mardi 7 octobre 2008

Le talentueux Mr. Gégauff

Paul Gégauff aimait les mots, la pêche au gros, l'alcool et les femmes. Les paysages aussi, ceux d'Ouessant, île sauvageonne de la fin de la terre où il s'exilait quand il voulait arrêter de boire, laisser le vent décider.
Dandy élégant et poète attaquant au couteau la "vie sordide", il fait penser à Paul-Jean Toulet.
Le 11 mars 1980, il légendait ainsi son autoportrait : "Quand je pense que je regretterai cette gueule dans dix ans ..."
Paul Gégauff a publié quatre romans entre 1951 et 1958 : Les mauvais plaisants, Le toit des autres, Rébus et Une partie de plaisir. Au catalogue des Editions de Minuit, il voisinait à l'époque avec Georges Bataille, Jacques Brenner, Henri Calet. Un peu d'électricité dans le Butor, de flamboyance dans le Duras, ce qui plut à Roger Nimier : "Les qualités de Paul Gégauff sont : le cynisme, le sens de la drôlerie, un style vif où la pensée saute d'un mot à l'autre comme une puce."
Paul Gégauff : le hussard dans les écuries du Nouveau roman.
Romancier de talent, il devient scénariste/dialoguiste de génie, l'Arsène Lupin du 7e Art. Parce que "Le cinéma, c'est du pognon, il faut bien le dire." Et du pognon, il lui faut pour flamber, sortir les plus jolies filles, descendre de bonnes bouteilles, ne rien faire.
Paul Gégauff s'appelle aussi René Clément, Eric Rohmer, Claude Chabrol ou Jean-Luc Godard qui lui doivent, dans les années 60/70, leurs meilleurs films et une poignée de personnages hors-norme. Il leur donne ses plus belles répliques, puis dézingue en souriant : "La chose la plus dominante chez Godard : obsédé sexuel. Myope et obsédé sexuel. Momo : pas myope mais également obsédé sexuel, sur un autre plan. C'est tous les deux des zombies, tous les deux rêvent sur des filles dans des cafés. Ils se ressemblent sur plus d'un plan. Rivette : autre obsédé sexuel, mais alors lui, complètement inoffensif ! Chabrol : pas obsédé sexuel, mais alors pas du tout !"
La Gégauff's touch : Plein soleil, Les cousins, Les bonnes femmes, Les biches, Que la bête meure, Les novices, Docteur Popaul, More, La vallée, mais aussi, alors qu'il est définitivement grillé - alcoolisme ininterrompu, mauvais esprit permanent, esthétisme décadent - aux yeux des "professionnels de la profession" : Brigade mondaine, la secte de Marrakech, Les Folies d'Elodie, Frankenstein 90 et Ave Maria.
Des vieilleries, des nanars ? Le bordel coloré d'un fou qui fait sonner la langue française sur les décombres d'une bourgoisie pas encore crevée.
Ses mots sont des balles mortelles dans la bouche de Jean-Claude Brialy, Jean Yanne, Jean-Louis Trintignant, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon ou Maurice Ronet. Ses mots sont un peu de rouge sur les lèvres de Marie Laforêt, Romy Schneider, Brigitte Bardot, Stéphane Audran, Jacqueline Sassard, Monica Vitti, Caroline Cellier, Laura Antonelli, Marcha Grant, Carole Chauvet ou Isabelle Pasco.
Silhouettes célèbres ou oubliées du temps qui passe.
1969 : année érotique où Gégauff publie son dernier livre, un recueil de nouvelles : Tous mes amis. C'est un régal de noirceur, c'est chez Julliard. Du côté de chez Sagan, pas étonnant.
Que rajouter ? Un peu de poussière. Dans son Journal, Jean-Patrick Manchette nous montrait Gégauff en train de trinquer, chez Castel, avec Antoine Blondin. Pour Bernadette Laffont, "C'était un génie, le Brian Jones de la Nouvelle vague."
Sa fin est un magnifique début de roman : « Paul Gégauf, soixante et un ans, écrivain et scénariste, a été assassiné de trois coups de couteau, dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 décembre 1983, par sa compagne âgée de 25 ans, à Ghoevic, en Norvège. La jeune femme, dont l’identité n’a pas été révélée, a reconnu les faits. »


11 commentaires:

Anonyme a dit…

Son déstin tragique, de cette auteur,que je ne connais pas,m'intrgue...
La manière dont tu le décris,aussi,je vais allez chercher un de ses écrit.
Lequel me conseils-tu,ALG?
Pour une découverte.

Jérôme Leroy a dit…

Mademoiselle, le problème est que monsieur Gégauff est très mort et que éditeurs qui sont très peu curieux ne le rééditent pas.
Alors Monsieur Le Guern armé de son goût et de son style, de son goût et de tnt va s'efforcer de réparer cette injustice. Gégauff n'est pas réédité par ses soins avant 2010,Monsieur Le Guern pense, en l'honneur de l'Oublié, faire sauter les locaux de deux maisons d'édition connue commençant par G. Il reçoit, dans cette démarche, le soutien total et indéfectible des services secrets bolivariens.

Anonyme a dit…

Mr Alfredo merci pour ces information, la culture ne devrait pas mourir...Le zorro ALG,combat ces injustices.Oui mettons des bombes un peu partout,il y a matière.
Peu etre sur ebay ou chez Gilbert, je trouverai?Avide de connaissance,je m'en procurai au moins un!
Continuont le combat!

Unknown a dit…

Gégauff a également fait l'acteur en compagnie de sa femme et de sa fille dans Une Partie de plaisir de Chabrol, film, en partie ratée, dont il fut également scénariste. C'est peut-être son film le plus autobiographique.
D'autre part votre note me rappelle un souvenir à propos du Docteur Popaul. Cournot avait écrit dans l'Observateur, et Cournot n'est pas réputé pour son humour, il avait donc écrit :
-Si les frères Lumières avaient vu Docteur Popaul, ils n'auraient pas inventé le cinéma.
Ca me fait toujours sourire

Anonyme a dit…

Une partie de plaisir : un ratage intéressant, l'autofiction - en images- avant les "machins" d'Angot and connardeaux. Une BA doit traîner quelque part, que je mettrai en ligne.
Concernant les livres : eBay et Gibert ne donneront rien. Sur PriceMinister, les romans, quand ils se trouvent, sont entre 20 et 35 euros. Quant au recueil de nouvelles - Tous mes amis -, je dois avoir l'un de seuls exemplaires encore en circulation.
Il est par contre bon de re-regarder quelques films - en dévédé ou en véhachesse pourquoi pas. Docteur Popaul, Les Biches, Les Bonnes femmes, pour se souvenir que Chabrol, ça allumait méchamment.
Finalement, la France aura eu deux scénaristes de génie : Audiard et Gégauff. Le populo et le mondain : deux artistocrates de l'esprit (mauvais).

Anonyme a dit…

Et bien merci les garçons,pour tous ces renseignement,je vais pecher ces films et voir sur pricemaster,mais alors punaise,c'est chère la culture!

Anonyme a dit…

Et puisque tu en parles cher ALG : à quand quelques mots sur Audiard ?

Anonyme a dit…

Un jour, cher anonyme, un jour ...
En attendant, il y a ici, pas loin, la couverture de "Méfiez-vous des blondes". Un sacré programme.

Anonyme a dit…

Et moi qui pensais qu'il suffisait de parler d'Audiard pour ne plus l'être tant que ça, anonyme ! ALG manque de flair au petit jeu des devinettes.

Plus sérieusement, les "un jour"...manquent de classe. Il est temps de titiller notre cher ALG ici encensé par ses pairs ( méthode chopée dans L'Art du compliment)

Et au boulot, ALG, au boulot !

Arnaud Le Guern a dit…

Je n'aime ni "le petit jeu des devinettes" ni les anonymes qui, parlant de "classe", oublient de se parer d'un masque.
Précision, madame, monsieur : citer le nom d'AUdiard, ici, n'est pas une révélation ...

Anonyme a dit…

Sur Amazone.fr,j'ai trouvé pas mal de bouquins et aussi une "partie de plaisir" sur DVD,même pas 8 euros!