mardi 24 novembre 2009

Berlin, Berlin


Te souviens-tu, mon amour, de Berlin un ouiquende long de novembre ?
L'air d'automne avait la douceur de ta peau et un soleil improbable, au petit matin, dirigeait son projo sur les têtes brunes de gamins turcs jouant au foot.
Dans Kreuzberg, suivant le camarade Damien Guillaume, nous marchions sur des ruines taguées par des Basquiat de l'Est, géographie réinventée par-delà la faillite.
Dans Mitte, le chic et le toc à la Champs-Elysées. No comment.
Prenzlauer berg, sur les décombres de la RDA, nous insultions, sourire aux lèvres, les bobos, les babas et les poussettes triomphantes.
Un enfant, n'est-ce pas, est corniaud comme ses parents.
Sauf ma Lou', qui t'intrigue, t'enchante, te happe, quand je la fais, d'un coup de fil, complice de nos dérives lointaines.
Karl-Marx Allee, tu en as eu marre.
La faim et le talon en vrac de tes bottines de demoiselle sensuelle.
La faute aux pavés défaits des murs.
Au coeur d'Alexander Platz, j'ai aimé tes dents croquant des Curry Wurtz et tes blanches semelles de vent.
Devant un bistrot appelé "Madame Claude", ta main a cherché la mienne, puis l'a serrée, la nuit tombée, pour faire fuir le froid.
Damien parlait des juifs massacrés, des antisémites d'hier et d'aujourd'hui, de Henry Rousso et du roman - "Du rififi à Ramallah" - que j'éditerais, un jour.
Nous nous engueulions sur Polanski, Frédéric Mitterrand et sur l'art de la pêche les jours d'élection.
Tu m'as dit :
"Je ne sais pas qui tu es".
J'ai répondu :
"Je suis le rejeton de l'écume froissée et d'un rayon de beauté".
Tu as soupiré.
J'ai vrillé, tout cassé, filé, jeté ma clope au vent mauvais.
Tu as murmuré,
à l'heure des aubes grises,
un « Je t'aime » qui, sans cesse, résonne.
Au balcon, en terrasse, dans des bars où les canapés avaient la grâce du cuir défoncé, nous fumions des marlboros, des lucky strike, comme si le monde d'avant n'était pas mort.
Danke.
Bitte.
Et Fuck la commémoration.
Vingt ans après,
les cons lèchent le cul des morts, des bons soldats du capitalisme et des putes au visage triste de l'ex-bloc détesté.
Plutôt le Mémorial des soldats de l'Armée rouge morts pour libérer l'Allemagne.
Pour se souvenir.
Sous nos pieds, Treptower park, 4 800 cadavres.
Avant la fugue finale : vodka russe, éclats de rire et nos corps mêlés à l'instant des songes ivres. Tout était bien.
Te souviens-tu, mon amour, de Berlin un ouiquende long de novembre ?

mardi 3 novembre 2009

Le rire des goélands


Fin de la terre,
face à l'océan,
toujours le vent violent, la pluie sexy, l'écume glacée comme une vodka,
toujours le soufre au coeur,
toujours la langue des poètes :
Brautigan,
Carver,
Bukowski.
La langue, encore, de Paul Gégauff, de Jay Mc Inerney, de Patrick Besson.
Et le fleuve tuera l'homme blanc est un beau roman et Accessible à certaine mélancolie me cogne, à chaque relecture, de sa grâce calme de fin du monde d'avant.

Fin de la terre,
sa main dans la mienne,
toujours ma Louise,
musette mimosa,
luciole de mes semaines amputées,
jolie écolière en vacances,
danseuse sur le parquet des maisons de famille.

Fin de la terre,
là où l'émotion bat,
toujours toi,
mon amour,
partout toi.
Dans le souvenir chaud, comme le souffle de l'été, de tes apparitions.
Dans les dérives brumeuses le long des rues grises du centre de Brest.
Dans le rire des goélands, pointe Saint-Matthieu.
Dans l'appel des baisers, à flanc de tempête.
Fin de la terre,
je souris au hasard de recevoir,
sur l'écran de mon nokia,
tes mots
qui me parlent
de la beauté des frissons
sur la peau
à l'instant où Tom Wesselmann
m'offre,
de son nuage,
l'esquisse
d'une brune héroïne
à la silhouette modiglianesque.