Pour bien commencer l'année, on a lu Simon Liberati et on en parle dans Causeur Magazine, ce mois-ci ...
C’est un livre improbable, de ceux qui plaisent aux derniers esthètes, permettent de se perdre entre les lignes et de se retrouver. Quand chacun ne jure que par le roman calibré, Simon Liberati prend le chemin des fugues. 113 études de littérature romantique est ce que Montherlant appelait un « machin ». Ca tient du journal intime, des journées de lecture, du carnet de notes, de la poésie en prose, des études savantes. Dans le désordre précis de sa mémoire, Liberati retrouve pourtant, sur presque 500 pages, tous les charmes précieux d’Anthologie des apparitions, Nada exist, L’Hyper Justine et de Jayne Mansfield 1967, prix Fémina 2011. Pour les approcher, on a envie de lister ses titres de chapitre : « Brummel en Normandie », « Rêverie sur la Revue d’études latines », « California girls », « Elégances négligées » ou, le plus beau, « Vendredi 16 décembre 2011 – 10h45 hôtel Hermitage – Monte Carlo ». On recopie également, au hasard, des phrases qui touchent : « La mythologie moderne contient des épisodes fameux et d’autres plus secrets qu’il faut aller chercher dans les biographies, la presse à scandale, les télévisions spécialisées. Prenons les divinités féminines du dernier rang, les héroïnes de mythes locaux, de légendes urbaines à qui aucune histoire sérieuse ne rendra culte. Il s’agit de petits cultes privés, de santeria, de palo mayombe à usage quasi familial. »
Tout l’art de Liberati tient dans
cette langue, à la fois très classique et absolument moderne.
Funambule dandy sur le fil de ses souvenirs, il nous ouvre des portes
donnant sur autant de petites histoires à faire rêver, à faire
peur. On se croirait dans un manoir hanté. Il y a des chambres à
Saint-Tropez et des maisons de famille à la campagne, du name
droping décadent et des digressions lumineuses sur des
écrivains oubliés, des actrices assassinées et des putains de
Babylone, des exorcistes et des enchanteurs. Paul Léautaud revient
souvent : son Journal littéraire
est pris et repris ; le Journal inutile
de Paul Morand aussi. Un personnage, le Fantôme, ressemble beaucoup
à Jean-Jacques Schuhl. Liberati et lui dialoguent des choses intimes
de la vie et de Marcel Proust. Lentement, le temps retrouve des
couleurs passées qu’illuminent les silhouettes nues et bronzées
de Traci Lords, dans un film interdit, et de Jackie Kennedy-Onassis,
sur une plage grecque. De vieux numéros du Nouveau
Détective traînent par terre à l’heure où
les dealers se pointent. Un poème de Paul-Jean Toulet évoque la
nuit sur les trottoirs de Paris.
La nuit, justement, Liberati nous y
fait voyager. On croise Francis Scott et Zelda Fitzgerald, fous et
amoureux, une adolescente manouche dans un train, la Nadja de Breton
et même « une ordure biscornue »,
Lucien Rebatet, sauvé de l’exécution parce qu’il s’appelait
parfois François Vinneuil et signait, dans Spectacle
du Monde, des
éloges de Visconti, Le Guépard
et Les Damnés. La nuit, on
se replonge dans 113 études
de littérature
romantique, sans omettre la sinueuse merveille
finale - l’Index des personnes, personnages, figures, marques,
lieux, œuvres et périodiques cités -, histoire de laisser infuser
sans fin les sortilèges de Liberati en attendant, un jour, la
parution d’un bijou érotique d’été : Le
soleil noir
de Nikki
Beach.
Simon Liberati, 113
études de
littérature romantique,
Flammarion, 2013.
Papier paru dans Causeur magazine, janvier 2013
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