vendredi 21 mars 2008

Matzneff l’insaisissable

A l’heure où certains donnent leur avis sur la religion comme on parle du nez – produisant ainsi un son bizarrement creux -, il importe de (re)lire Comme le feu mêlé d’aromates de Gabriel Matzneff. Publié pour la première fois en 1969, le livre s’ancre pleinement dans une actualité où il est question de « retour du religieux » et de « politique de civilisation ». Présenté comme un récit, Comme le feu mêlé d’aromates nous entraîne, sur les pas de l’auteur, en Grèce, en Espagne, au Maroc et, pour finir, en Corse. Des lieux desquels la lourdeur du quotidien est exclue : « Dans mes villégiatures, où la terre et l’eau sont à portée de la main, où ce sont les oiseaux qui me réveillent, où le premier acte de ma journée est d’offrir mon corps au soleil, où ni courrier, ni téléphone, ni journaux, ni rendez-vous ne dévorent mon temps, il ne m’est pas rude d’être à l’œuvre dès le matin : j’y ai soif et faim de travail, de création, et les jours s’écoulent ainsi, heureux et féconds. »
Partant d’une réflexion sur la foi chrétienne, Matzneff pose son regard incisif sur un monde déjà largement décomposé, principalement par l’hypocrisie sociale et l’absence de style mise en toutes choses. S’appuyant sur Plutarque ou sur Rozanov, se permettant des détours par Saint-Paul, Drieu la Rochelle et Antoine Blondin, Matzneff esquisse une manière d’éducation spirituelle qui tient autant de l’éducation sentimentale que du Traité de vie. Orthodoxe et païen, conservateur d’un vieil ordre établi et jouisseur de l’immédiat, Matzneff se joue des frontières et s’affranchit des convenances : « Outre que le sentiment du devoir ne signifie rien pour moi, j’ai la conviction que le seul service qu’un artiste peut rendre à la société est de lui donner des œuvres belles, où il met le meilleur de soi. » Reconnaissant les dogmes que lui impose sa croyance sans toutefois s’y soumettre, il propose ainsi, avec Comme le feu mêlé d’aromates, ce qu’il nomme « le livre d’un pécheur ».
Pécheur, Matzneff l’est incontestablement aux yeux d’une époque qui oublie que le péché appelle la grâce. L’accusation s’appuie principalement ses Journaux intimes qui, entre certaines mains, se transforment en fiches de police. Là où les procureurs ne voient que soufre, quelques-uns se souviennent de l’enchantement né de la lecture des ouvrages de Matzneff. Ils y ont découvert, entre autres, les mystères de l’orthodoxie, les grands classiques latins et bien sûr, la grâce de jeunes filles aux noms inoubliables : Vanessa, Tatiana, Francesca ou Angiolina.
Dans Comme le feu mêlé d’aromates et dans le reste de son œuvre, les mots de Matzneff offrent, avant tout, ce double plaisir : le style comme unique ligne de conduite et la survivance des héroïnes dans la littérature contemporaine. Une bien belle musique et une bien belle promesse.
Comme le feu mêlé d’aromates, La Table ronde, collection « La petite vermillon », 174 pages, 7 euros.
Article paru dans L'Opinion indépendante

5 commentaires:

Jérôme Leroy a dit…

Ivre du vin perdu, ça n'a pas pris une ride.

Marignac a dit…

Je n'aime pas Matzneff, je n'aime pas les pédophiles, même hétéros, mais j'aime bien ton blog. Matzneff, pour moi est une vieille merde narcissique. Mais je te salue, cher ami.

Anonyme a dit…

Merci cher ALG !

Anonyme a dit…

Collectionnons les vieilles merdes narcissiques: Proust, Céline, Montherlant, Baudelaire, Stendhal...Ca vaudra toujours mieux que les jeunes merdes

Marignac a dit…

Les collectionneurs mordent la poussière dans laquelle ils vivent, surtout quand ils comparentuin Big Mac avec du ris de veau.