Dandy de foires du livre se rêvant Truman Capote – un Truman Capote sans De sang froid, sans Marilyn et sans poudre blanche -, Charles Dantzig est un pédant ridicule. A la manière de Philippe Besson avec lequel il partage les lunettes, la coupe de cheveux et le statut de directeur de conscience pour Marc-Olivier Fogiel et Claire Chazal. Il est donc d’autant plus intéressant de rappeler que Dantzig fit son apparition, au début des années 90, dans L’Idiot International, le gueuloir très foutraque de Jean-Edern Hallier. Peu en vue entre les signatures de Patrick Besson, Gabriel Matzneff et Marc-Edouard Nabe, Dantzig évoque rarement cette époque, sauf pour décréter qu’il imposa Houellebecq dans les colonnes de L’Idiot.
Dantzig, cette « tête de mort » (Guy Debord)…
Dantzig est toujours cet arriviste – genre Séguéla appointé par Grasset – qui cherche les signes extérieurs d’un pouvoir minuscule. Quand la mode est aux dictionnaires, il torchonne le plus gros de tous. Son Pavé égoïste de la littérature épate les bobos et les babas. C’est rempli de bêtises sur Blondin, Céline, Bloy, Montaigne entre autres. Et l’idée est piquée, de loin, à Jacques Brenner et Kleber Haedens et, de près, à Hallier qui publia jadis en feuilleton un Dictionnaire injuste de la littérature.
Après les dictionnaires, les Miscellanées se multiplient. Dantzig récupère ses listes de courses, recopie quelques carnets et griffonne à vue une Encyclopédie capricieuse du tout et du rien de presque mille pages que personne ne lit – au mieux, elle est feuilletée avant de faire très mal en tombant. A l’occasion, Dantzig fait office de guide touristique du 7e arrondissement parisien, cite des titres de romans en VO et parle de quelques écrivains, certes trop oubliés : Frédéric Berthet, Remy de Gourmont ou Jean de la Ville de Mirmont. Paul Gégauff l’intéresse aussi mais sent trop le soufre. Dantzig se veut sur les photos de famille mais il n’ira pas jusqu’à se griller avec les grands cramés. Son Pourquoi lire?, défense d’un insipide art de la lecture, en apporte une nouvelle illustration. Pose et prose de curé en chaire, c’est un livre pompier qui n’allume aucune mèche. Des simagrées sur Duras, Gérard de Villiers moqué, Proust lu dans l’herbe et c’est tout. Auteur cuculte, Dantzig lorgne du côté des stylistes cultes, ce qu’il n’est pas. Contrairement à Paul-Jean Toulet.
Des poètes nommés Toulet et Martinez
Toulet, à orthographier Too Late comme lui-même aimait le faire, est un des personnages d’ Aux singuliers – Les excentriques des Lettres de Frédéric Martinez. Avec d’autres sacrés numéros parmi lesquels le fou en exil mexicain Artaud, l’ombrageux Malherbe, l’aventurier Malraux ou Henry IV amoureux fou de Charlotte de Montmorency comme Nerval l’était de la comédienne Jenny Colon.
Pas étonnant que Martinez, dans ses ouvrages précédents, se soit intéressé à Jimmy Hendrix et Claude Monet et que les Cartes postales de Henry Jean-Marie Levet, le « diplomate globe-trotter », ne quittent jamais sa poche.
Martinez, c’est l’anti-Dantzig : chez lui, rien ne pèse et tout cogne aux carreaux des sens. Son Prends garde à la douceur des choses, en 2008, était déjà une merveille de braconnages élégants sur les pas de Toulet. Et Martinez, à travers quelques pages de ses Excentriques, ne lâche pas les semelles du poète des Contrerimes qui, dans une des lettres à lui-même qu’il se postait des quatre coins du globe, écrivait : « Ce que j’ai aimé le plus au monde, ne pensez-vous pas que ce soit les femmes, l’alcool et les paysages ? »
Toulet, c’est cet homme de 53 ans qui, à Guéthary, se promène au bord de l’océan, regardant en face le soleil et la mort. Il se souvient des nuits enfumées de Paris avec Curnonsky et Léon Daudet, des aubes éthyliques en Alger et sur l’île Maurice, des fusées allumées dans le gras de pavés à l’eau de rose écrits pour monsieur Colette, le sieur Willy, et de quelques silhouettes dont la grâce flirte avec son soufre au coeur. J’aime les filles : chanson de Dutronc et, dixit Frédéric Martinez, écho de la vie pressée, des passions de Toulet.
Les filles, héroïnes de joie et de tristesse, sont en effet les grains de beauté sur la peau douce des mots de Toulet. Dans ses romans – Mon amie Nane, La jeune fille verte -, dans ses contes légers comme des volutes de blondes – Touchante histoire de la jeune femme qui pleurait, que réédite L’Arbre vengeur – et dans ses poèmes à offrir sans fin à la plus délicate des apparitions :
« Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime,
Ne riez pas trop haut. »
samedi 20 novembre 2010
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3 commentaires:
Trouvé sur le Web :
«La poésie est une production de solitaire et sera mieux reçue solitairement. Elle nécessite du recueillement.
De plus les lectures publiques tendent à la faire confondre avec l’éloquence dans l’esprit du public. Et qui sait si à la longue l’auteur ne deviendra pas un bluffer en écrivant pour satisfaire cette confusion?
Que, anciennement, la poésie ait été lue en public est une preuve puérile. Le nouveau peut être meilleur que l’ancien.» (C. Dantzig)
Réponse :
Charles ! Que t’arrive-t-il ? D’où te viennent ces œillères – culturelles, didactiques, lexicales ?
Voici l’Afrique, l’Inde, la Chine et cent contrées, cent mondes nous offrant leurs poètes, leurs chantres virtuoses, leurs chamanes exaltés – naïfs, conscients, lucides, maîtres de leurs moyens, inspirés dans leur art.
Leurs langues, classiques, dialectales, leurs styles secs ou fleuris y portent aussi bien à l’émotion intime qu’à l’introspection ou à la transe collective !
Les fioritures extrêmes du « kriti », le « récitatif aux huit timbres », le « chant chuchoté » – tant d’extraordinaires particularités de tous les arts du monde, les uns traditionnels, les autres récents (y compris les concerts de l’art pop, l’art vidéo, les « performances », la « culture urbaine »…) vivent manifestement hors cadre dantzigien ! mais saisissent le rapport au monde et rythment l’action bien plus sensiblement qu’un poème dans son livre.
Charles ! C’est ici :
http://www.theatreartproject.com/langage.html
Toulet oui, l'ami de Debussy, jusqu'à la fin (Debussy n'en eut pas tant que ça)... Il y a même une ressemblance physique étrange entre les deux hommes - regardez le Debussy jeune "Prix de Rome" par exemple. Même visage, même regard.
Voici quelques notes et surtout, le bref commentaire que vous trouverez sous l'image.
Ironie et pudeur font souvent bon ménage...
http://www.youtube.com/watch?v=yYZYaQ5J3uY
(Je me rappelle certaine lettre adressée à Toulet par Debussy - tout à la fin. Nulle pirouette d'humour, une mélancolie vraie ; une tristesse réelle de voir son ami désormais installé à Guéthary, dans ce qu'il appelle une retraite, et déplore comme une "fuite" de Paris...)
Dantzig est certes un rétentif anal puritain et Michel Morbaque, l'auteur célèbre, un gratteur de croûtes à complexes, fabriqué par Rafael Sorin, cette méduse.
Il n'y a vraiment pas besoin pour autant de sortir les tam-tams et la salsa, pour dire que la poésie forcément muette, c'est idiot.
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