dimanche 19 août 2012

Anne et Sophie à l'Hôtel de la Plage



Certains films agissent telle la « madeleine » de Proust : ils datent nos joies et nos mélancolies. Hôtel de plage, par exemple, nous entraîne sur la route des vacances, à la fin des années 70. En train ou au volant d’une Alfa Roméo décapotable, les juillettistes quittent Locquirec, les aoûtiens arrivent, sur une bande-son signée Mort Shuman. Les notes nostalgiques accompagnent les joies et les petits chagrins d’estivants qui se connaissent bien. Ils ont le visage de Guy Marchand ou Daniel Ceccaldi, play-boys français de l’époque, sans oublier de jeunes actrices aux charmes irrésistibles : Sophie Barjac et Anne Parillaud.
« Les pieds dans l’eau »
Il est aisé de marcher sur les pas des héros d’Hôtel de la plage. A Locquirec, on  reconnaît au premier coup d’oeil le fameux établissement : il s’agit du Grand hôtel des bains, situé rue de l’église. Il possède toujours ce parc où il est plaisant de dîner sous les tilleuls, a toujours « les pieds dans l’eau ». Dominique Van Lier, l’actuel propriétaire, déjà présent en 1977 se souvient de tout, fourmille d’anecdotes. Le curé du film, ainsi, était interprété par un client suisse de l’hôtel, mécontent du désordre que le tournage occasionnait. Pour le calmer, le réalisateur lui confia un rôle. Dominique Van Lier répond volontiers aux curieux qui l’interrogent : « L’hôtel était une pension de famille. Nous l’avons rénové mais l’esprit des lieux n’a pas changé. » Il vend aussi, à la réception, le DVD d’Hôtel de la plage : « Les gens se font ainsi un plaisir de retrouver les lieux, les villas, les promenades qu’ils ont apprécié dans le film. »
Une éducation sentimentale
Il est agréable, en effet, de se rappeler de ce qu’étaient les vacances dans une pension de famille de la cote bretonne, de ce qu’elles sont toujours. Les journées commencent par un petit déjeuner partagé dans la grande salle à manger. Les adultes nouent des intrigues sentimentales de saison et les adolescents imitent les adultes. On achète Ouest-France dans la maison de la presse à côté de l’église. L’après-midi, quand le soleil hâle les peaux, on joue au volley-ball ou on flirte sur la plage. Parfois, l’hôtel Armor, dans le centre, est le théâtre de quelques entorses aux contrats de mariage. Il faut dire que des petites Anglaises aguichent les messieurs d’âge mur, quand ceux-ci ne sont pas partis pêcher en bateau au large de la baie de Lannion. Pour plus d’intimité, le chemin des Douaniers amène vers de jolies criques abritées. Difficile de résister quand les vacancières ont la silhouette blonde de Sophie Barjac, ou brune d’Anne Parillaud.
Un été de porcelaine
Le charme intemporel d’Hôtel de la plage, finalement, tient beaucoup à ses jeunes actrices. Elles jouent au baby-foot dans un café, alors que la pluie tombe. Elles sortent en bikini bleue d’une cabine de bain, avant de s’allonger sur leur serviette de plage et d’écrire une lettre à leur amoureux lointain. Elles volent une voiture de sport et le petit ami de leur meilleure copine. Quand, lors d’une soirée « chanson », elles fredonnent  Un été de porcelaine et qu’elles demandent au garçon qui vient de les embrasser : « Il faudra attendre onze mois avant de se revoir ? », on a la belle impression d’être toujours à Locquirec, au Grand hôtel des Bains : « Il y a quinze ans à peine/ Il y a quinze ans déjà/ Ma mémoire est incertaine/ Mais mon cœur lui n'oublie pas. »

Texte paru dans Le Point, numéro spécial "Cote bretonne", juillet 2012

3 commentaires:

Baudricourt a dit…

C'est malin vous m'avez mis en tête la chanson.

Film produit par Marcel Dassault,
Qui se doutait que le vieil homme avait conservé une âme de midinette ?!!

Patrick Mandon a dit…

Délicieux intermède de mémoire, Arnaud ! Ce genre de petit rien nous enchante.
J'attends avec une certaine impatience la parution de votre Gégauff. Pour les femmes comme pour les hommes, vous avez un goût très sûr.

Arnaud Le Guern a dit…

Merci infiniment, Patrick !
Pour l'Hôtel de la plage et pour Gégauff (qui sort le 13 septembre).
A très vite.
Amicalement vôtre.
ALG