lundi 31 mai 2010

Les premiers jours du monde


C'était en juin 2010.
Une nuit d'après les éclats.
Une nuit de pinot gris et de fumées enchanteresses.
Nous regardions Les derniers jours du monde, le film des frères Larrieu, d'après le roman de Dominique Noguez.
Dominique Noguez, d'ailleurs, apparaît dans une scène du film, classieux en costume noir et chemise blanche au milieu d'une ultime soirée libertine donnée par quelques bourgeois qui attendent la mort, classieux comme dans Soudaine mélancolie.
Tu étais nue, allongée contre moi sur le canapé défoncé.
Tu étais nue, et Liv Tyler, dans Beauté volée, et Eva Green, dans Les innocents, ont volé quelques zests de ta grâce
Tu étais nue, et je t'écoutais me raconter l'été, la plage, le sable, ta peau sous les caresses chaudes d'en haut qui te rappelaient les miennes.
Tu étais nue, et je me souvenais, avec toi, des saisons incendiées, de l'ivresse des nuits et des petits matins de bord de mer où la jouissance, comme un goéland sur le bois du balcon du Flaubert, s'invitait pour embraser l'aube.
Tu étais nue, et tu me disais "Il faudra, mon amour ...", et tu dessinais la fin de la terre, le vent violent, l'écume et puis aussi les bords d'un lac où il sera bon de lire Sexe et sarcasmes de Roland Jaccard, Traité du cafard et Délectations moroses de Frédéric Schiffter et puis, bien sûr, Physiologie des lunettes noires du camarade Leroy.
Tu étais nue, et tes yeux et tes lèvres et ton cou et tes seins et chacun des grains de beauté de ton corps amoureux m'apprenaient, telle une apparition sans cesse réinventée, que les derniers jours du monde seraient le palace infiniment sensuel de nos envies.


dimanche 30 mai 2010

De François Cérésa, de quelques inclassables et "Du soufre au coeur" ...


Ne pas cacher son plaisir.
Les ouiquendes de la fin du mois de mai m'enchantent.
Les mots, les sourires, les caresses, la sensualité de la plus jolie fille du monde, mon héroïne peau épique de l'amour fou.
La folie douce du temps inventé, en terrasse, plein soleil ou sous la lune.
La tendresse de baby Lou', qui n'est plus un bébé.
Et, par surprise, un salute en forme de olé ! de François Cérésa, dans l'édito du dernier numéro de son excellent Service littéraire.
Cérésa a toujours fait ce qui lui plaît, avec une classe folle et mousquetaire. C'est un tonton flingueur dont la grâce mélancolique serait celle d'un aristocrate du monde d'avant. Les mots à l'assaut, à la caresse, il connaît. Qu'il s'agisse de ses romans - je pense aux Moustaches de Staline dont j'avais parlé dans L'Opinion indépendante ou à Petit papa Noël que Pascal Galodé vient d'éditer -, de ses chroniques du Figaro Madame ou de son art de réunir les derniers écrivains fulminants dans une auberge espagnole où le style est roi, Cérésa fait mouche à chaque bon coup.
Et ce qu'il dit de quelques "inclassables" précieux et d'un roman qui m'est chair me donne un sourire gros comme le Ritz ...
"Tout le monde se classe. On essaye toujours de se classer. Ce qui est bien, c’est ce qui ne se classe pas. L’inclassable, c’est la classe. Il y a les écrivains engagés, les écrivains dégagés. Il y a la mention classable, la mention inclassable. On se classe comme un vieux bordeaux, on se déclasse d’un coup de plume. Les inclassables n’aiment pas les constipés du crayon. « Les inclassables », c’est aussi une collection. Lacoche, Gegauff, Bonnand, Le Guern. Ces pistoléros fuient la langue incolore, aride et ampoulée des herbiers de la bien-pensance. L’inclassable réprouve le sentimental pompeux des désespérants démagos de l’édition. Nous sommes chez Alphée. Un dieu transformé en fleuve. Inutile de dire que ça coule. Loin du politiquement lymphatique et larveux, on dégorge de roboratives opprobes. Après « La maison des girafes » de Philippe Lacoche, « Tous mes amis » de Paul Gégauff (disparu en 1983, dont a joliment parlé Eric Neuhoff dans « Les insoumis ») et « Alexandrine grande voyageuse à Paris » d’Alain Bonnand, voilà « Du soufre au cœur » d’Arnaud le Guern. Ce grand vent nous dégage les bronches. Les désespérés hilares dignes de Calet, Blondin et Nucéra sont à la fête. On ferme le robinet des eaux tièdes. Longue vie aux inclassables !"
François Cérésa, Service Littéraire, mai 2010

samedi 29 mai 2010

Etre ivre dans un train et déclamer un texte situ jusqu'à ce qu'un photographe iranien neuneu croit voir apparaître Ahmadinejab ...


Il faut dire merci à Reza d'avoir filmé, dans le train qui ramenait quelques écrivains du festival "Etonnants voyageurs" de Saint-Malo, le happeningue de Sébastien Lapaque lisant un tract situ terrible quant aux dérives des gauchistes institutionnels d'hier.
Ecrivain de grand style, chroniqueur percutant des tristes temps où nous vivons - lire impérativement son journal de fugues et de fulgurances, qui vient de paraître, Au hasard et souvent (Actes Sud) -, lecteur de Saint Augustin et d'Orwell, de Pasolini et de Bernanos, de Debord et de Paul-Jean Toulet, Lapaque s'y révèle un acteur parfait, habité par une ivresse joyeuse qui colle à merveille à son pastiche de l'oraison funèbre de Jean Moulin par Malraux. Sa tirade provoque les rires de quelques camarades, parmi lesquels Aurélien Masson - boss de la Série noire - et Olivier Maulin, romancier tonitruant et audiardesque.
Reza, lui, filme mais ne se marre pas. Reza ne doit pas souvent se marrer. Reza préfère voir, en Lapaque, un suppôt de Pétain. Reza a peur, il tremble, il flippe sa race. En effet, Sébastien, ne goûtant guère qu'on lui parle bêtement de Pétain, se moque de lui. Et ses insultes sont terribles : il évoque la France des terriers et de Jojo lapin.
C'en est trop pour Reza. Lui qui a connu toutes les guerres, la prison, lui qui est un martyr forever, se doit de dire la vérité et, de préférence, de la dire à un journaliste qu'il appelle, en larmes - le photographe iranien est neuneu mais, surtout, il est sensible, forcément sensible. Ecoutant Lapaque, Reza aurait été confronté à la nouvelle menace fasciste : il a vu Ahmadinejab aux portes de la France. Et, de son corps, de toute son âme qui souffre, il se battra. En portant plainte aussi, faut pas déconner. C'est à la mode et c'est mieux pour s'assurer une pub maximum.
Que dire d'autres ?
Se souvenir de Michel Audiard - "Les cons, ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnaît !"-, se plonger encore dans les mots de Sébastien Lapaque - son regard pamphlétaire lumineux sur la France de Sarkozy dans Il faut qu'il parte (Stock) - et tchiner amicalement, Drappier zéro dosage, avec lui comme nous le faisions, jadis, en terrasse du Comptoir du relais, chez Camdeborde, du côté d'Odéon avec les amis Authier et Leroy ...

vendredi 28 mai 2010

"Passion et alcool" : Du soufre au coeur lu par Philippe Lacoche (sous l'oeil, à tomber, de Zoé Félix ...)


Dans Le Courrier Picard du 27 mai, Philippe Lacoche, écrivain que nous aimons beaucoup - lire, notamment, ses nouvelles, ses chroniques et son dernier roman La maison des girafes (Alphée) -, livre sa très belle lecture de Du soufre au coeur. Ca nous plaît et ça plaît aussi, terriblement, à Zoé Félix, fatale héroïne de Déjà mort, film oublié, et du Coeur des hommes, dérive douce et légère où elle est un joli hasard du beau bizarre, une exquise matadoreuse du temps qui passe ...
"Dans quel état se retrouve-t-on quand la femme qu'on aime, qu'on aime passionnément décide de vous quitter ? C'est l'une des questions que se pose Arnaud Le Guern (à qui l'on doit notamment « Stèle pour Edern », chez Jean Picollec, en 2001, et « Nos amis les chanteurs, dernière salve, chez Alphée en 2009, co-écrit avec Thierry Séchan) dans son premier roman « Du soufre au coeur ».
Sa réponse est terrible. Le jeune narrateur du livre, écrivain écorché vif, se retrouve dans un hôpital pour se soigner de ses excès alcooliques. Mais surtout pour se soigner de l'absence d'Elsa, la femme de sa vie à qui il voue une passion sans limite. Le portrait qu'il dresse de lui-même est sans concession : « Aristocrate échoué à l'asile, oiseau fou mazouté, vieux gamin français passé trop vite des jupes de sa mère aux jupes des filles, jouisseur au regard froid, plaisantin du plaisir, dandy de foire, picoleur assermenté, enfant du siècle passé à tabac, socialo suicidé, idiot inutile, coco fascistoïde, prof de merde, écrivain de basse-fosse, pouilleux sans dieux, ni maître - sauf les miens ! - franc-tireur jamais partisan, derviche blasphémateur, Zorro au coeur qui pleure, fada du fado, de la peau et des frissons. »
Voilà qui est dit. Comment peut-il survivre dans cet hôpital, sans elle, sans alcool ? Cette cure de désintoxication sera difficilement supportable. Sous la surveillance à la fois attentive et glaciale du Dr Jevoitou, il tente de faire le point sur sa vie, sur la vie.
Il fera la connaissance de Djamila, adorable et violente jeune femme, qui, comme lui, s'est retrouvée en soins psychiatriques. Et naîtra une nouvelle histoire d'amour. Djamila, à la fois insaisissable, perturbée, délicieuse, parviendra-t-elle à lui faire oublier Elsa ? Elle possède tous les atouts pour cela : « Pour m'arracher au manque de folie des fous, Djamila s'est pointée. Elle vient de mon imagination - Schéhérazade -, de mes insomnies et des livres. Une héroïne à laquelle André Breton aurait pu donner vie. Une héroïne dont l'extravagance se boit cul sec, dont le plaisir appelle d'autres cieux que le premier étage de l'aile B du Val-de-Grâce, service psychiatrique. »
Mais - car il y a un « mais » et de taille !...- les choses ne seront pas simples. Et Arnaud le Guern de nous donner à lire cette terrible chute.
Ce premier roman brûlant, passionné, remarquablement écrit, séduit par sa sincérité, son ton et ses personnages jusqu'au-boutistes. À consommer sans modération."

vendredi 14 mai 2010

Christian Authier parle de Du soufre au coeur dans L'Opinion indépendante


Dans L'Opinion indépendante de ce jour, Christian Authier livre sa lecture de Du soufre au coeur. Titré "Du soufre et du souffle", son papier m'enchante, comme une petite musique du temps retrouvé.
Parce que je me souviens du premier coup de téléphone de Christian, en 2000 ou 2001. J'habitais encore Rennes, lui Toulouse. Il avait publié un beau texte sur Patrick Besson, je sortais mon Hallier de fou furieux.
Parce que je me souviens des longues soirées passées avec lui et quelques amis à boire du Morgon Lapierre, de l'Antidote de Comor ou un Red pif qui laissait les mots déambuler du côté de Paul-Jean Toulet, de Gérard Guégan, de Jacques Laurent mais aussi du côté de Baltimore et des 5 saisons de l'extraordinaire série The Wire - écrite, notamment, par David Simon, Georges Pelecanos, Dennis Lehane et Richard Price.
Parce que je n'oublie pas Enterrement de vie de garçon, Les liens défaits, Une si douce fureur, Une belle époque -les romans si délicats et percutants de Christian - ni Deuxièmes séances, ses braconnages autour de petits chefs d'oeuvre oubliés du 7e art, lu une nuit de Noël.
Parce que, dans L'Opinion indépendante, Christian m'a permis d'écrire, pendant longtemps, sur ce qui me plaisait : Berthet, Miossec, Muray, Bashung, Damages, Barbey, Sagan, ...
Sur Du soufre au coeur :
"André Gide disait que tout premier roman est un règlement de comptes. Avec sa famille, la société ou soi-même : peu importe. De gré ou de force, on délivre ses secrets et son pays intérieur. Dans Du Soufre au cœur, Arnaud Le Guern met en scène un jeune homme qui doit – ou qui a dû – lui ressembler : baroque, exténué, amoureux, désespéré, insupportable. Ce «vieil adolescent attardé» se voit confiné l’espace de quelques jours au Val-de-Grâce pour soigner une «polynévrite», dénomination médicalement correcte désignant les conséquences d’un alcoolisme entretenu avec persévérance. Notre «héros», qui buvait pour oublier et pour se souvenir, va réussir à desserrer les griffes d’un amour enfui, Elsa, en découvrant sur son théâtre d’hypothétique rédemption – dont le climat, à la fois bienveillant et terriblement castrateur, est parfaitement rendu – une autre jeune femme prénommée Djamila…
Arnaud Le Guern, à qui l’on doit un essai sur Jean-Edern Hallier et un pamphlet sur la chanson française cosigné avec Thierry Séchan, ne se prive pas de dérouler une mythologie sportive, littéraire, musicale ou cinématographique qui n’évite pas toujours l’écueil du name-dropping. Indurain, Pantani, Armstrong, Ali, Lautréamont, Breton, Aragon, Sagan Gégauff, Audiard, Notorious Big, Renaud, Léo Ferré et d’autres encore se fondent dans un kaléidoscope dessinant une géographie sentimentale où les barrières se lèvent au gré des sésames et des mots de passe. Mais derrière cette panoplie en forme d’armure percent la voix et le souffle d’un garçon inconsolable et rêveur. Les échos du royaume de l’enfance font alors entendre leurs notes les plus justes. Sous les célébrations romantiques et lyriques de l’amour fou, Du Soufre au cœur – qui n’est pas sans rappeler l’art de la concision du Nicolas Rey d’Un léger passage à vide – renoue avec un classicisme très français. Les enfants tristes n’ont pas fini de se confesser."

lundi 10 mai 2010

Jérôme Leroy, Du soufre au coeur, "une course de champion" ...


Sur Causeur.fr, Jérôme Leroy parle de Du soufre au coeur.
Ses mots stylés de dandy classieux nous touchent.
C'est ici - http://www.causeur.fr/une-course-de-champion,6236 - et ça ne semble pas plaire à quelques atrophiés de la langue.
Ce qui est très bon signe.
Du côté de chez lui, Feu sur le quartier général !, Jérôme repose une banderille dans l'échine du grand silence : http://feusurlequartiergeneral.blogspot.com/2010/05/une-course-de-champion.html
A lire, à commenter, à faire passer...