son roman. Un coquetèle dont la composition met l’eau à la bouche : moitié Gin, un quart Grand Marnier, un quart fruits de la passion, un soupçon de grenadine. Justine, qui n’aime boire que ce délicat breuvage, le fait découvrir à Daniel Flamm, double parfait de Weyergans. Justine est une jeune actrice en quête de rôles ; Daniel, un écrivain vagabond et élégant, amateur de beaux papiers, obsédé  des femmes fugitives. Justine dit : « Tu m’appelleras ta petite garce, ça ira très bien avec ma robe rouge » ; Daniel, lui, répond à côté : « Parfois, je m’interdis de sortir dans la rue pour m’empêcher de croiser des femmes avec qui je voudrais passer la soirée, la nuit, une semaine, ma vie, en ayant la prétention de croire – laissez-moi leur parler – qu’elles seraient d’accord. »
L’art très dandy de la digressionIls se sont rencontrés dans une librairie de Montréal. Ils se retrouvent au Reine Elisabeth, un hôtel de luxe. Ils se baladent, au cœur des montagnes, dans des voitures de location. Il y a d’autres hommes dans la vie de Justine, d’autres femmes dans celle de Daniel, des enfants également. Entre le Québec et Paris, avec détours par Berlin et l’Alsace, ils mêlent leurs corps et leurs sentiments, s’envoient des milliers de sms et des cassettes enregistrées, font monter l’excitation en regardant des films pornos, jusqu’à la lassitude des années et de la proximité. Tout ça risque de mal finir : l’amour, on le sait, est un chien de l’enfer.
Il arrive que Weyergans soit comparé à Woody Allen. Pourquoi pas : le Woody Allen de Whatever works et son interprète Larry David, dépressif classieux se moquant du monde et tombant sous le charme de la très jolie Evan Rachel Wood.  Weyergans, surtout, et de plus en plus, fait penser à Bernard Frank. Ses romans, ses histoires d’amour, sont le prétexte à un art de la digression qui ressemble à une vie douce. Dans Royal Romance, il y a Justine bien sûr. Il y a aussi la joie ambiguë de la lecture des journaux, la Neuvième Symphonie de Beethoven, des théories sur le sel et les emplois fictifs, le questionnaire de Beck, l’ombre du crabe et des chutes fatales, Arcane 17 d’André Breton, des films russes et des fulgurances sculptées avec détachement : « Raconter un drame aide-t-il à vous en libérer ? Bien sûr que non, bien qu’on nous fasse miroiter le contraire. On aimerait que ce soit comme ça, on aimerait être délivré, mais se souvenir est une horreur. Même quand la mémoire vous rend heureux, elle vous rend triste […] On a beau revenir en arrière, on ne peut plus rien changer. On y voit sans doute un peu plus clair, mais à quoi bon y voir plus clair quand c’est trop tard ? »
C’est, à l’heure du formatage généralisé des mots, un de nos derniers plaisirs : l’envie de noter dans un carnet chacune des phrases de Weyergans.
François Weyergans, Royal Romance, Julliard, 2012
Article paru dans Causeur magazine, avril 2012

mercredi 11 avril 2012

Quand tu me parles de Gégauff ...



« QUAND TU ME PARLES DE GEGAUFF, J'IMAGINE HANK MOODY, LE HEROS DE CALIFORNICATION. IL EST ECRIVAIN ET
SEDUISANT, ALCOOLIQUE ET PARESSEUX. IL QUITTE SA MAISON SUR LA PLAGE POUR UNE SUITE AU CHATEAU MARMONT. IL
COUCHE AVEC DES ETUDIANTES ET DES ACTRICES, PUIS REVIENT CHEZ LUI PLEURER SUR L'EPAULE DE SA FEMME. »

Hank Moody Blues


Un matin d’avril, la tête encore dans les saveurs infinies des vins bus la veille au Jeu de quilles avec miss K et un ami poète du monde d’avant, tu as envie de t’évader des rues de Paris, envie d’une ville de province, de soleil et de bords de mer. Tu pourrais fuguer quelques jours au Flaubert à Trouville, par exemple. Tu peux aussi regarder des épisodes de Californication et laisser infuser cette sensation de paresser sur une plage de Malibu.
Un matin d’avril, pour fuir le ciel trop gris, ton plaisir est une cavale sur la côte ouest américaine, par la grâce d’une série bukowskienne, hilarante et mélancolique dont le héros, clin d'oeil au grand Chinaski, est écrivain et s'appelle Hank Moody.
Imaginé par Tom Kapinos et interprété par David Duchovny, Hank porte des lunettes noires, en élégant dégueulasse pas rasé. Il dérive dans la chaleur de Los Angeles. Il n'arrive plus à écrire, fait le nègre, griffonne sur le ouèbe. Il traîne dans les restaurants chics, les bars de nuit et les clubs de strip-tease. Il voit dans le sexe la plus exquise des fuites, entre alcool fort et farniente enfumé, avant la déroute finale. Il devient professeur pour goûter aux charmes de jolies étudiantes et de belles enseignantes avec lesquelles il couche pour ne pas avoir à inventer d'histoires. Il bâcle le scénario d’un film trash pour goûter aux charmes d’une starlette en fleur, dans une suite du Château Marmont.
Hank baise comme il boit, trop : pour oublier, pour se souvenir.
Oublier que sa femme s'en va ; se souvenir que, avant les pages blanches, il avait une sacrée papatte ; oublier que sa fille pense qu'il ne l'aime plus ; se souvenir de La fêlure de Fitzgerald ; oublier la gueule de bois des hiers et les lendemains de défaite ; se souvenir qu'il n'est pas impossible de tomber amoureux de la plus sensuelle des apparitions, qu’elle se prénomme Karen, Mia, Jackie ou Félicia.
Un matin d’avril, alors qu’un vieux spleen de Hank Moody se pointe, tu regardes Californication, les courts épisodes des quatre saisons à la suite comme tu lirais un roman rapide, drôle et triste. Daimler s'en va de Frédéric Berthet, Royal Romance de François Weyergans, La femme de Pierre de Régnier ou, autre genre, Plan social de François Marchand.

Paru dans 3 SEMAINES AVANT L'ELECTION, le 11 avril 2012

Le vent violent


Il est agréable, parfois, de se souvenir de ce bon Joseph Staline. Il ne fallait pas trop le titiller sur la démocratie : elle était populaire, ou elle n’était pas. Il s’inquiétait plutôt des belliqueux tapis au Vatican. On pourrait toutefois, aujourd’hui, reformuler sa vieille angoisse : la démocratie, combien de divisions ? La réponse qui s’impose : Moody’s, Standard and Poor’s, Fitch. A cette démocratie-là, disons que je préfère la possibilité des îles. A Ouessant, dans quelques jours, il y aura le vent violent, un soleil pâle, des volutes et du vin blanc, des fruits de mer, une jeune femme brune, l’amour au balcon de l’écume et Le toit des autres de Paul Gégauff, éditions de Minuit 1952. Tout ce qui me plaît, vie douce loin de l’immonde.

Paru dans 3 SEMAINES AVANT L'ELECTION, le 11 avril 2012

mercredi 4 avril 2012

Des lèvres de mélancolie qui quêtent le beau


A l’heure des petits et des grands journaux, des comiques ta mère et des « On n’demande qu’à en rire », le rire a du plomb dans les ailes.
Le rire est lourd, le rire pue, idiotie utile de larbins aux ordres de l’absence de talent.
Au rire, je préfère le sourire : des lèvres de mélancolie qui quête le beau.
Le sourire est le rire blessé des tristes temps où nous vivons. Le sourire appartient à l’intimité du temps des copains et des belles apparitions. Il s’accorde à l’été indien, aux lunettes noires, aux terrasses - celle du Jeu de quilles rue Boulard ou chez Casimir rue Belzunce -, à un Cheverny blanc – Les Acacias – ou rouge – Les Ardilles - de chez Villemade, aux gestes câlins, aux envolées sur les socialistes utopiques, les maisons dans les films d’horreur ou les poèmes de Paul-Jean Toulet, aux derniers verres à la santé de la lune.
Le sourire, on le voit, contrairement au rire, est l’éclat d’âme des ultimes rejetons de la dolce vita.

Dans 4 SEMAINES AVANT L'ELECTION, l'hebdo éphémère de Frédéric Pajak, je réponds à la question : "Qu'est-ce qui vous fait rire ?" J'en profite pour parler du sourire. Et je me dis qu'il est agréable de poser quelques mots élégants à côté des amis Jaccard, Schiffter, Ficat, Noguez et Di Nota. 4 SEMAINES AVANT L'ELECTION : à rapter, dès aujourd'hui, en kiosque et dans les maisons de la presse.