dimanche 15 janvier 2012

La vie quotidienne de Patrick Besson sous le règne de Nicolas Sarkozy


C'est un gros livre de la même couleur que Le Hussard rouge, récemment édité par Le Temps des cerises. Après les années 80, les années Sarkozy: du ministère de l'Intérieur à la présidence de la République, en passant par l'UMP et le mariage avec Carla.
Certains diront que Patrick Besson publie trop. Ils auront tort puisque, en réunissant les papiers qu'ils donnent aux magazines, Besson offre la chronique du temps qui passe, se dérègle et se perd. A chaque fois, l'angle de vue est différent, mais le regard est toujours pleine cible. Eva Joly n'affirmera pas le contraire.
Parmi les derniers, Besson est un écrivain qui éparpille les chapitres de ses romans entre une pub et un sommaire d'hebdo. C'est un adepte de la ligne Bernard Frank, ou Blondin. La presse, il faut le dire, c'est tout de suite mieux quand c'est rempli des vagabondages des écrivains. Peu importe le sujet : le style pare la pensée de ses atours, met dans le mille avec la précision d'un sniper sur les toits de l'immonde.
Le style, arme de précision massive
Dans VSD, Besson voyait le monde sur grand écran ; dans Le Figaro Magazine, sur petit écran ; dans Marianne, entre les lignes. Dans Le Point, depuis 2002, il s'empare de la réalité selon son beau plaisir et ses dégoûts très drôles. Ses premiers mots : comment (ne pas) réussir sa vie ; ses derniers : l'invention du slogan de saison « la retraite ou la mort ». Entre les deux, il constate les dégâts des tristes temps où nous vivons, s'en amuse, tire à vue.
Cette jolie chanteuse au pedigree sexuel de grande quantité devient première dame de France. Monsieur le Président doit faire attention aux cornes. Les gens trop en cour sont louches : Kouchner, Eric Besson-Zemmour, Georges-Marc Benamou et Manuel Valls risquent de mal finir. Les emprisonnés ne le méritent pas forcément : Cesare Battisti, une autre jolie chanteuse – Serbe celle-là – , Le Floch-Prigent ou Edouard Limonov bien avant sa découverte par Carrère. Marie Trintignant passe. Les morts de la canicule de 2003 aussi. La télé tue lentement des apprenties starlettes. Des petits gros s'imaginent en haut des affiches électorales s'ils maigrissent. Quelques femmes politique sont traitées de « salopes » ou de Ségolène, histoire de leur faire comprendre qu'elles n'existent pas. Christine Angot est encore une femme publique et Jean-Pierre Raffarin, le philosophe tendance Lorie de la droite. Le cimetière des coeurs battants s'agrandit : Frédéric Berthet, Frédéric Fajardie, Jacques Brenner.
La possibilité des fugues
Pour sourire un peu dans ce milieu hostile, Besson se souvient des écrivains morts et des jeunes romancières. Il s'évade en Afrique, en Thaïlande et dans les Hôtels niçois. Les actrices sont de beaux points de chutes, Hélène Fillières par exemple. On peut les inviter au restaurant, dont la qualité sera mesurée à l'aide d'une faucille et d'un marteau. Laetitia Casta joue dans les pièces de Florian Zeller, auteur mi Sagan mi Gégauff. La nostalgie des princesses réchauffe les sentiments. Il est bon, également, de relire un vieux Playboy daté de 1981 : Marie-Hélène Breillat était en couverture. Le dévédé du Sauveur, de Michel Mardore, avec Muriel Catala en exquise Lolita pervertie, est une autre possibilité de fugue.
Dans Patrick Besson au Point, il y a des poèmes, des listes qui ne doivent rien aux listes de courses de Charles Dantzig, des nouvelles d'été, des classements et, à chacune de ses 950 pages à lire urgemment, des fusées qui trouent la laideur et réenchantent, d'un éclat de rire ou d'un spleen léger, une France à la merci des tueurs d'émotions.

Patrick Besson, Au Point – Journal d'un Français sous l'empire de la pensée unique, Fayard, 2012
Version intégrale du papier paru sur Causeur.fr, le 15/01/2012

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