jeudi 9 septembre 2010

Remember Le déclenchement muet des opérations cannibales ...


C'était il y a longtemps dans une revue qui devait s'appeler Le Journal de la Culture. Je signais chaque mois un "A ma guise". Je parlais des livres aimés, des silhouettes enchanteresses, de tout ce qui me plaît. J'avais donc parlé du premier recueil de poèmes de Jérôme Leroy, édité par Olivier Frébourg aux Equateurs : Le Déclenchement muet des opérations cannibales. C'est à un livre lire, à relire avec, à la suite, Un dernier verre en Atlantide (La Table ronde) et Physiologie des lunettes noires (1001 nuits). Histoire de ressentir, donc de comprendre, la géographie intime et sentimentale d'un desperado du monde d'avant.
Le mercenaire de la grâce
30 degrés et des poussières, l’ombre se planque, c’est l’été. En terrasse, je bois des demis, allume une bastos et goûte les mots de Jérôme Leroy.
L’ombre – son couteau froid et ses doigts de fée -, je la trouve dans Le déclenchement muet des opérations cannibales. Des poèmes, des récits, des lambeaux d’homme à l’heure de la fin du monde.
La fin du monde ? Comme Céline, JG Ballard ou Dominique de Roux, Leroy l’a sous les yeux : les villes cassées de notre enfance, la douceur des saisons passées par les armes, la négation permanente de la beauté des lucioles. Face à ça, le poète, en mercenaire classe de la seule grâce, se promène, se souvient et sourit. Ses pas l’amènent dans les rues de Pékin et d’Abbeville, de Lisbonne ou de Saint-Malo. Et son sourire fait apparaître d’autres sourires, d’autres silhouettes. Scarlett Johansson dans Lost in Translation, dans Match Point – « La fin du monde viendra / Et elle aura les yeux / de Scarlett Johansson » -, Asia Argento et son angélique tatouage dans New rose Hotel, les jeunes filles à la peau bronzée qui, en Bretagne et ailleurs, « quittent la plage en scooter ».
Que dire, aujourd’hui, à ces Lolita du temps qui passe ? Leur parler de ce « blues de chinois » qui étreint les derniers dandys, du groove si sexy de Marvin Gaye, des belles fugitives de 40 ans. Leur parler des amours qui naissent dans le reflet de cristal d’un verre de pouilly fuissé et surtout, surtout, prononcer ces mots : « Nous avions des terrasses / Pour l’indolence et le bonheur / L’amitié avec l’espace / Pour le plaisir et la nuit / Le vin blanc glacé et les cohibas / Pour la lecture de Pasolini / Pour caresser les bras des filles. »
En terrasse, je bois des demis, j’allume une autre bastos. Je suis, comme Leroy, « un pâle fantôme français » un peu saoul rêvant, pour s’achever, de bouffer la chatte de Catherine Spaak.

1 commentaire:

Jérôme a dit…

Merci, camarade