Alexandre ne s'y attendait pas. Son
père meurt face à lui au restaurant. Une de ses phrases fétiches
était : "Il faut s'y tenir, tenir et s'y tenir."
Variante : « En avant, calme et droit. » Du
beau monde assistera aux funérailles de cet ancien ministre de
Giscard. En guise de deuil, Alexandre boit du champagne-fraise au bar
du Ritz avec Félicien. Son meilleur ami. Leurs mots de passe : des
silhouettes aimées, « Melody » des Rolling Stones, leurs
fils, quelques flacons de rosé. Alexandre et Félicien font des
affaires. L'argent leur donne des ailes, mais ne comptent pas. Un
roman de jeunesse traîne dans un tiroir : Pour solde de
tout compte. Attention, livre culte. Aux chagrins, ils
préfèrent la dolce vita. De Paris Rive droite aux Vapeurs
à Trouville, de Zurich à Saint-Tropez hors-saison. Là-bas, dans
l'été naissant, on roule en scooter ou 2 CV rouge. La maison de
famille est joliment nommée : La Renauvado. Expresso, jus de
pamplemousse et brioches se dégustent chez Sénequier en
terrasse. On déjeune au Club 55. Des lunettes noires
masquent les cernes des nuits blanches.
Sur les rives de la méditerranée,
Félicien rejoint Alexandre. Louise l'accompagne. Coiffée à la
Louise Brooks, les yeux verts, à peine trente ans : « Pour
Félicien, outre ses jambes qui n'en finissent pas, son assistante a
deux qualités : toujours disponible, toujours de bonne
humeur. » Un beau brin de fille, qu'Helmut Newton aurait
adoré photographier. Alexandre ne peut qu'acquiescer. Quand Louise
n'apparaît pas en robe de lin orange ou de coton blanc, peau douce
et bronzée, elle se baigne nue, minuit passé, dans la piscine. Son
parfum sent les agrumes. Alexandre est sous le charme, s'interroge :
« Tomber amoureux à mon âge, cela serait très con,
non ? » Le conseil de Félicien : « Commence
par l'emmener au Kenya, on verra après ! » Il s'agit,
tant qu'on peut, de faire danser la vie.
Il y a dans Une semaine de juin,
premier roman de Jean-François Coulomb, tout ce que nous aimons :
du style, des sentiments froissés comme une étoffe précieuse, de
la légèreté, des drames silencieux. Chardonne et Nimier sont
cités. Johnny retient la nuit. BB est « notre belle
voisine ». Le talent de Coulomb n'est pas une surprise.
Vendanges tardives, recueil de nouvelles paru en 2010,
avait donné le ton. On guettait la suite. La voilà. Elle touche
plein coeur et serre la gorge : « Alexandre sait qu'il
rentre dans un hiver sans fin. » Il faudrait ne jamais
quitter les bords de mer.
Jean-François Coulomb, Une
semaine de juin, Albin Michel
Papier à paraître dans Service littéraire, avril 2015
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