vendredi 23 janvier 2009

Marc-Edouard Nabe n'est pas mort

Il y a, depuis vingt-cinq ans, un «scandale» Nabe. Quel que soit le genre qu’il aborde – roman, essai, pamphlet, tome de son Journal intime ou recueil de poèmes –, les fielleux lui collent les plus infamantes étiquettes ou, tout aussi efficace, se taisent. Leur excuse : Nabe s’est grillé tout seul, avec Au régal des vermines. En 1985, il entre en littérature avec la classe tonitruante d’un feu follet kamikaze. Dans une langue qui doit autant au swing de Thelonious Monk qu’à l’uppercut de Mohammed Ali, il règle ses comptes. Noirs, Juifs, Arabes, petits blancs aigris, sans oublier les femmes et les enfants : chacun en prend pour son grade. Sur le plateau de Bernard Pivot, il enfonce le clou. Ses auteurs de chevets se nomment Céline, de Roux ou Rebatet. Les physionomistes des lettres ajoutent qu’il portait, ce jour-là, un costume et des lunettes rondes, tendance Brasillach. Nabe était donc antisémite, néofasciste, quasi nazi.
La beauté d’un ratage
Dans Le vingt-septième livre, préface à la réédition du Régal republiée en un mince volume, Nabe se souvient de ce qu’il appelle sa «casserole» et d’une époque où «être juste considéré comme non socialiste t’empêchait d’avoir la plus petite visibilité médiatique.» Le vingt-septième livre est une merveille de confession au couteau, où les masques sont découpés, à vif : «Je suis un loser, ce qu’on appelle un écrivain à insuccès, un worst-seller … J’ai complètement raté mon destin d’écrivain. J’ai écrit vingt-six livres totalement inutiles : personne ne les a lus, ou si peu. Flops sur flops.»
Pour raconter son naufrage, Nabe s’est choisi un interlocuteur privilégié : Michel Houellebecq dont il tire, entre tendresse et vacheries, le plus juste des portraits. L’auteur des Particules élémentaires fut son voisin d’immeuble, dans le XVe arrondissement de Paris. Lorsqu’ils descendaient ensemble leurs poubelles, Houellebecq disait à Nabe : «Si tu veux avoir des lecteurs, mets-toi à leur niveau ! Fais de toi un personnage aussi plat, flou, médiocre, moche et honteux que lui. C’est le secret, Marc-Edouard. Toi, tu veux trop soulever le lecteur de terre, l’emporter dans les cieux de ton fol amour de la vie et des hommes ! ...»
L’art ne rend pas les armes
Quand Nabe se regarde dans le miroir du temps passé, il voit Houellebecq, c’est-à-dire une drôle d’image trafiquée donnant, avec exactitude, la température de l’heure : «Il y a celui qui a tellement l’air mort qu’on lui fait un triomphe de son vivant ; et celui qui est tellement vivant qu’on fait comme s’il était mort
Laissons les morts épinglés dans Le vingt-septième livre, et regardons du côté des vivants où virevoltent des silhouettes inoubliables : une belle Hélène aux yeux pers et son fils Alexandre, Jean-Edern Hallier aux commandes de L’idiot international, Marcel Zannini et sa clarinette, des jazzmen qui, grâce à une poignée de notes, nous réconcilient avec l’immonde et nous donnent la clé des mots de Nabe. Il écrit comme jouaient Albert Ayler ou Django Reinhardt : avec la grâce fragile de l’excès. Pour achever de s’en convaincre : il faut relire d’urgence La Marseillaise et Nuages, deux solos étincelants où les corps musicaux des artistes sont la cheville ouvrière de leur art.
Marc-Edouard Nabe, Le vingt-septième livre, Le Dilettante, 93 p ; La Marseillaise, Le Dilettante, 48 p ; Nuages, Le Dilettante, 64 p.
Article paru dans l'Opinion indépendante le 23 Janvier 2009

8 commentaires:

Jérôme Leroy a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Jérôme Leroy a dit…

Le régal des vermines, cher Pirate, c'est encore tous les jours!

Marignac a dit…

Non, Nabe est un insupportable prétentiard qui écrit trois fois trop, et dont la veine confessionnelle est super casse-couilles. Ses meilleurs exploits "Le régal…" et "Le Bonheur…" sont trois fois trop longs, et c'est un enfonceur de portes ouvertes (le jazz, Suarès, vous m'en remettrez une demie-livre) de fort calibre. Ses moments de fulgurance très réel et qui ont fait à juste titre espérer en lui, sont hélas noyés, dans sa loghorrée et sa forfanterie assez pagnolesque, conventionnelle, pipelette. Et Monsieur se prend pas pour de la merde. La preuve, faut encore qu'on écoute ses plaintes. Tout faux.

Anonyme a dit…

Sympatique billet, avec une lettre surnuméraire, malheureusement. Marcel Zanini a supprimé un N à son nom... relisez Alain Zannini...

Non, vraiment, sans plaisanterie, c'est un bon billet.

Anonyme a dit…

J'ai découvert ton blog grâce au forum de Nabe. Tu as de la verve, tu aimes les bons auteurs, l'avenir t'est ouvert. A moins que, vu les auteurs en question, tous proscrits, ce soit la tombe qui t'attend.

Non, Nabe n'est pas mort puisqu'il a de la presse pour une simple réédition et que ses livres épuisés sont, en ce moment même, en train de monter aux étoiles d'ebay.

Il paraît même qu'il n'a pas brûlé son Journal inédit et qu'il continue à le tenir. Mais qui le publiera ? A mon avis, il devrait l'éditer à ses frais et le vendre à prix d'or sur ebay.

Anonyme a dit…

Bonjour, vous pouvez peut-être m'aider à comprendre ce qui m'arrive ?

J'en suis à deux exemplaires de Nuage (sans s, Nuage) achetés au Dilettante, 1 offert.
Trois exemplaires de L'Ame de Billie Holiday, 1 offert, 1 dédicacé par Marcel Zanini (1 n) et Nabe à un concert au Duc des Lombards (dans mon coffre-fort), le troisième pour tous les jours.
Tout ca en quelques mois, sans compter Le Bonheur, Les Morceaux Choisis et La Marseillaise, en un seul exemplaire pour le moment.
Le Vingt-septième livre, je l'ai fait lire à mon mari (65) et à mon père (89). Ils ont adoré.
De 1980 à 2008, j'ai habité à cent mètres de l'immeuble de la rue de la Constipation dont il est question dans le bouquin.
J'ai vraiment explosé de rire en lisant la description de l'installation de la cuisine IKEA Abstract blanc, parce que j'ai fait exactement la même chez ma fille qui allait sans doute dans la même école primaire ou collège qu'Alexandre.
Je faisais les courses au Monoprix Boucicaut ou Houellebecq et Nabe draguaient les caissières avec des fortunes diverses.
Quand j'ai été au chômage en 2000, si ca se trouve, c'est Hélène qui me recevait a l'ANPE.
Evidemment je ne les avais jamais repérés dans le quartier à l'époque, ce qui rend encore plus réjouissant de découvrir les petites habitudes des pseudo compères magnifiquement mises en littérature par celui des deux que je préfère, et de loin.

Avant j'étais beaucoup plus raisonnable. J'avais lu Alain Zannini (2 n) a sa sortie en 2002, puis plus rien jusqu'a 2008. Si je me souviens bien, je l'avais choisi a cause de Patmos, mon ile grecque préférée, ou je n'allais plus depuis que j'étais mariée et mère de famille. J'avais parlé de AZ autour de moi avec enthousiasme, mais on me regardait bizarrement a l'époque.

Maintenant ca devient grave. Je connais par cœur les deux dernières pages de Nuage. Je vais les interpréter au concert de mon atelier de jazz vocal, avec bien sur Nuages (avec un s) en accompagnement (Pierre Barouh et les Primitifs du Futur, album Tribal Musette). Chaque fois qu'il passe à la télé, je regarde.

Autant vous dire que le commentaire de Thierry Marignac m'attriste. Mais il parle plus du bonhomme que de ses livres (c'est vrai qu'il a un look dédaigneux, intimidant, hautain, et que ce n'est pas du tout mon genre de beauté), n'est-ce pas ?

Anonyme a dit…

oups, je fais comme Nabe (enfin presque), je parle que de moi ;)

beaucoup aimé votre article, merci

Anonyme a dit…

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