lundi 20 août 2012

Romy, Yves, Sami et les autres ...


C’est une époque, le début des années 70, où la quête d’une certaine douceur de vivre entraîne les parisiens à Noirmoutier. L’océan atlantique offre un climat propice à la petite musique des sentiments : deux amis, César et David, aiment une femme, Rosalie, qui ne parvient pas à choisir l’un ou l’autre. Il n’est pas étonnant que Claude Sautet, familier de la côte vendéenne et orfèvre des choses intimes de l’existence, installe l’intrigue de César et Rosalie sur la plage des Mardi-gras, dans le quartier du Vieil.
Les volets bleus
Sur les traces des héros de Sautet, la nostalgie ne cesse d’être ravivée, mêlant hier et aujourd’hui. Des enfants en chandail font du vélo sur le sable. Une barque rouillée prend l’air marin. Bien sûr, quand une voiture s’arrête, ce n’est plus la SM ou l’Autobianchi Primula du film. Pourtant, en tendant l’oreille, on entend encore l’écho de la voix d’Yves Montand, qui joue César, présentant les lieux à son rival Sami Frey, l’interprète du ténébreux David : « La maison, la mer ... » La maison aux murs blancs et aux volets bleus est toujours là. Elle semble abandonnée, gravée à jamais dans un temps lointain. La municipalité ne s’en préoccupe guère. Aucune plaque ne signale sa place dans la patrimoine du 7e art. Des curieux la prennent en photo, l’exposent sur les réseaux sociaux avec une légende : « Où sont Romy, Sami et Yves ? » Devant la porte cadenassée de la maison, on ne peut s’empêcher, en effet, de se rappeler du sourire de Romy Schneider – Rosalie, c’est elle - alors que César et David la rejoignent.
Les possibilités d’une île
Dans César et Rosalie, les heures se suspendent le temps d’un été à Noirmoutier. Peu importe que Montand affiche, lors des prises de vue, sa mauvaise humeur, craignant que Sami Frey lui vole le vedette. Dans l’esprit de tous, il ne reste qu’une succession de cartes postales des petits bonheurs balnéaires. La maison se remplit du rire des enfants. Des amis arrivent de Paris pour manger une soupe de poisson et jouer aux cartes. Les femmes, telle Romy, portent des cirés jaunes et des bottes pour ramasser des coquillages à marée basse. Quand le vent se lève, elles parent leurs cheveux d’un foulard. Pour se rendre sur le port ou sur la jetée de Jacobsen, elles conduisent une 4L. Les hommes, eux, se laissent prendre au jeu de l’amitié, entament une partie de volley-ball sur la plage. Des adolescents de l’île font office de figurants. L’un d’eux, smashant le ballon, vise sans le vouloir Romy Schneider. Plus de peur que de mal : Au Puits de Lorraine, le restaurant à la mode où l’équipe appréciait de se retrouver, la douleur est oubliée.
Coeurs perdus sur l’Atlantique
Sur la jetée du port de Noirmoutier, on a toujours envie d’attendre le retour de César et David. Dans le film, ils partent en bateau accompagner un pêcheur en pleine mer. Quand ils reviennent, le temps des piques-niques sur la plage s’achève, comme l’harmonie des amours d’été. Les volets bleus de la maison sont désormais fermés. On a beau savoir que Rosalie s’est enfuie, sans prévenir, impossible de s’y habituer. Elle ne nous quitte pas d’ailleurs, aujourd’hui, sur la plage des Mardi-gras, dans le quartier du Vieil. Devant la maison abandonnée, tous les clichés des photographes amateurs permettent d’imaginer, sans fin, son visage mélancolique.

Texte paru dans le supplément "Vendée" du Point, été 2012

1 commentaire:

Florence a dit…

Merci pour cette jolie carte postale tout empreinte de la mélancolie douce amère du temps enfui. S'il est pour moi un film "madeleine", je crois bien que ce pourrait être "César et Rosalie". Je revois mon père (pourquoi donc me fait-il penser à Yves Montand ?) en train de dire qu'il n'aimait pas Sami Frey... Moi j'aimais bien les deux.