jeudi 10 octobre 2013

Petit éloge des brunes


Cest de mieux en mieux la collection « Petit éloge de », chez Gallimard. Avant lété, Frédéric Martinez nous avait offert une flânerie profonde et légère : Petit éloge des vacances. On y respirait, sous la plume de cet afficionado de Paul-Jean Toulet et autres excentriques, lair dune certaine dolce vita à la française les petits luxes de la vie, la volupté et le charme des passantes prennent toute la place. Si Martinez annonçait la plus belle des saisons, Elsa Marpeau, avec Petit éloge des brunes, la prolonge.
Lété, quon se le dise, cest le territoire des brunes dont les cheveux, alors, se parent dexquis reflets. On peut imaginer, ainsi, une longue demoiselle à la peau bronzée, parée dun bikini noir, sallongeant sur une plage et sortant de son sac un roman de James Salter ou de Lionel Shriver dont elle effleurera les pages de quelques mèches couleur nuit. Cette demoiselle nest pas dans le livre dElsa Marpeau ; elle pourrait.
Brune stylée elle-même et auteur de beaux romans à la Série Noireon pense à Black Block et LExpatriée notamment -, Elsa Marpeau connaît son sujet. Ca tombe bien. Avec elle, on a envie, pour une fois, doublier un peu BB dans Le Mépris ou Amber Heard dans tous ses films. Pour nous raconter les brunes, Marpeau a choisi la forme de labécédaire. De A comme Ava à Z comme Zélotes, en passant par Bohémienne, Diabolique, Lesbienne ou Tentatrice, cest une réussite, ça incite à la balade entre des lignes qui nous amènent aux confins de lAfrique et de lAsie. Dès les premiers mots, nous sommes touchés : « La plus belle femme du monde est brune. » On ne peut quacquiescer, encore plus en admirant le casting réuni par Marpeau. La liste de ses invitées impressionne : Audrey Hepburn, Monica Bellucci, Naomi Campbell, Salma Hayek, Penelope Cruz, Elizabeth Taylor, on en oublie. Puisquil faut des chevaliers servants pour ces brunes fatales, Marpeau a convoqué quelques poètes amoureux : Nerval, Baudelaire ou Jacques Grévin. Ils connaissent les mots de passe pour célébrer la grâce. Tout comme Elsa Marpeau, dont chaque phrase, à la caresse et à lassaut, nous enchante. Celle-ci, en guise dultime baiser volé : « Si lon devait ébaucher une histoire du brun au féminin, cela commencerait par le sexe et finirait par le sexe. »
Elsa Marpeau, Petit éloge des brunes, Gallimard, 2013
Texte paru dans Causeur, octobre 2013