mardi 14 septembre 2010

Les biches, une fin d'été




Oublions les sinistres crétineries autour de la mort de Chabrol.
Imaginons son dernier éclat de rire vachard devant les hommages de Christophe Girard ou du valet de l'UMP Xavier Bertrand qui a salué, avant tout, ses talents d'acteur ...
Souvenons-nous que Chabrol n'était ni un "humaniste" - comme l'a affirmé de ses lèvres pincées la toujours sinistre et sans charme Isabelle Huppert - ni le joyeux drille de la Nouvelle vague.
Chabrol, c'était un dandy rondouillard et très français d'extrême-gauche, bourgeois déniaisé sur l'homme et la femme, le bien et le mal, par Paul Gégauff à la fin des années 50, Gégauff grâce auquel il a pu taper avec férocité et violente drôlerie sur les précieux ridicules du temps et de l'esprit.
Dans toutes les nécros de Chabrol, Gégauff est le grand absent. Personne - à l'exception du camarade Leroy, sur Causeur.fr - n'a parlé du scénariste des Bonnes femmes, des Cousins, de Que la bête meurt, du terriblement anar et quasi Audiardesque Docteur Popaul.
Rohmer déjà, à la mort de Truffaut, s'était énervé contre cette guillotine du silence qui, depuis si longtemps, touche Gégauff.
Gégauff était à la fois trop raffiné et trop grande gueule, trop populo et trop aristo, trop stylé et trop réactionnaire. Ses interviouves des années 70 sont des festivals de fulgurances, pamphlet et poésie à vif à la fois. Le 7e art morflait, en plein dans la gueule de sa prétention.
Gégauff est mort en 1983, poignardée par sa femme une nuit de Noël; Chabrol a alors fait du Gégauff sans lui, le coeur un peu usé, le regard fatigué.
Des films des dernières années restent en mémoire Les masques sur les hypocrisies de l'univers TV, la décontronction acide de Poiret dans les Lavardin - et les seins de Pauline Lafont -, la silhouette cabossée de Gamblin dans la Bretagne brumeuse d'Au coeur du mensonge et puis des personnages ratés d'écrivains pervers et libertins - il fallait la plume de Gégauff pour les réussir, ceux-là ... - et puis Dutronc dans Merci pour le chocolat et puis Laura Smet nue et les cheveux mouillée par la pluie - Une demoiselle d'honneur - et puis la tyrannie evajolyenne de la juge de L'ivresse du pouvoir.
C'était toujours légèrement mal ficelé, baclage assumé des intrigues et des personnages qui n'empêchait pas le clou de se planter, de faire mal juste ce qu'il faut. Ca donne envie, ce soir, de revoir Les Biches.
Parce que Gégauff.
Parce que Jacqueline Sassard sur le pont des Arts.
Parce que Jacqueline Sassard dans son bain, sa jambe sortant de la mousse.
Parce que la classe infinie de Stéphane Audran.
Parce que Trintignant aussi.
Parce que le sud.
Parce que la vue sur la mer.
Parce que la douceur et les éclats des choses de la vie.
Parce que l'amour, la petite mort.
Parce que l'été s'en va, lentement, mais la peau des héroïnes, toujours, est le grain de beauté qui nous aimante.

1 commentaire:

Arnaud Le Guern a dit…

Dans les souvenirs récents chabroliens, un oubli : Anna Mouglalis dans Merci pour le chocolat ...